Parcours de génie | Chloé Legris
L'éclaireuse
Photo : UdeS
Si un seul mot devait décrire à la fois le parcours et la personnalité de Chloé Legris, ce serait « éclaireuse », sans l’ombre d’un doute. Pourquoi? Parce que la finissante de la 41e promotion génie mécanique est l’une des pionnières du projet de Réserve internationale de ciel étoilé du Mont-Mégantic, mais également parce qu’elle contribue, encore aujourd’hui, à éclairer le parcours de nombreuses personnes aux études qui souhaitent emprunter la voie de l’entrepreneuriat.
Originaire de Montréal, Chloé est débarquée à Sherbrooke avec l’intention de repousser ses limites :
Au départ, je n’avais pas l’ambition de devenir ingénieure, mais je trouvais que c’était un défi intellectuel exaltant. Je me suis dit que si j’y arrivais, je pourrais surmonter toutes les épreuves qui se présenteraient à moi et que rien ne pourrait me faire peur. Je trouvais le génie concret et logique, et ça me permettrait de mieux comprendre le monde dans lequel on vit. Aussi, le champ des possibles était large; j’allais pouvoir m’amuser, voyager, trouver quelque chose qui m’allume.
C’est exactement ce qui s’est produit.
Photo : fournie
Quel a été ton parcours depuis que tu as obtenu ton diplôme?
« J’avais d’abord choisi Sherbrooke par amour, parce que mon copain de l’époque y venait, mais je suis littéralement devenue amoureuse de la région également : à 15 minutes de la ville, il y a la montagne, la campagne, le bord de l’eau. J’ai choisi de ne plus repartir et d’y fonder ma famille. Quand j’ai terminé mes études, j’étais déjà enceinte de mon deuxième enfant! Je suis donc allée à une foire de l’emploi, quelques mois après la fin de mes études avec mon bébé de trois mois et ma poussette. En 30 minutes à peine, c’était réglé! J’avais trouvé mon premier emploi en tant qu’ingénieure dans une firme de génie conseil, qui a compris ma situation et qui m’a offert de commencer quand je serais prête. J’y ai travaillé un an, puis j’ai poursuivi ma route vers de nouvelles aventures :
- Réserve internationale de ciel étoilé du Mont-Mégantic
J’ai chapeauté la mise sur pied du projet dès les balbutiements. C’était une belle page blanche et un amalgame parfait de plusieurs aspects qui m’emballaient : préservation du patrimoine scientifique, astronomie, gestion de projets, communication, et bien sûr ingénierie appliquée au domaine de l’efficacité énergétique. Pendant sept ans, j’ai monté le projet, collaboré avec plusieurs partenaires de différents paliers de gouvernement, des centres de recherche, du secteur privé, etc. J’ai énormément appris en matière de leadership et de gestion aux côtés de personnes visionnaires et passionnées. Ça m’a également permis de découvrir mon côté entrepreneure, que je ne savais pas que j’avais.
- Ressources naturelles Canada
Après avoir collaboré avec cet organisme gouvernemental pour la réserve de ciel étoilé, j’y ai fait un saut pour coordonner la mise en place du programme d’efficacité énergétique pan canadien dans tous les bâtiments du Ministère et participé au transfert de technologies développées par le centre de recherche.
- Sherbrooke Innopole
J’ai eu la chance d’y occuper un poste qui avait presque été créé pour moi, soit celui de directrice du développement des affaires, technologies propres. J’ai travaillé avec des entreprises technologiques dans le domaine de l’environnement, de plusieurs secteurs : matières résiduelles, stockage d’énergie, bioprocédés, bâtiments verts, etc. Moi qui ai toujours eu à cœur d’avoir un impact environnemental comme ingénieure, j’étais servie et j’étais exactement là où j’avais envie d’être. Mon rôle était de soutenir les nouvelles entreprises, changer les pratiques, amener de nouvelles technologies et les faire adopter par le marché. Ça a véritablement cimenté ma certitude selon laquelle l’entrepreneuriat était vraiment ma branche, comme une illumination!
- Espace-inc
Finalement, en 2014, j’ai démarré Espace-inc, un accélérateur d’entrepreneurs. J’ai mis encore plus en pratiques mes habiletés entrepreneuriales, j’ai tout bâti de A à Z, et c’est devenu une organisation reconnue à l’échelle du Québec. On s’est occupé d’entreprises innovantes provenant de différents secteurs d’activités. On a développé une approche concrète d’accompagnement grâce à un réseau d’entrepreneurs aguerris, on s’est donné les moyens de faire ce en quoi en croyait, qui était d’aider les entrepreneurs en innovation en région. On a répondu à un réel besoin des PME et start-ups québécoises et j’en suis très fière. On a même développé un guide des meilleurs pratiques d’accompagnement qui a été diffusée partout au Québec. »
Photo : fournie
Il y a 25 ans te voyais-tu où tu es maintenant?
« Pas du tout! J’ai toujours aimé la nature et le développement durable, j’étais intéressée à comprendre la physique du mouvement des éléments et c’est en partie pour ça que j’ai choisi le génie mécanique. Par-dessus tout, je voulais sentir que j’étais utile. Mon moteur à moi, ça a toujours été d’avoir un impact positif sur la société. »
As-tu déjà eu des doutes, des remises en question?
« Tout le temps! C’est dans ma nature de me remettre en question. C’est seulement quand j’ai commencé à travailler à Espace-inc que je me suis enfin dit : « je pense que je sais ce que je veux faire à partir de maintenant ». Mais j’avais 40 ans! J’ai quand même toujours été guidée par mes valeurs; au début c’était beaucoup l’environnement, après ça a été l’entrepreneuriat, comment rendre nos organisations plus humaines, mieux s’occuper de nos gens. Aujourd’hui, je dis que je fais de l’ingénierie sociale : je design des systèmes humains qui apprennent à travailler ensemble. Mon esprit analytique d’ingénieure, je l’applique maintenant aux organisations avec lesquelles je travaille, pour créer des interactions humaines fluides. »
As-tu un message particulier à livrer à la communauté du génie?
« Faisons preuve d’humilité. Notre rôle est important pour la société et nous pouvons être fiers d’être ingénieur(e)s, mais chaque personne a ses compétences, peu importe son statut et son titre d’emploi. Je nous invite à porter un message humain d’équité, selon lequel chaque personne peut contribuer à sa façon au progrès. On n’a jamais fini d’apprendre, non seulement sur soi-même, mais également de toutes les personnes que l’on côtoie. »
Si tu pouvais adresser un message à l’étudiante que tu étais, que lui dirais-tu?
« Aie plus confiance en toi, n’aie pas peur de déplaire. À l’époque, j’avais du mal à croire que j’avais ma place dans ce domaine à majorité masculine. Je me sentais aussi à part, car mes valeurs environnementales détonnaient un peu avec le milieu mécanique (qui a beaucoup évolué depuis les années 90). Pourtant, le fait de suivre mes valeurs et mon instinct m’a bien servie au cours de ma vie! Ça m’a pris du temps à accepter de ne pas faire plaisir à tout le monde, ça a été difficile. J’aurais dû m’écouter davantage, plus tôt. »
Un mot de la fin?
« Oui! J’ai la chance de donner des ateliers en entrepreneuriat à plusieurs étudiantes et étudiants avec Createk et le département de génie mécanique. Je tiens à mentionner que les jeunes d’aujourd’hui sont vraiment beaux à voir évoluer, ils sont allumés et ils veulent avoir un impact positif sur la société. Il faut garder ça! Je leur dirais donc : ˝Continuez de suivre vos valeurs et d’agir avec intégrité, toujours. Soyez curieux, pas seulement de la technique, mais des gens aussi. Restez ouverts à la diversité des humains que vous rencontrez sur votre chemin, c’est toujours surprenant. »
Au moment de notre entretien, Chloé Legris ne sait pas encore quelle sera sa prochaine aventure… mais parions qu’elle sera tout aussi lumineuse que les précédentes!