Aller au contenu

Une Faculté de droit. Quatre cliniques juridiques.

Texte tiré du magazine Paroles de droit, vol. 10, no. 1 (Hiver 2018)

La Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke a une mission très claire : offrir un enseignement de la plus haute qualité aux étudiantes et aux étudiants qui la choisissent pour devenir d’excellents juristes. Et les façons de s’acquitter de cette mission sont nombreuses. L’innovation demeure toutefois pour la Faculté une avenue privilégiée afin d’améliorer sans cesse l’expérience offerte à la communauté étudiante. C’est précisément ce qui a fait naître le programme d’activités cliniques, puis les cliniques juridiques.

Selon la coordonnatrice aux activités de développement des habiletés de juriste, Josée Chartier, le programme d’activités cliniques permet aux étudiants de vivre une expérience d’apprentissage en milieu pratique avec l’objectif pédagogique de favoriser le développement autant du savoir-faire que du savoir-être. « C’est l’occasion de mettre à l’épreuve les connaissances juridiques acquises sur les bancs d’école et de les transposer à une situation d’apprentissage réelle. Cette approche permet de consolider les apprentissages en rattachant des concepts juridiques, qui apparaissent parfois plus théoriques, à des situations bien concrètes de la vie des gens. »

Josée Chartier et Florence Gauthier, étudiante en droit et sciences de la vie.
Josée Chartier et Florence Gauthier, étudiante en droit et sciences de la vie.
Photo : Université de Sherbrooke

Elle ajoute qu’au-delà des notions acquises dans le cadre d’une activité clinique, l’apprentissage le plus significatif s’appuie certainement sur l’occasion qui est offerte de côtoyer des juristes d’expérience et la chance de se familiariser avec l’approche client. « C’est une chose de se faire expliquer comment se déroule une entrevue avec un client, mais c’en est une autre d’observer et même de participer à une telle rencontre. L’expérience concrète démontre à quel point il est important d’agir de manière professionnelle et de faire preuve d’écoute, d’empathie et d’engagement face aux clients, des aptitudes qui se développent et qui s’enseignent plus difficilement par la voie d’un cours magistral. Lorsqu’ils arrivent en 3e année du bac, je pense que les étudiants ont une solide formation et de bons outils. Ils doivent alors apprendre non seulement à appliquer leurs connaissances, mais aussi et surtout à apprivoiser le milieu juridique et à se faire confiance! » Toujours selon Josée Chartier, la plupart des étudiants qui ont la chance de prendre part aux activités cliniques classent celles-ci, sans hésitation, parmi les plus significatives de leur passage à la Faculté.

Des activités cliniques aux cliniques en activité

L’expertise que la Faculté a su développer au cours des années a logiquement mené à la création de cliniques juridiques, à la fois pour permettre aux étudiants de réaliser leurs activités sur le Campus et pour élargir son champ d’action communautaire. Les cliniques juridiques de la Faculté contribuent ainsi à la formation des étudiants, par le développement de compétences liées à la pratique, et favorisent l’accès à la justice.

« Dans le cadre juridique actuel, les cliniques juridiques se limitent à donner à leurs usagers des services d’information juridique, et non des conseils juridiques, qui sont des actes relevant de la compétence exclusive des avocats et des notaires », précise Me  Déborah Montambault-Trudelle, coordonnatrice de l’ensemble des cliniques juridiques à la Faculté. « À ce sujet, nous suivons de près le débat entourant l’assouplissement des restrictions aux actes que peuvent poser les étudiants agissant au sein des cliniques juridiques universitaires (projet de loi no 697 : Loi visant à permettre aux étudiants en droit de donner des consultations et des avis d’ordre juridique dans une clinique juridique universitaire afin d’améliorer l’accès à la justice). »

La Clé de vos droits

Marie-Claude Desjardins et Véronique Fortin, en compagnie d’Amélie Latendresse-Brassard, étudiante en droit et sciences de la vie.
Marie-Claude Desjardins et Véronique Fortin, en compagnie d’Amélie Latendresse-Brassard, étudiante en droit et sciences de la vie.
Photo : Université de Sherbrooke

Doyenne des cliniques juridiques de la Faculté, La Clé de vos droits a vu le jour dans les années 1970, initialement pour desservir la communauté universitaire. Compte tenu de la demande grandissante, il a été décidé, quelques années plus tard, d’ouvrir ses portes à l’ensemble de la population. Aujourd’hui, la majorité des personnes faisant appel à La Clé de vos droits ne font pas partie de la communauté universitaire.

La Clé de vos droits offre de l’information juridique gratuite, sans condition. Elle répond à toute question de droit, à l’exception du droit criminel. De 5 à 7 étudiants par session assurent une présence à la clinique et répondent aux nombreuses demandes en personne, par courriel ou par téléphone, selon les besoins des usagers. Les demandes touchent notamment aux domaines de droit suivants : droit de la famille, droit de la consommation, droit du travail, droit du logement, droit de la responsabilité civile, droit de la faillite, droit des contrats, droit des biens, droit de l’immigration, droit administratif, droit de l’assurance, droit municipal, preuve, testament, mandat, succession, procédure, etc.

En Estrie, les services de soutien aux justiciables sont moins nombreux que dans les grands centres comme Montréal ou Québec. En outre, il n’existe pas de centre de justice de proximité dans la région, ni d’autres cliniques juridiques, et Juripop Estrie a fermé ses portes en 2015 faute de moyens financiers. La Clé de vos droits devient conséquemment un organisme d’information juridique d’importance en Estrie. Elle jouit par surcroît d’une belle relation avec les organismes de la région, comme en témoignent les références mutuelles des usagers en fonction de leurs besoins.

Les étudiantes et les étudiants qui ont la chance de travailler à La Clé de vos droits peuvent compter sur la supervision étroite de quelques professeurs. C’est donc à eux, en collaboration avec la coordonnatrice, que revient le mandat de former les étudiants sur les enjeux éthiques, sociaux et juridiques de l’information juridique. Ils doivent aussi accompagner et orienter les étudiants dans leurs recherches, participer à des rencontres hebdomadaires et répondre aux questions des étudiants, que celles-ci soient de nature juridique ou non (type d’intervention, référence à des organismes offrant des services connexes, communication, etc.). Selon les professeures Véronique Fortin et Marie-Claude Desjardins, qui assuraient la supervision de la clinique la session dernière, la participation aux activités de la Clé de vos droits a de nombreuses retombées positives sur l’apprentissage. Elle permet, notamment, aux étudiantes et aux étudiants :

  • de faire des liens entre différentes matières;
  • de mobiliser leurs connaissances juridiques dans le cadre de cas concrets et de décloisonner leur savoir juridique;
  • de développer les habilités « sociales » du juriste (savoir-être et savoir-faire);
  • de trier les faits pertinents et d’identifier les questions juridiques;
  • de développer des habiletés de communication juridique efficaces;
  • d’apprendre à formuler une réponse en langage clair et concis, en s’assurant de se limiter à de l’information juridique;
  • d’aiguiser leur esprit juridique dans une panoplie de sujets; et
  • d’apprendre à intervenir auprès de personnes ayant des profils variés avec une attitude de respect et de non-jugement.

Clinique de médiation

Rielle Lévesque, en compagnie de Manuela Parisotto et Nancy Leggett-Bachand, étudiantes en PRD.
Rielle Lévesque, en compagnie de Manuela Parisotto et Nancy Leggett-Bachand, étudiantes en PRD.
Photo : Université de Sherbrooke

Récemment ajoutée au catalogue de la Faculté en matière de services juridiques destinés à la population, la Clinique de médiation de l’Université de Sherbrooke, établie au Campus de Longueuil, a pour objectif de favoriser l’accès à la justice en mettant à la disposition des citoyens un mode de règlement des différends complémentaire au procès : la médiation.

Comme l’expliquent la professeure Véronique Fraser , directrice de la clinique, et Rielle Lévesque, agente et personne-ressource, la médiation est un processus volontaire et flexible qui se déroule dans un cadre privé et confidentiel. « Les médiateurs aident les personnes en conflit à dialoguer, à clarifier leurs points de vue, à cerner leurs différends, à identifier leurs besoins et leurs intérêts, à explorer des solutions et à parvenir, s’il y a lieu, à une entente mutuellement satisfaisante. »

Elles ajoutent que le législateur prévoit, à l’article 1 du nouveau Code de procédure civile entré en vigueur le 1er janvier 2016, l’obligation pour les parties de considérer le recours aux modes privés de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux. « Ces modes incluent notamment la négociation entre les parties, la médiation et l’arbitrage. Par le biais de cet article, le législateur indique que le procès n’est plus le mode de règlement par défaut : ce sont plutôt les modes extrajudiciaires, comme la médiation, qui le deviennent formellement. »

La Clinique de médiation facilite donc la mise en œuvre de l’article 1 en mettant à la disposition des citoyens le recours gratuit à une médiation dispensée par des médiateurs compétents. « Les services sont offerts par des étudiants aux programmes de 2e cycle en prévention et règlement des différends de la Faculté qui ont complété un minimum de 18  crédits universitaires (représentant 270 heures de formation de 2e  cycle), précisent Véronique Fraser et Rielle Lévesque. Ils se qualifient pour devenir médiateurs accrédités par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (l’IMAQ), le principal regroupement multidisciplinaire et centre d’accréditation de médiateurs et d’arbitres au Québec. Les étudiants médiateurs sont issus d’une variété de domaines, incluant le droit, le génie, la gestion, les ressources humaines, la sociologie et la psychologie. »

Concrètement, la Clinique de médiation s’intègre dans le cadre du cours optionnel PRD 739 – Pratique de la médiation, offert dans le cadre des programmes de prévention et règlement des différends. Les étudiants inscrits doivent participer à un minimum de 25 heures de pratique en médiation, sous la supervision de Ginette Despars, chargée de cours et médiatrice d’expérience. Ce stage permet aux étudiants d’avoir une expérience similaire à la pratique de médiateur en cabinet privé, puisqu’ils s’occupent de la gestion des dossiers de médiation du début à la fin. Ils sont chargés de rencontrer les parties individuellement pour tenir des séances de préparation et de prémédiation, d’expliquer aux parties le processus de médiation, de faire signer aux parties une entente de confidentialité, de mener la séance de médiation et de superviser la rédaction de l’entente, s’il y a lieu.

La Clinique de médiation destine ses services à tous les citoyens. Elle a formé des ententes de collaboration à titre gratuit avec des organisations publiques et privées pour résoudre les conflits entre leurs membres ou leurs employés. Elle comporte actuellement des partenariats avec le Service correctionnel du Canada, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Fédération des coopératives d’habitation intermunicipale du Montréal métropolitain, le Centre de justice de proximité de la Montérégie, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Estrie, la clinique juridique de l’Université McGill, la clinique juridique du Y des femmes, ainsi que la Clinique de médiation de l’Université de Montréal. Tout citoyen ou membre de la communauté universitaire peut également communiquer directement avec la Clinique de médiation pour faire appel à l’expertise de ses médiateurs.

Clinique entrepreneuriale

Patrick Mignault et Déborah Montambault-Trudelle, en compagnie de Jean-Christophe Imbeau, étudiant en Droit-MBA.
Patrick Mignault et Déborah Montambault-Trudelle, en compagnie de Jean-Christophe Imbeau, étudiant en Droit-MBA.
Photo : Université de Sherbrooke

La Clinique entrepreneuriale est une autre des cliniques dont la Faculté de droit est extrêmement fière. Elle se distingue des autres en raison de son secteur d’activités, de sa mécanique et du type d’usagers auxquels s’adressent ses services. La structure de la Clinique entrepreneuriale a été développée par la Faculté en partenariat avec des membres de l’École de gestion et de l’Accélérateur entrepreneurial Desjardins (AED) de l’Université de Sherbrooke. Les étudiants entrepreneurs de l’École de gestion sont d’ailleurs les premiers usagers de la Clinique entrepreneuriale.

D’une part, elle offre gratuitement de l’information juridique exclusivement aux entreprises en démarrage ou à toute personne porteuse d’un projet entrepreneurial. D’autre part, elle permet à des étudiants de 3e et de 4e années en droit de participer aux cours ACT 101 – Préparation à la création d’entreprise et ACT 201 – Lancement, gestion et fermeture d’entreprise, dispensés à l’École de gestion, dans le cadre desquels ils travaillent en équipe à la création et au lancement d’une entreprise sur une période de deux trimestres.

Selon le professeur Patrick Mignault, vice-doyen à la recherche et aux études supérieures, et Me Déborah Montambault-Trudelle, la Clinique entrepreneuriale a vu le jour, dans une perspective globale, pour appuyer l’entrepreneuriat dans la région et ainsi favoriser le développement économique par la prestation de services de base à l’implantation d’entreprises innovantes et le soutien des efforts de leurs promoteurs. « Plus spécifiquement, l’objectif principal de la clinique est d’offrir aux entreprises en démarrage de la région de Sherbrooke un service d’information juridique gratuit sur différents domaines du droit des affaires : droit corporatif, propriété intellectuelle, protection de l’information dans le secteur privé, droit des obligations, etc. » La clientèle visée est donc celle des entreprises en démarrage qui n’ont pas les ressources financières nécessaires pour se procurer des services juridiques auprès d’avocats et de notaires de la pratique privée. Il peut aussi s’agir d’entrepreneurs qui cherchent à valider des informations juridiques pour un projet d’affaires.

Concrètement, les étudiants peuvent notamment être appelés à expliquer la différence entre une vente d’actifs et une vente d’actions, les critères théoriques de brevetabilité d’une invention ou les différentes formes juridiques d’exploitation d’une entreprise. « Lorsque les étudiants de la clinique ne parviennent pas à répondre aux questions plus complexes, ceux-ci s’efforcent de rediriger les usagers vers les ressources disponibles appropriées », précise Me Montambault-Trudelle.

Le professeur Mignault ajoute que la clinique offre aussi, sur demande, des séances d’information destinées aux entreprises sur des aspects fondamentaux du droit des affaires. « La clinique cherche également à transmettre et à vulgariser les principes généraux du droit des affaires à l’intérieur de différents canaux de communication utilisés par les entrepreneurs et à établir de solides partenariats avec, notamment, d’autres facultés de l’Université de Sherbrooke, des entreprises régionales qui offrent de l’accompagnement et des conseils aux entrepreneurs et les incubateurs-accélérateurs d’entreprises. »

Bureau d’assistance juridique internationale (BAJI)

David Pavot et Geneviève Dufour.
David Pavot et Geneviève Dufour.
Photo : Université de Sherbrooke

Dans le cadre du cheminement de maîtrise en droit international et politique internationale appliqués (DIPIA), les étudiants peuvent choisir de faire un stage ou un mandat. Dans ce dernier cas, ils effectuent des mandats réels, confiés par des partenaires, sous la supervision d’un professeur. « Afin d’assurer à nos étudiants une belle diversité de mandats, nous avons développé des liens avec plusieurs organisations. Nous nous sommes toutefois rapidement rendu compte que nous étions victimes de notre succès : nous n’arrivions pas à répondre à tous les mandats. C’est dans ce contexte que nous avons eu l’idée de créer le BAJI », expliquent la professeure Geneviève Dufour, codirectrice du programme en DIPIA, et David Pavot, chargé de cours à forfait à la Faculté.

Ils ajoutent que de travailler sur de vrais dossiers change tout. « Il y a un vrai client, de vraies attentes, des délais à respecter. Le niveau est plus élevé et les étudiants en sont conscients. Leur implication est vraiment remarquable, voire exceptionnelle. » Les étudiants vivent une vraie expérience professionnelle, très valorisée dans le milieu. En devenant de réels consultants au BAJI, ils ont accès à une nouvelle dimension et « il n’est pas rare qu’ils nous disent que leur expérience a été décisive pour un stage ou un emploi ».

Au quotidien, le BAJI se concentre sur des mandats relevant du droit international public, donc du droit qui régit les États et les organisations internationales. « Nous recevons des mandats d’organisations internationales, d’organisations non gouvernementales et de ministères, mais aussi d’individus lorsque les droits de ceux-ci sont bafoués par un État », précise David Pavot. Le BAJI n’est pas spécialisé dans un domaine précis du droit international. « Certaines cliniques existent d’ailleurs déjà, au Québec, dans des domaines précis du droit international et nous nous sommes entendus avec leurs responsables, dès la phase de conception du BAJI, pour ne pas jouer dans leur cour. »

Depuis trois ans, le BAJI a travaillé sur divers dossiers. Grâce aux efforts et à la qualité du travail des étudiants, il a notamment conseillé un gouvernement en matière d’aviation civile internationale, participé à déposer une plainte contre le Canada devant le Comité contre la torture des Nations Unies, obtenu des mesures provisoires de la Cour africaine des droits de l’homme pour sauvegarder les droits d’un prisonnier maltraité au Rwanda et établi les bases de la négociation de l’accord de siège entre l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et le Canada. L’automne dernier, les étudiants ont travaillé sur le Pacte mondial pour l’environnement, en plus d’assurer les suites dans l’affaire devant la Cour africaine des droits de l’homme. À l’hiver, ils entameront un nouveau mandat visant à assister un avocat parisien dans le cadre d’un dossier impliquant la culture intensive du soya dans un pays d’Amérique du sud. Comme le souligne fièrement la professeure Dufour, les sujets sont variés et chacun y trouve son compte. « Certains mandats de la clinique ont amené les professeurs ou même les étudiants vers de nouvelles questions de recherche. L’enseignement clinique mène à de la recherche clinique, qui parfois mène aussi à de la recherche fondamentale. »

Les cliniques juridiques s’inscrivent naturellement dans la poursuite de la mission d’excellence de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, et ce, d’une manière parfaitement compatible avec la vision novatrice et pratique qui a toujours orienté ses initiatives. Il ne fait vraiment aucun doute que la formation y gagne autant que la communauté dans son ensemble.


Informations complémentaires