50 ans après la chute de Saïgon
Un exilé de l'après-guerre vietnamien redonne à sa société d’accueil
Photo : Fournie
Huu Hoang Duong se souviendra toute sa vie du 30 avril 1975, le jour où la capitale du sud du Vietnam, sa ville natale, a été perdue aux mains du régime communiste du nord du Vietnam. Cinquante ans plus tard, l’ancien étudiant en médecine de l’Université de Sherbrooke raconte son parcours.
Il avait 11 ans lors de la chute de Saïgon. Dans les années qui ont suivi, de nombreuses familles sont montées à bord de bateaux de fortune surpeuplés (raison pour laquelle on les désignait sous l'appellation courante boat people ou encore réfugiés de la mer) pour fuir un pays qu’elles ne reconnaissaient plus.
Dans ce pays, la liberté n’existait plus. L’État contrôlait tout. Il surveillait ce que nous disions, ce que nous lisions. Il fallait demander la permission pour voyager d’une ville à l’autre. L’État voulait même contrôler notre pensée avec des cours d’endoctrinement obligatoire à l’école.
Dr Huu Hoang Duong
À 18 ans, malgré la réticence de ses parents et la présence de dangers réels, le jeune homme décide de partir seul, en secret, pour retrouver la liberté et avoir accès à des études avancées.
Il passera huit jours en mer et presque un an dans un camp de réfugiés en Malaisie avant d’atterrir au Québec.
« J’ai été chanceux, car environ la moitié des boat people n’ont pas survécu en mer. Nous avons rencontré des pêcheurs qui s’étaient transformés en pirates et nous pillaient. »
Bien qu’il n’ait aucune famille au Canada, le futur Dr Duong attire l’attention de la délégation québécoise dans le camp de réfugiés grâce à ses connaissances en français acquises lors de cours de langue seconde au Vietnam.
À son arrivée au Québec, un agent d’immigration le dirige vers Sherbrooke, où il commence une nouvelle vie.
Le jour, le jeune homme, maintenant âgé de 19 ans, fréquente les classes de 5e secondaire à l’école Montcalm et le soir, il suit les cours obligatoires de secondaire 4 afin d’obtenir son diplôme d’études secondaires. Il obtiendra ensuite son diplôme d’études collégiales et universitaires tout en travaillant comme journalier en restauration.
C’est une histoire heureuse, mais le Dr Duong a aussi vécu des moments de mélancolie et d’incertitude au cours de ses années d’intégration.
« J’étais jeune, j’arrivais sans famille, et c’était un dépaysement complet. Je n’avais aucune formation professionnelle, aucune expérience et j’avais les mains vides.»
Armé de détermination et conscient des possibilités offertes par la société québécoise, le Dr Duong embrasse ses rêves, notamment celui de devenir médecin.
Il obtient son diplôme de doctorat en médecine de l’UdeS en 1993. Il poursuivit sa spécialisation en radiologie diagnostique, toujours à l’UdeS, jusqu’en 1998.
Son épouse, également vietnamienne, est arrivée au Québec un peu avant les boat people. Diplômée à l’Université Laval, elle est chirurgienne-dentiste. Ensemble, ils s’impliquent dans la communauté vietnamienne au Québec et participent à différentes activités philanthropiques. Avec l’équipe de Terre Sans Frontières et Dentistes Sans Frontières, le couple a aussi effectué quelques missions humanitaires dans les pays du tiers-monde.
Le Dr Duong se souviendra toute sa vie du 30 avril 1975. Cinquante ans plus tard, l’ancien étudiant de l’UdeS redonne un don de 50 000 $ à son alma mater pour commémorer la chute de Saïgon, mais aussi pour exprimer sa reconnaissance envers la société québécoise et l’établissement qui a marqué son parcours scolaire et professionnel. Il en fera de même pour la Fondation de l’Hôpital Hôtel-Dieu de Sorel, établissement où il exerce sa profession de radiologue.
La force d’une société se mesure à la force de ses systèmes d’éducation et de santé. C’est pourquoi un don est destiné à chacun de ces deux secteurs. J’espère que mon geste encouragera mes compatriotes vietnamiens. Ensemble, on pourra créer une chaîne de générosité envers les universités qui nous ont formés et les hôpitaux qui assurent nos soins de santé.
Il a survécu à la traversée, rencontré une communauté qui l’a encouragé à réaliser ses ambitions, a embrassé sa province d’accueil, qui est devenue depuis bien longtemps, chez lui.

Photo : Fournie
Avant d’annoncer son don à l’UdeS, le Dr Duong est venu, avec son épouse, visiter son ancienne faculté où il n’était pas retourné depuis des décennies. Ce moment l’a rempli de fierté envers l’établissement universitaire qui lui a offert un avenir qui est aujourd’hui un présent.