L’Apprentissage-machine quantique

Par Jean Frédéric Laprade

Qu’ont en commun la radiologie, la finance et la vidéo sur demande? Si ces domaines semblent à première vue bien éloignés les uns des autres, ils partagent néanmoins la particularité d’avoir été transformés au cours des dix dernières années par les algorithmes d’apprentissage-machine ou, plus précisément, d’apprentissage-profond. L’apprentissage-machine consiste à entrainer un modèle à partir de données pour effectuer une tâche précise. Mais vous vous en doutez bien, cette liste de domaines n’est pas exhaustive! Ce sont en fait tous les secteurs d’activités qui, à différents niveaux, ont bénéficié de cette discipline et la physique quantique n’y fait pas exception.

VOUS AVEZ DIT QUANTIQUE?

La physique quantique utilise les lois de la mécanique quantique pour étudier les interactions entre particules ainsi que les propriétés qui résultent de ces interactions. Il s’avère que l’étude des propriétés des systèmes quantiques est ardue étant donnée la taille de l’espace nécessaire pour décrire un état quantique. Avec les réseaux de neurones, les théoriciens en physique quantique disposent à présent d’un nouvel outil pour, par exemple, reconstruire des états quantiques ou encore découvrir de nouveaux matériaux. On parle dans ce cas d’une approche QC (Figure 1) d’Apprentissage-Machine Quantique où un environnement quantique est modélisé grâce un algorithme classique d’apprentissage-machine.

 

Figure 1: Les quatre classes d’apprentissage-machine à l’ère de l’information quantique. Lorsqu’un algorithme classique est entrainé à modéliser les données d’un système quantique, on parle d’approche QC. Avec l’avènement de l’ordinateur quantique, on peut à présent parler d’approches CQ et QQ ou un algorithme quantique est entrainé à modéliser une source de données qui peut être soit classique (approche CQ), soit quantique (QQ).

 

Mais le développement de l’ordinateur quantique a connu une croissance phénoménale au cours des dernières années, si bien que l’on peut à présent parler d’approches CQ et QQ d’Apprentissage-Machine Quantique ; c’est-à-dire entraîner un algorithme quantique à effectuer une certaine tâche à partir de données provenant du monde classique (CQ) ou quantique (QQ).

Au-delà de la curiosité que représente le développement d’algorithmes quantiques d’apprentissage-machine, la question fondamentale demeure de savoir s’il existe un quelconque avantage à utiliser une telle approche et, le cas échéant, à quel niveau se situera cet avantage. Il est maintenant démontré que l’ordinateur quantique est capable de générer des distributions statistiques qui sont difficilement reproductibles avec un ordinateur classique. Étant donné que l’apprentissage-machine consiste à extraire des patrons statistiques significatifs d’un ensemble de données, il est permis d’espérer qu’un algorithme quantique d’apprentissage-machine serait capable d’exploiter cette capacité pour identifier certaines corrélations non accessibles à leurs pendants classiques.

LES ALGORITHMES VARIATIONNELS : UNE ÉTAPE

Les ordinateurs quantiques dont nous disposons actuellement comptent tout au plus quelques dizaines de qubits et présentent une connectivité limitée entre les qubits. Ces caractéristiques, combinées aux erreurs qui surviennent dans la préparation, la manipulation et la mesure des qubits, limitent grandement le type d’algorithmes pouvant être présentement exécutés sur ces machines. Dans ce contexte, une classe d’algorithmes hybrides – les algorithmes quantiques variationnels (AQV) – permet de tirer avantage de ces dispositifs en ayant recours à des circuits quantiques peu profonds (c’est-à-dire avec un nombre limité de portes) et à un coprocesseur classique (Figure 2).

 

Figure 2: Un circuit quantique paramétré est constitué (a) d’une couche servant à l’encodage des données, suivi (b) d’une ou plusieurs couches entrainée(s) à minimiser une fonction de coût (c). L’optimisation des paramètres (d) est réalisée sur un ordinateur classique.

 

La routine des AQV est constituée de trois ingrédients : (i) un circuit quantique paramétré, (ii) une fonction de coût et (iii) un optimiseur qui recherche un ensemble de paramètres minimisant la fonction de coût. À chaque itération, les paramètres du circuit quantique sont mis à jour par l’optimiseur et le « nouveau » circuit est exécuté sur l’ordinateur quantique pour générer un état quantique. Cet état quantique est échantillonné et s’en suit une nouvelle valeur à la fonction de coût qui, on l’espère, pourra converger vers un minimum. En variant les paramètres, l’algorithme se trouve à explorer le large espace d’états auquel l’ordinateur quantique nous donne accès.

UNE (NOUVELLE) SCIENCE DES DONNÉES

Évidemment, dans un contexte d’apprentissage-machine quantique, une étape cruciale consiste à charger les données (classiques) dans l’ordinateur (quantique). Il s’agit d’une opération non triviale pour laquelle différentes approches ont été proposées, comme par exemple l’encodage par amplitude ou encore l’encodage par qubit (par angle). Si la première méthode a l’avantage de nécessiter moins de qubits, elle s’avère en revanche plus difficile à réaliser que l’encodage par qubit.

Au cours des dernières années, de nombreux algorithmes quantiques d’apprentissage-machine, inspirés des algorithmes classiques existants, ont été développés. On note par exemple les machines à vecteurs de support quantiques (QSVM), les réseaux neuronaux quantiques (QNN), les machines de Boltzmann quantiques (QBM) ou encore les réseaux antagonistes génératifs quantiques (QGAN), et ce pour des tâches allant de la classification, à la génération de distributions ou encore à la détection d’anomalies. Les données utilisées pour entraîner ces modèles quantiques demeurent néanmoins modestes puisque les circuits comptent généralement moins de dix qubits.

Bien que nous soyons encore à plusieurs années du développement de l’ordinateur quantique tolérant aux fautes, les dispositifs auxquels nous avons présentement accès nous permettent néanmoins de sonder les capacités offertes par le calcul quantique dans différents domaines, notamment en apprentissage-machine.

Vous êtes tentés par l’aventure? À vos marques, prêts, codez!

 

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