Une équipe de l’UdeS s’attaque aux microorganismes pathogènes
Des biocapteurs à points quantiques pourraient sauver des vies
Lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a présence de microorganismes pathogènes dans l’eau potable ou dans l’air, les procédures microbiologiques sont longues et inappropriées. «La science a fait très peu de progrès depuis l’époque de Pasteur», comme le souligne le professeur Jan J. Dubowski du Département de génie électrique et de génie informatique de l’Université de Sherbrooke. Les tests rapides disponibles sur le marché sont actuellement spécifiques pour un seul microorganisme à la fois. En conséquence, le dépistage de plusieurs microbes potentiels dans l'eau devient très coûteux. Toutefois, la situation pourrait changer dans les prochaines années puisque dernièrement, NanoQuébec, l’Agence spatiale canadienne, l’Institut canadien pour l’innovation en photonique (ICIP), Magnor inc. et la Chaire de recherche du Canda en semi-conducteurs quantiques ont accordé une somme de 244 000 sur deux ans au projet de biocapteurs à semi-conducteurs quantiques pour la détection rapide et quantification de microorganismes pathogènes dans l’eau potable présenté par une équipe de l’UdeS et du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.
L’idée de la détection est basée sur la mesure de l’émission optique des nanocristaux semi-conducteurs qui est modifiée très fortement si une biomolécule comme un virus est immobilisée sur la surface d’un point quantique. L’équipe du professeur Dubowski a découvert que le processus de détection biologique devient efficace si les points quantiques sont organisés en forme d’un réseau à deux dimensions. «Nous avons déjà décelé rapidement le virus de la grippe par cette méthode en cours d’homologation de brevet», affirme le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en semi-conducteurs quantiques.
Cette subvention octroyée par NanoQuébec permettra de compléter une série de tests sur la détection de bactéries dans l’eau potable. Si la démonstration de la méthodologie fonctionne telle qu’anticipée, la technologie sera transférée à Magnor inc., une entreprise bouchervilloise ancrée dans le milieu depuis plus de 40 ans et spécialisée dans la conception, la fabrication et l’installation d’appareils innovateurs, dont des dispositifs portatifs visant l’amélioration de la qualité de l’eau.
Contamination bactériologique
Des épisodes récurrents de contamination de l’eau potable par des microorganismes ont fait plusieurs victimes. Qui ne se souvient pas du drame de la municipalité de Walkerton en Ontario où sept résidents sont morts après avoir bu de l’eau infectée par la bactérie E. coli? En 1976, une affection respiratoire a frappé plus de 221 personnes qui participaient à un congrès de l’American Legion de la Pennsylvanie. 34 en sont morts. La mystérieuse maladie a été identifiée six mois plus tard comme étant la bactérie Legionella pneumophila. Elle provenait du système d’air climatisé de l’hôtel!
D’une part, la maladie du légionnaire tire son origine de cette tragédie et elle est une forme de pneumonie grave qui s’attaquait surtout aux animaux et maintenant aux humains. D’autre part, Legionella pneumophila se propage par les systèmes de ventilation des immeubles et prolifère dans l’eau stagnante et tiède. Lorsque l'air circule, elle charrie des gouttelettes d'eau contaminées qui peuvent voyager dans tout l'immeuble et être inhalées, ce qui permet à la bactérie de pénétrer dans le poumon.
Présentement, les méthodes de détection sont incapables de mesurer rapidement la contamination dans la tuyauterie, particulièrement l’eau chaude, et les systèmes d’air climatisé. Les tests de culture afin de déceler la présence de Legionella peuvent durer jusqu’à dix jours et requièrent la présence de techniciens hautement qualifiés. En conséquence, le développement d’outils pour gérer les systèmes de plomberie dans les édifices publics de même que pour le contrôle de la qualité de l’eau dans les stations de traitement devient une nécessité pour détecter promptement la Legionella et d’autres microorganismes pathogènes.
Les travaux de l’équipe Dubowski constituée de deux professeurs de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, Éric Frost, microbiologiste, et Sophie Michaud, microbiologiste-infectiologue, de même qu’une étudiante à la maîtrise en génie électrique et en génie informatique, Valérie Duplan, biologiste de formation, détermineront en quelques minutes seulement s’il y a présence de bactéries ou de virus dans l’air ou l’eau en utilisant une technologie de biocapteurs basés sur des semi-conducteurs quantiques. Ces recherches permettront de détecter et identifier les virus et bactéries responsables des maladies d’acquisition communautaire (édifices publics, bureaux gouvernementaux, etc.) et les infections nosocomiales, développées 48 heures après l’admission d’un patient dans un hôpital. «Si les femmes peuvent savoir en quelques minutes à partir d’un test de grossesse si elles sont enceintes, je ne verrais pas pourquoi les médecins ne pourraient pas à partir d’un dispositif portatif installé dans leur bureau identifier clairement lors d’une consultation si le patient est victime d’un virus ou d’une bactérie,» mentionne le professeur Dubowski.