Écologie animale
Des études à long terme pour mieux comprendre et conserver les espèces
Les biologistes de la faune étudient les animaux sauvages dans des environnements qui peuvent changer de façon substantielle d’année en année. De ce fait, les relations entre les variables écologiques et les conséquences des actions humaines sur ces populations peuvent également varier drastiquement au fil du temps.
Les experts en écologie animale de l’Université de Sherbrooke se spécialisent dans l’étude à long terme d’individus marqués à l’état sauvage. « Des études d’une durée d’une ou deux années seulement peuvent donner un regard biaisé et une estimation incorrecte des facteurs qui influencent la dynamique des populations, commente Pr Marco Festa-Bianchet. Les études à long terme sont essentielles pour comprendre l’écologie de la faune. Les étudiants à la maîtrise et au doctorat bénéficient grandement de ce type d’études parce qu’ils peuvent étudier des individus tout au long de leur cycle de vie. En plus, surtout, ces recherches sont une source irremplaçable de connaissances pour les programmes de conservation. »
Les chercheurs et chercheuses de l’Université de Sherbrooke collaborent à des études d’une durée de 12 à 44 ans sur des espèces variées : mouflons, chèvres de montagne, tamias, hirondelles, ours bruns, caribous et même sur les kangourous!
Les ongulés
Les variables qui influencent l’écologie des ongulés de montagne, par exemple, que ce soit au niveau des ressources disponibles, de la densité de la population jusqu’au niveau de prédation et de chasseurs, peuvent changer dramatiquement d’une année à l’autre.
Dans une étude publiée récemment dans la revue « Journal of Animal Ecology », Pr Marco Festa-Bianchet et Pre Fanie Pelletier ont fait équipe avec Steeve Côté de l’Université Laval et Sandra Hamel de l’Université de Tromsø (Norvège) pour synthétiser les conclusions de recherches sur les tactiques de reproduction des mouflons d’Amérique et des chèvres de montagne. En collaboration avec d’autres chercheurs et des biologistes de l’Alberta Fish and Wildlife, ils ont étudié près de 2500 individus marqués dans trois populations différentes, et ce, sur des périodes de 30 à 44 ans.
Ces chercheurs ont montré que lorsque les ressources se font rares, les femelles priorisent leur propre survie plutôt que celle de leur progéniture. Les femelles qui se reproduisent gagnent moins de masse pendant l’été. Leur taux de survie est égal à celui des femelles qui n’ont pas mis bas, cependant, les coûts de l'allaitement de l’année précédente risquent d’être refilés au prochain rejeton. De plus, ce qui peut sembler surprenant, l’impact négatif est plus élevé si le premier petit est un mâle. Ces diminutions sur la survie des jeunes varient selon la disponibilité des ressources, la maladie, la densité de la population. Pour les mâles, la reproduction nécessite de se battre avec d’autres mâles pour l’accès aux femelles. Ainsi, le coût en termes d’énergie et de risque de blessure se trouve plus à la tentative de reproduction qu’à la reproduction elle-même.
Ces constatations sur la reproduction des mouflons et des chèvres de montagne ne pourraient être concluantes dans une étude à court terme.
Les tamias
Des études révèlent, par exemple, des changements majeurs dans la reproduction chez les tamias selon l’abondance de la production de fruits des arbres qui les nourrissent. Les petits mammifères dont la reproduction dépend des années de paisson pleine (voir encadré) génèrent des impacts importants dans l’écologie forestière. Comme cela peut prendre six ans pour documenter deux épisodes de paisson pleine, une étude à long terme était nécessaire pour tirer des conclusions réalistes sur les relations entre les tamias et leur environnement.
La paisson
La paisson réfère à la production de fruits d’arbres forestiers tels que les chênes, les hêtres et les châtaigniers. La quantité de fruits change d’année en année : lorsque l’arbre produit peu, on parle de demi-paisson et lorsque les fruits sont en abondance, on parle de paisson pleine. Ces années d’abondance sont à deux ou trois ans d’intervalle.
Les hirondelles bicolores
Les populations d’hirondelles bicolores subissent un déclin important, comme celles des autres oiseaux qui attrapent des insectes au vol pour se nourrir (autres hirondelles, martinets, engoulevents). Bien que les responsables de ces déclins soient en toute probabilité les pesticides utilisés en agriculture, l’observation du succès reproducteur de ces oiseaux sur 15 ans a montré une fluctuation importante de la disponibilité des insectes due à la température et à d’autres facteurs qui affectent la collecte de nourriture. Ainsi, des études de population beaucoup plus courtes, sur une seule année ou sur deux ans, auraient pu donner des résultats incomplets, voire faussés.