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L'une des gagnantes du concours de vulgarisation scientifique 2019

Que met l'hirondelle bicolore dans sa valise?

Photo : fournie

Tout voyage nécessite une valise. En termes de préparation, chacun a sa stratégie. Toutefois, la plupart d’entre nous opteront pour un bagage au contenu diversifié afin de faire face à toutes situations.

Les hirondelles bicolores sont de grandes voyageuses. Pour ces oiseaux migrateurs comme pour nous, l’anticipation des futures conditions environnementales de leurs quartiers d’été est difficile. D’autant que, pour cette espèce, l’enjeu est de taille puisqu’il est en effet question de reproduction. Face à un environnement imprévisible, comment les hirondelles peuvent-elles permettre à leurs jeunes d’être adaptés et donc d’y survivre ? Et si la diversification de la masse des oisillons, comme des vêtements dans nos bagages, était la stratégie pour une saison estivale réussie ?

Le sud du Québec, un environnement imprévisible

Émilie Lefol, étudiante au doctorat en biologie.
Émilie Lefol, étudiante au doctorat en biologie.
Photo : fournie

L’hirondelle bicolore est une espèce migratrice. Chaque année, au début du printemps, elle quitte le climat tropical de sa zone d’hivernage, pour venir se reproduire dans un climat plus tempéré comme le sud du Québec. Cet oiseau est un insectivore aérien associé aux milieux ouverts tels les paysages agricoles. Ces paysages représentent pour cette espèce un défi dans la recherche de nourriture du fait des importants changements de la disponibilité en insectes dans le temps comme dans l’espace. Ainsi, la combinaison du comportement migratoire et de l’habitat des hirondelles bicolores suggère que ces oiseaux ne peuvent prédire les conditions environnementales dans lesquelles leurs oisillons vont se développer. Pour pallier cette incertitude, cette espèce pourrait mettre en place une stratégie de minimisation des risques; le « bet-hedging », ou stratégie de minimisation des risques. Mais en quoi consiste cette stratégie ?

Le « bet-hedging » diversifié : l’art de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier

En reproduction, une des réponses des organismes à un environnement imprévisible est le « bet-hedging » diversifié. Cette stratégie s’apparente à l’art de « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». En somme, les couples engendrent des jeunes présentant une diversité pour un trait observable (phénotype) tels que la masse ou la taille. Cette diversité augmente les chances de survie des jeunes qui présentent le phénotype le mieux adapté à l’environnement auquel ils sont confrontés. Analogiquement, cela revient à avoir dans nos valises des vêtements d’épaisseurs différentes. Selon le climat, l’un de ces vêtements sera le plus approprié.

Le « bet-hetdging » diversifié pourrait expliquer l’observation chez l’hirondelle bicolore d’une différence de masses entre les oisillons d’un même nid. Si tel est le cas, dans des conditions environnementales défavorables comme lors de manque de nourriture, les nids présentant des oisillons aux masses diversifiées seraient alors favorisés. Dans ce cas, seuls les plus gros oisillons survivraient. Des chercheurs de l’Université de Sherbrooke ont ainsi analysé huit années de données de masse d’oisillons d’hirondelles bicolores afin de vérifier cette hypothèse.

Un environnement certes imprévisible pour l’hirondelle, mais pas extrême

Variation de masse des oisillons dans un nid d’hirondelle bicolore.
Variation de masse des oisillons dans un nid d’hirondelle bicolore.
Photo : Émilie Lefol

Les chercheurs ont montré que certaines femelles produisent dans leurs nids des oisillons de masses différentes alors que d’autres produisent des jeunes de masses similaires. Fait intéressant, ce sont les mêmes femelles qui année après année répètent le même schéma. Même si ce résultat s’apparente à une stratégie, elle ne répond pas aux attentes du « bet-hedging » diversifié sur la survie des jeunes. En effet, ce sont globalement les nids contenant des poussins aux masses similaires qui présentent une meilleure survie et non comme attendu les nids aux poussins de masses différentes. L’environnement au sud du Québec est certes imprévisible, mais d’après cette étude, il n'est pas assez extrême pour influencer la survie des oisillons et pousser l’hirondelle bicolore à user du « bet-hedging » diversifié. Finalement, rappelons-nous qu’à l’image de l’hirondelle bicolore, la réussite de notre saison estivale ne dépend pas du contenu de nos valises !

À propos d’Émilie Lefol

 Émilie est étudiante au doctorat au département de biologie de la Faculté des sciences. Ses recherches, menées sous la direction de Pr Dany Garant et Pre Fanie Pelletier portent sur l’hirondelle bicolore. Ses années d’études et d’expériences professionnelles l’ont mené vers l’Europe, l’Afrique, l’Amérique du Nord et l’Antarctique. Lors de ces passages aux quatre coins du globe, elle a pu étudier l’impact des changements climatiques sur diverses espèces animales. En 2018, Émilie a été choisie comme participante au projet Homeward Bound, une initiative visant à accroître l’influence des femmes dans les postes décisionnels et les prises de décisions politiques. Émilie est engagée dans plusieurs aspects de la vie universitaire et communautaire, notamment en faisant la promotion de la science chez les jeunes et les moins jeunes et en formant des chiens Mira.


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