Troubles anxieux et santé mentale
Quand la recherche ouvre la voie à des stratégies qui fonctionnent

Photo : Michel Caron - UdeS
Au Québec, une personne sur cinq fera face à des enjeux de santé mentale au cours de sa vie, les troubles anxieux en tête. Alors que la détresse psychologique ne cesse d’augmenter et que l’accès à des soins appropriés demeure limité, la professeure Pasquale Roberge et son équipe explorent des pistes prometteuses qui pourraient rendre des traitements efficaces à la portée du plus grand nombre.
Rattachée au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) et chercheuse régulière au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS), la professeure Roberge dirige le Laboratoire de recherche sur les troubles anxieux et dépressifs en première ligne. Pour la psychologue de formation, il est plus que jamais urgent de démocratiser l’accès aux soins en santé mentale, alors que les besoins se multiplient.
« Ça fait longtemps qu'on doit trouver des pistes de solutions pour améliorer l'accès aux services de première ligne en santé mentale. Le ministère de la Santé et des Services sociaux en faisait déjà une priorité il y a 20 ans. La situation a continué à se détériorer depuis, et elle est encore aujourd’hui loin d’être réglée », se désole-t-elle.
Des approches éprouvées en psychologie pourraient pourtant avoir un impact bénéfique significatif pour des milliers de personnes souffrantes, si seulement elles pouvaient y avoir accès.
Fondée sur des données probantes, la thérapie cognitive-comportementale (TCC) est reconnue depuis plus de 50 ans comme l’approche de psychothérapie la plus efficace dans le traitement des troubles anxieux. Son efficacité a également été démontrée pour soigner les troubles du sommeil, le stress chronique et la dépression.
Pour la professeure Roberge, l’amélioration de la santé mentale au Québec passe assurément par un meilleur accès à la thérapie cognitive-comportementale. Voilà pourquoi elle consacre ses travaux de recherche à développer des moyens visant à rendre accessibles des stratégies thérapeutiques cognitivo-comportementales pour l’ensemble de la population.

Photo : Mathieu Lanthier - UdeS
La thérapie cognitive-comportementale (TCC) est une approche psychothérapeutique fondée sur des données probantes. Elle vise à modifier les pensées et comportements problématiques qui entretiennent la détresse psychologique. Structurée et axée sur des objectifs concrets, elle repose sur des exercices pratiques et des stratégies applicables au quotidien. En identifiant et en remplaçant des pensées négatives par des pensées plus adaptées, et en encourageant des comportements plus sains, cette approche aide à mieux gérer l’anxiété, la dépression et d’autres troubles psychologiques.
Une clinique virtuelle d'autosoins
S’appuyant sur les principes de la thérapie cognitive-comportementale, la clinique virtuelle ēquilia est l’un des projets sur lesquels travaille l’équipe du laboratoire de la professeure Roberge, en collaboration avec le CIUSSS de l'Estrie – CHUS, le Centre de recherche du CHUS (CRCHUS) et l'hôpital Montfort, en Ontario. Il s’agit d’une adaptation de la clinique virtuelle This Way Up, qui connaît un grand succès depuis son implantation en Australie, où elle a permis d’améliorer considérablement les symptômes et le fonctionnement des personnes qui suivent ses programmes en ligne.
Entièrement encadrée par la recherche, la plateforme ēquilia propose des programmes d’autosoins en ligne gratuits et confidentiels, qui visent à développer des habiletés pratiques pour gérer les pensées, sensations et comportements liés aux troubles anxieux et dépressifs.

Photo : Image extraite du site d'ēquilia
La clinique virtuelle est une approche autonome de soins, qui permet presque instantanément d'avoir accès à des stratégies efficaces qu'on peut mettre en place de manière graduelle dans notre vie pour aller mieux.
Professeure Pasquale Roberge
Si les programmes de la clinique virtuelle s’adressent davantage aux gens qui souhaitent agir par rapport à un certain niveau de symptomatologie qui interfère avec leur fonctionnement, ils peuvent aussi constituer le point de départ d’une réflexion par rapport à l’état de son bien-être de manière générale.
Dans le cadre d’un projet pilote, les étudiantes et étudiants de l’UdeS ont été invités cet hiver à participer à un programme spécifique d’ēquilia portant sur le bien-être étudiant en contexte universitaire.
Entre la pression liée à la réussite scolaire et l’adaptation à la vie étudiante universitaire, le programme offre des pistes de réflexion sur des stratégies à mettre en place pour optimiser son bien-être dans un contexte d’études.
Ce que l’on souhaite avec ce programme, c’est de voir si ça répond à un besoin pour les étudiantes et étudiants, si le programme a un impact par rapport à leur niveau de bien-être et de détresse psychologique. Il y a de nombreux bénéfices à s’outiller et déployer toutes sortes de stratégies pour assurer son bien-être tout au long de sa vie.
Professeure Pasquale Roberge
Réfléchir à ses habitudes de vie... et à ce que l'on vit
Elle exhorte par ailleurs les gens à être attentifs aux différents signes et symptômes qu’ils peuvent présenter depuis un certain temps, et qui pourraient être précurseurs d’anxiété et de dépression.
L'isolement social, la perte d’intérêt pour des activités qui nous plaisent, le fort sentiment d’autocritique, la culpabilité, l'irritabilité, la fatigue, les problèmes de concentration et la difficulté à prendre des décisions représentent autant de symptômes comportementaux, émotionnels, physiques et cognitifs qui peuvent contribuer à la détresse psychologique.

Photo : Michel Caron - UdeS
La professeure Roberge rappelle par ailleurs toute l’importance des habitudes de vie dans le maintien d’une bonne santé psychologique :
Un premier niveau de stratégies qui fonctionne et qui peut être vraiment bénéfique à mettre en place, c'est de réfléchir à ses habitudes de vie lorsqu’on se sent plus vulnérable et qu’on vit certaines difficultés. Parfois, on peut amener des grands changements en modifiant quelques habitudes de vie.
Mettre en place de bonnes habitudes d’alimentation et de sommeil, faire de l’exercice régulièrement, entretenir son réseau social, pratiquer des activités agréables et relaxantes, qui procurent un sentiment d'accomplissement, figurent notamment parmi les saines habitudes à privilégier pour prendre soin de sa santé mentale.
Ça peut demander beaucoup de motivation quand on ne se sent pas à son meilleur, de mettre en place des stratégies comme ça, mais les bénéfices en valent vraiment la peine.
Professeure Pasquale Roberge
Cette dernière convient que la révision des habitudes de vie n’agit évidemment pas comme une baguette magique pour faire disparaître les symptômes anxieux et dépressifs. Un soutien psychologique et de l’aide professionnelle peuvent être nécessaires si les symptômes perdurent et s’aggravent.

Photo : Michel Caron - UdeS
Mais, puisque l’accès à des interventions en santé mentale demeure difficile et qu’il n’est pas réaliste à l’heure actuelle de penser que toutes les personnes puissent bénéficier de services de psychothérapie pour soigner les troubles anxieux et dépressifs, la chercheuse se fait un point d’honneur de rappeler toutes les stratégies pouvant favoriser un meilleur équilibre psychologique :
J’ai l'impression que c'est toute une trajectoire de vie qui peut être altérée par les troubles anxieux et dépressifs. Mon souhait, comme chercheuse, c’est vraiment de rendre accessibles les stratégies de TCC très tôt, que ça fasse partie des solutions disponibles.
En démocratisant les stratégies éprouvées de cette démarche thérapeutique, les recherches menées par la professeure Roberge permettent d’offrir des outils concrets à celles et ceux qui en ont besoin. Si le chemin vers une meilleure accessibilité aux soins est encore long, chaque avancée rapproche un peu plus la population de solutions durables pour prendre soin au quotidien de sa santé psychologique et de son bien-être.
À propos de Pasquale Roberge
- Professeure-chercheuse au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'UdeS
- Chercheuse au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS)
Une recherche qui s'élève à la puissance dix!
Ce n'est pas un hasard si l'Université de Sherbrooke se démarque en recherche. Son secret? Le mariage judicieux du partenariat, de la mutualisation et de l'interdisciplinarité, trois forces qui font désormais sa renommée. Apprenez-en plus sur ce qui a propulsé l'UdeS au rang des universités de recherche les plus prolifiques au Canada.
Informations complémentaires
- Site du Laboratoire de recherche sur les troubles anxieux et dépressifs en première ligne
- Site de la plateforme ēquilia
- Ressources en psychologie offertes aux étudiantes et étudiants de l’UdeS
- Services de la Clinique de santé offerts aux étudiantes et étudiants de l’UdeS
- Site de la station SME, des ressources utiles pour soutenir la santé mentale étudiante dans les cégeps, collèges et universités