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Atelier de recherche organisé par la Chaire sur les religions en modernité avancée

Amour, nature et religions : qu’est ce que le mariage aujourd’hui en Occident ?

David Koussens, titulaire de la Chaire de recherche sur les religions en modernité avancée
David Koussens, titulaire de la Chaire de recherche sur les religions en modernité avancée

Questionnant les conceptions du mariage qui émergent dans les débats les plus récents relatifs à l’ouverture de cette institution aux conjoints de même sexe ou aux processus de criminalisation de la polygamie, cet atelier a abordé notamment ces questions : quels sont les modes de justification et les répertoires invoqués aujourd’hui pour définir le mariage et défendre les droits que cette institution donne aux conjoints? Quels changements dans les conceptions anthropologiques de la société occidentale impliquent les différentes conceptions du mariage actuellement en concurrence (mariage comme consécration de la relation amoureuse, comme condition de la famille, etc.)?

En ce qui concerne l’ouverture du mariage aux conjoints de même sexe, on observe un mouvement général d’expulsion de la nature (ici, nature fait référence à l’ordre naturel des choses) de la sphère du droit, celui‐ci acceptant désormais le principe de la famille homosexuelle qu’il associe même à la famille biologique. Ce mouvement traduit une déconstruction de l’ordre supposé de la nature. Il mène, dans plusieurs États occidentaux, à une redéfinition de l’institution du mariage et à son ouverture aux conjoints de même sexe (Pays‐Bas en 2001 ; Belgique en 2003 ; Espagne et Canada en 2005 ; Suède et Norvège en 2009...). «Dans le débat français, on assiste à un renversement paradoxal des rôles», explique le professeur David Koussens, titulaire de la Chaire sur les religions en modernité avancée de la Faculté de théologie et d’études religieuses. «Alors que le droit rejette la pertinence de la référence à la nature, l’Église catholique entreprend depuis plusieurs années de fonder son opposition au mariage de même sexe sur le besoin de respecter un ordre naturel. Ce discours se distingue des références traditionnelles, dans l’Église catholique, à la loi naturelle. C’est précisément à un ordre naturel biologique et psychanalytique et non pas «divin» auquel l’Église fait désormais référence.»

En revanche, on a pu observer en contexte canadien une réintroduction de la nature dans la sphère du droit dans le cadre des débats sur la constitutionnalité de la criminalisation de la polygamie. «Au Canada, ces débats ont récemment émergé dans l’arène juridique alors même que la pratique y est pourtant interdite depuis plus de 120 ans », observe le professeur Koussens. Hésitant à déposer des accusations criminelles contre une importante communauté mormone fondamentaliste polygame, le gouvernement de la province de Colombie‐Britannique avait décidé de questionner la cour suprême sur la constitutionnalité de la criminalisation de la polygamie au regard de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans un avis de novembre 2011, en se fondant sur des éléments de preuves recueillies dans des contextes nationaux éloignés du Canada et tout en prenant garde à ne pas s’appuyer sur des valeurs chrétiennes, la Cour a jugé que la protection de l’institution du mariage monogame, ou des bienfaits associés à cette pratique, est un objectif important de la criminalisation de la polygamie. Un débat similaire a eu lieu aux États‐Unis ces dernières années, à propos de communautés mormones fondamentalistes polygames vivant en Utah. «À cette occasion, on a pu observer une inversion intéressante des registres normatifs invoqués par les différents acteurs, les mormons fondamentalistes ayant mis en avant, dans une perspective libérale, le droit à choisir leur mode de vie, alors que leurs détracteurs évoquaient l’ordre naturel et la morale», indique David Koussens.

Cet atelier intitulé «Love, nature and marriage in the West, between law and religion» a été organisé par le professeur adjoint David Koussens de la Faculté de théologie et d’études religieuses et ses collègues chercheurs de l’Institut universitaire européen de Florence (IUE), Nadia Marzouki et le professeur Olivier Roy. L’atelier a été présenté à Florence en Italie le 13 mai 2013 dans le cadre d’une collaboration entre la Chaire sur les religions en modernité avancée et le projet ReligioWest.