Recherche partenariale sur la COVID-19
Une technique pour tester davantage, et mieux
Pouvoir analyser jusqu’à environ 30 000 échantillons par jour : c’est ce que visent des équipes de recherche de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal, qui espèrent améliorer le dépistage de la COVID-19 en utilisant une technologie développée par la compagnie québécoise Phytronix.
C’est la source d’ions Luxon, une invention de la compagnie Phytronix, qui servira d’assises aux travaux du professeur Pedro Segura, du Département de chimie de l’Université de Sherbrooke, et du professeur Francis Beaudry, de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Cet instrument, quand il est couplé à un spectromètre de masse, permet l’analyse de molécules en quelques secondes.
En effet, grâce à la source Luxon, il est possible, entre autres, de quantifier de faibles concentrations de contaminants dans les aliments et dans l’environnement ainsi que des drogues et des médicaments dans le plasma sanguin et même dans les cheveux. Cependant, le dépistage rapide de la COVID-19 présente des défis importants pour cette technologie : elle ne peut détecter la présence du virus en raison de la trop grande taille des molécules qui la composent (principalement des protéines et du matériel génétique). Il faudra donc découper le virus en plus petites parties pour le repérer.
La protéine spicule : comme une brochette impossible à avaler
Afin de détecter la COVID-19, l’équipe a décidé de se concentrer sur sa protéine spicule, celle qui forme les pointes au bout de la « couronne » du coronavirus. Cette protéine est essentielle au virus pour permettre son entrée dans les cellules et les infecter. On peut représenter une protéine comme une brochette d’acides aminés, de petites molécules essentielles à la vie. Dans une protéine, chaque acide aminé serait un morceau de viande, de légume. La protéine spicule contient 1273 morceaux d’acides aminés différents! On parle alors d’une énorme brochette moléculaire, alors que la source Luxon est conçue pour analyser des petites molécules, comme des pesticides ou des produits pharmaceutiques.
Les peptides, pour de petites bouchées
L’équipe de recherche va donc tester une approche bien établie, mais jamais expérimentée avec la source Luxon : l’analyse des peptides de la protéine spicule générés par la trypsine. La trypsine est une protéine indispensable à la digestion des aliments, que l’on retrouve dans le système digestif de plusieurs vertébrés. Elle est capable de couper d’autres protéines en peptides, de petits morceaux constitués de quelques acides aminés.
Grâce à une étude déposée dans bioRxiv en avril par une équipe américaine dirigée par Benjamin C. Orsburn, les peptides spécifiques à la protéine spicule du virus ont été identifiés. Ces peptides servent d’empreinte digitale et permettent d’affirmer si le virus est présent ou absent d'un échantillon.
Les chercheuses et chercheurs des équipes de Sherbrooke et de Montréal vérifieront si ces peptides peuvent être détectables par la source Luxon. Par la suite, ils développeront une méthode rapide d’isolation de la protéine spicule et de fragmentation en peptides par la trypsine. Si cette méthode fonctionne, la source Luxon serait potentiellement capable d’analyser quelque 30 000 échantillons des peptides provenant de patients en 25 heures! Cette méthode pourrait contribuer à augmenter de façon notable la capacité de dépistage de la COVID-19 dans les hôpitaux et les autres centres de santé.
Les partenaires de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal ainsi que Phytronix ont reçu un octroi de 50 000 $ du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) pour réaliser cette étude. Les travaux se dérouleront sur une période d’environ six mois.