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Baccalauréat en enseignement au préscolaire et au primaire à l'UdeS

Stages en emploi pour contrer la pénurie de personnel enseignant

Shelly Couture, étudiante au BEPP, le professeur Laurent Theis, directeur du Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire, et le professeur Pierre-Alain Filippi, responsable de la formation pratique au BEPP
Shelly Couture, étudiante au BEPP, le professeur Laurent Theis, directeur du Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire, et le professeur Pierre-Alain Filippi, responsable de la formation pratique au BEPP
Photo : Maxime Picard, collaborateur

Pour lutter contre la pénurie de personnel enseignant dans les écoles, un nouveau programme de stages en emploi et de formation à distance au baccalauréat en enseignement au préscolaire et au primaire (BEPP) de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke offrira la possibilité aux milieux scolaires de l’Estrie d’engager des personnes étudiantes dès l’automne. Ainsi, le ou la volontaire pourra accepter un contrat de travail et remplacer son dernier stage régulier sans compromettre ses études, grâce à une formation remodelée avec des cours à distance en quatrième année. Au total, 38 personnes étudiantes ont été sélectionnées parmi les volontaires pour contribuer à lutter contre la pénurie de main-d’œuvre, un signe fort d’engagement envers leur futur métier.


La pénurie de personnel enseignant est très grande, et le nombre de pédagogues sans brevet d’enseignement est considérable. Ces personnes peu ou pas formées sont courageuses, mais vivent des situations difficiles. En revanche, en quatrième année au BEPP, les étudiantes et les étudiants détiennent une formation qui est déjà bien avancée et constituent ainsi une main-d’œuvre moins fragile que les personnes non qualifiées. Avec ce nouveau programme de stages en emploi, ces personnes étudiantes auront l’occasion d’enrichir leur formation avec cette expérience tout en recevant l’encadrement et le soutien nécessaire.

Avec ce nouveau projet, on veut contribuer concrètement à soutenir le milieu scolaire face à la pénurie de personnel enseignant en offrant la possibilité, à une partie de nos personnes étudiantes, de continuer sa scolarité dans de bonnes conditions tout en étant disponible pour accepter des contrats d’enseignement dans des écoles.

Laurent Theis, professeur et directeur du Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire

Le professeur Laurent Theis
Le professeur Laurent Theis
Photo : Maxime Picard, collaborateur

Le programme a débuté grâce à la professeure Marie-Josée Dumoulin qui avait pris conscience des conséquences positives et négatives de ces stages en emploi. Celle-ci a reçu une subvention du ministère de l’Enseignement supérieur en 2021. Après le départ à la retraite de la professeure Dumoulin au printemps 2023, les professeurs Pierre-Alain Filippi et Matthieu Petit ont pris en charge le programme.

Pourquoi choisir un stage en emploi?

Les personnes étudiantes volontaires deviennent des employées du centre de service scolaire (CSS). Elles se retrouvent seules à s’occuper d’une classe, tout en étant rémunérées. Pour Shelly Couture, étudiante volontaire, c’est une offre alléchante.

Ce qui m’a intéressée en premier lieu, c’est évidemment la possibilité d’être enfin rémunérée dans le cadre d’un stage en enseignement. Le quatrième stage exige déjà une prise en charge complète de la classe, alors pourquoi ne pas avoir un contrat et être payée? J’ai maintenant l’opportunité d’évoluer sur le terrain en étant accompagnée par toute une équipe de professionnels à l’université, de pallier la pénurie criante de main-d’œuvre dans le milieu et d’être rémunérée pour le faire. Les bénéfices que cela m'apporte sont énormes!

Shelly Couture, étudiante au BEPP

Shelly Couture, étudiante au BEPP et volontaire au programme de stage en emploi
Shelly Couture, étudiante au BEPP et volontaire au programme de stage en emploi
Photo : Maxime Picard, collaborateur

Durant leurs trois premières années scolaires, les personnes étudiantes au BEPP font trois stages de durée et de complexité variables. Est-ce que cette expérience est suffisante pour l’insertion professionnelle? Le professeur Pierre-Alain Filippi, responsable de la formation pratique au BEPP, nous dit qu’il y a un défi, car la formation a été pensée progressivement avec quatre stages.

Offrir un encadrement adéquat et des conditions gagnantes

L’encadrement et la protection des étudiantes et étudiants dans le cadre d’un premier contrat de travail sont primordiaux. Le professeur Pierre-Alain Filippi explique qu’avec ce programme, la personne étudiante ne sera pas mise dans une mauvaise situation. Par exemple, elle n’aura pas à dire non à un CSS face à un contrat jugé trop difficile comme première expérience de travail. Une étudiante ou un étudiant pourrait craindre de manquer sa chance ou de mal paraître devant un futur employeur en refusant un premier contrat de travail, même si l’offre n’est pas adéquate pour une personne en début de carrière.

Ici, si les conditions du contrat offert ne sont pas bonnes, c’est l’équipe des stages qui dit non. On veut protéger nos étudiantes et étudiants, même si cela pourrait les décevoir à première vue.

Le professeur Pierre-Alain Filippi, responsable de la formation pratique au BEPP

Le professeur Pierre-Alain Filippi
Le professeur Pierre-Alain Filippi
Photo : Maxime Picard

L’équipe des stages au BEPP rassemble Marie-Ève Bédard, Sophie Barrette, Manon Arsenault, Lise Ferland et Renée Lacroix. Elles doivent s’assurer que les conditions et l’accompagnement du stage en emploi sont optimaux. Le professeur Filippi souligne le travail considérable effectué par Lise Ferland, conseillère pédagogique. Elle s’assure que les conditions du stage en emploi proposées par l’établissement scolaire répondent aussi aux attentes de formation du programme et, pour cela, elle étudie les demandes des établissements, en discute, en rend compte, puis accepte (ou non) le stage proposé.

Par exemple, nous refusons les propositions où le stagiaire serait amené à enseigner dans plusieurs classes ou plusieurs écoles. C’est trop éloigné des conditions de réalisation du quatrième stage régulier. Nous nous assurons aussi qu’à l’intérieur de l’établissement, le stagiaire aura une personne de soutien à laquelle il ou elle pourra se référer.

Le professeur Pierre-Alain Filippi

L’équipe a aussi travaillé sur les transformations de la tâche du superviseur qui accompagne les personnes stagiaires lorsque celles-ci sont en emploi. Elle a effectué une étude sur les conditions gagnantes et les enjeux des stages en emploi. Cette étude réalisée en 2022 avec la collaboration de huit personnes superviseures du BEPP a permis de travailler à la définition d’une nouvelle tâche de supervision de stage en emploi mieux adaptée à cette réalité.

Grâce au dialogue constructif avec les CSS de l'Estrie, l'équipe a pu proposer une approche qui respecte les règles syndicales qui protègent le personnel enseignant employé et tente de prendre en compte les problématiques spécifiques de ces CSS qui se situent sur des territoires différents.

Ils ont apprécié notre ouverture à les soutenir dans ce contexte de pénurie et nous avons pris soin de ne pas être perçus par les enseignants comme des concurrents sur les postes proposés.

Le professeur Pierre-Alain Filippi

Horaires adaptés et cours à distance

Sur le plan de la formation, la quatrième année du BEPP a dû être adaptée pour permettre aux personnes étudiantes d’avoir la possibilité d’accepter un contrat de travail à travers le Québec sans compromettre leurs études. Le Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire de la Faculté d’éducation a ainsi redéfini l’organisation des cours pour le tiers des personnes étudiantes, le but étant de faire en sorte qu’une partie des étudiantes et étudiants soit disponible lors des horaires scolaires pour qu’elle puisse enseigner dans des classes.

Grâce à la collaboration de l’équipe de formatrices et formateurs et au soutien précieux des conseillères pédagogiques chargées de l’organisation des cours Marie Francavilla et Isabelle Lafontaine, des cours en dehors des heures scolaires et avec une modalité à distance sont maintenant proposés.

De plus, soutenir le travail des stagiaires pendant le stage est une priorité. Pour cela, le professeur Filippi a proposé un nouveau cours destiné à appuyer le travail réalisé en cours de stage par l’utilisation d’une modalité de formation innovante intitulée photographie adressée. Ainsi, ce cours s’appuie sur l’expérience vécue en stage et sur une méthode élaborée en vue de surmonter les obstacles qui sont réellement rencontrés par les personnes stagiaires.

Nous travaillons dans de petites communautés de pratiques à la recherche de solutions opérationnelles vis-à-vis des difficultés vécues par les personnes participantes. Nous nous appuyons sur une méthode de formation intitulée photographie adressée que j’ai développée avec deux collègues français et sur laquelle je travaille aussi avec deux autres collègues de l'Université de Sherbrooke et de l'Université de Montréal dans le cadre d'un projet innovant.

Le professeur Pierre-Alain Filippi

Qui sont les volontaires?

L’engagement des étudiantes et étudiants dans ce projet est grand. En effet, en acceptant de suivre leurs cours à distance et en dehors des heures scolaires, ils acceptent une hausse de leur charge de travail, car ils vont en même temps enseigner durant la journée et étudier le soir et certaines fins de semaine.

Il faut les soutenir et les féliciter, car il y a dans ce choix une démarche forte vis-à -vis de leur entrée dans le métier. Conscients de la pénurie et voulant s’engager pour en réduire les impacts, ils se préparent à une année plus chargée. Bien sûr, ils seront rémunérés, mais ils doivent toutefois terminer leur scolarité et réussir leurs examens.

Le professeur Pierre-Alain Filippi

Pour constituer cette cohorte, l’équipe a procédé en plusieurs étapes : rencontres d’information, collecte des préoccupations, formulaire de candidature et étude des dossiers de candidature. Des critères relativement aux stages précédents et à la réussite des cours ont été étudiés pour s’assurer que les personnes étudiantes ne seront pas fragilisées par ce choix.

Un stage en emploi se déroule dans des conditions très différentes d’un stage régulier. D’abord, ces stagiaires ne sont pas dans la classe d'une personne enseignante associée. Elles doivent donc assumer seules la responsabilité de la classe. Généralement, pendant le stage régulier, il n’y a pas de cours, et ceux-ci reprennent lorsque le stage est terminé. Avec les personnes en emploi, c’est différent. Elles sont face à des élèves pendant les heures scolaires et suivent leurs cours le soir et la fin de semaine pendant toute l’année universitaire. C’est donc plus compliqué.

Si nous soupçonnons une fragilité chez un étudiant, à l'examen de ses résultats pédagogiques ou de ses bilans de stages précédents, nous préférons ne pas le sélectionner pour un stage en emploi pour qu'il ne se retrouve pas dans une situation plus complexe.

Le professeur Pierre-Alain Filippi

Il faut également noter que, bien que faisant partie de cette cohorte, elles vont potentiellement recevoir une proposition de stage en emploi ou de contrat à l’hiver. En effet, les 38 personnes étudiantes sont disponibles cet automne pour faire leur stage en emploi, ainsi que cet hiver pour accepter des contrats tout en poursuivant leurs études. Cependant, rien n’est garanti et elles ne sont pas obligées d’accepter ces contrats. Une affectation de stage régulier est prévue comme filet de sécurité pour chacune.

Les étudiantes et étudiants sont potentiellement disponibles pour des offres de stage en emploi et pour accepter des contrats d’une durée supérieure à la durée du stage, mais nous installons autour d’eux un "filet de protection" pour ne pas fragiliser leur dernière année de baccalauréat.

Le professeur Laurent Theis

Nous félicitons les personnes étudiantes qui acceptent volontairement de relever ce nouveau défi, de lutter contre la pénurie de personnel enseignant et de prendre en charge une classe d’élèves pour partager leur soif d’apprendre!


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