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Portrait d'une diplômée | Faculté de droit

La persévérance au service de la réussite| Entrevue avec Geneviève Desmarais

Me Geneviève Desmarais
Me Geneviève Desmarais

Geneviève Desmarais est diplômée de la Faculté de droit (baccalauréat, 1997 et maîtrise en droit de la santé, 2000). Depuis qu’elle a quitté les bancs d’école, cette avocate a non seulement fondé sa propre firme de consultation spécialisée, elle a aussi travaillé pour de grands cabinets et entreprises durant cette carrière longue de plus de 20 ans. Récemment, elle signait un article témoignage paru dans La Presse, où elle évoquait les embuches vécues lors de son parcours universitaire.

Nous l’avons jointe à son bureau de Montréal pour parler de son parcours et de sa vision de la persévérance.

Parlez-nous d’abord de ce qui vous a attiré vers la formation en droit?

Rien ne me prédisposait à aller vers le droit, je me dirigeais plutôt vers la médecine. Mon idée était très claire depuis mon enfance : j’avais un cabinet de médecin improvisé à la maison où je faisais des consultations et des bandages à mes peluches! Mes résultats scolaires au collégial étaient bons, mais hélas insuffisants pour être admise en médecine. J’ai dû revisiter mon choix. Mes parents m’ont suggéré le droit. Ma mère me voyait bien devenir avocate et je me suis dit pourquoi pas!

Est-ce que votre parcours universitaire était linéaire ou avez-vous pris des pauses entre certaines sessions?

Mon parcours a été linéaire. J’ai fait mon baccalauréat et j’ai persévéré malgré des échecs qui alimentaient mes doutes quant à mon choix. J’ai fait mon Barreau puis ma maîtrise en droit avant de faire un retour à l’École du Barreau pour refaire l’examen qui me donnait du fil à retordre.

Le droit de la santé n’était pas un choix anodin pour ma maîtrise; il me permettait en quelque sorte de revenir à mes premiers amours, soit le domaine de la santé. D’ailleurs, c’est ce qui m’a permis de joindre un comité d’éthique à la recherche où je siège toujours depuis près de 25 ans. J’ai aussi fait le choix de rédiger mon mémoire à temps plein tout de suite après mon année de cours, et ce, pour terminer mon parcours sans délai.

Dans un article témoignage de La Presse, vous évoquez avoir vécu certaines embûches durant votre parcours. Croyez-vous que cela vous a doté d’une plus grande résilience face aux obstacles dans votre carrière d’avocate?

Sans aucun doute. Les échecs m’ont appris à relativiser, à ne jamais abandonner pour atteindre un objectif, à me questionner sur le « pourquoi » pour m’améliorer et devenir meilleure. J’ai toujours vu un échec comme une forme d’apprentissage et non comme une fin en soi. Ma capacité d’adaptation est grande et m’a servi tout au long de ma carrière.

Au Québec, le métier d’avocat ne peut être pratiqué qu’une fois l’examen d’admission au Barreau réussi. Quelles options s’offrent aux finissantes et finissants qui échouent à l’examen à une ou plusieurs reprises?

Évidemment, pour une personne finissante qui souhaite devenir avocate, l’option numéro un demeure la reprise, le courage et la persévérance. Surtout, ne pas hésiter à demander de l’aide pour sa préparation. Puis, quand on tire un trait sur le métier d’avocat, tout n’est pas perdu! Peu de mes amis du baccalauréat pratiquent le droit de façon traditionnelle, aujourd’hui. Certains travaillent dans la fonction publique, d’autres en finance, dans le domaine bancaire ou sont en affaires dans des domaines complètement étrangers au droit.

En termes d’options pour finissant, il est possible de faire des études supérieures, d’entrevoir un changement de cap et d’opter pour le notariat ou un tout autre domaine, de travailler comme juriste ou parajuriste, bref, le métier d’avocat n’est pas la seule avenue après des études en droit.

Dans l’article de La Presse, vous expliquez que vos résultats étaient en deçà de la moyenne et que cela a entraîné une répercussion sur votre recherche de stage. Expliquez-nous l’impact que cela a eu sur les choix de stages qui s’offraient à vous.

L’impact a été considérable. Je devais dire adieu à un stage dans un grand bureau. Même les bureaux de taille moyenne ne me rappelaient pas! J’ai dû cibler de plus petites organisations et même m’écarter de mon idéal qui était de pratiquer le droit de la santé.

Mes relevés de notes du 1er cycle m’ont fait mal; personne ne se donnait la peine d’aller au-delà alors que j’étais en mesure d’expliquer la dichotomie entre mes résultats de 1er et de 2e cycle, et ceux du Barreau.

Vous savez, j’ai vite réalisé que la méthode d’évaluation utilisée au baccalauréat ou à l’École du Barreau (un seul examen comptant pour 100 % de la note finale) ne me convenait pas. Je pouvais passer à côté d’une question de 30 points… Alors qu’en maîtrise, j’ai pu faire valoir mon plein potentiel. Donnez-moi un sujet et je vous rédige une présentation ou un mémoire qui fera le tour de la question avec rigueur et précision! Ma rédaction est impeccable. Mes capacités d’analyse et de synthèse sont excellentes. Mes présentations sont claires. J’ai adoré mes études de maîtrise et encore aujourd’hui, ces compétences me démarquent et sont appréciées de mes clients.

Après plus de 20 ans de carrière et avoir lancé votre propre firme de consultation spécialisée, exigez-vous de voir les résultats scolaires des candidates ou candidats à un stage ou vous regardez leur CV uniquement?

J’ai toujours accordé plus de valeur au CV et à l’entrevue qu’aux résultats scolaires. Je reconnais l’importance d’aller au-delà des notes. Lorsque je siégeais sur des comités de recrutement et encore aujourd’hui dans la recherche de candidat pour agrandir l’équipe de Resolys, je mise sur les compétences, l’expérience, la vivacité d’esprit, l’enthousiasme, la capacité d’analyse, de rédaction et de présentation, le sens de l’initiative et la confiance, bien avant de m’attarder aux résultats scolaires. Puis, c’est à moi d’assurer encadrement, formation et développement de compétences. C’est ce que j’ai eu comme expérience de stage à l’époque auprès d’une équipe disponible et généreuse qui m’a littéralement « montré à pratiquer »!

Croyez-vous que les personnes étudiantes ayant un parcours scolaire non linéaire ont de meilleurs atouts lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail dans leur domaine d’études?

Je doute que la trajectoire soit importante. Que le parcours soit linéaire ou non, l’important est d’avoir un parcours riche, diversifié et bonifié par des expériences. Que ce soit par le sport, les voyages, le bénévolat, l’implication scolaire, le travail, les stages, des études à l’étranger ou s’occuper de ses frères et sœurs dans une famille nombreuse ou monoparentale, toutes ces expériences ont de la valeur et forgent notre personnalité, notre caractère et influencent nos valeurs. Chaque parcours est unique.

Dans l’actualité des derniers mois, on parle beaucoup de la hausse importante du taux d’échec des finissantes et finissants en infirmerie aux examens de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). On parle moins des autres disciplines comme celle du droit. Pensez-vous qu'on craigne de parler d'échec dans certains domaines?   

Absolument! Si vous saviez le nombre de témoignages que j’ai reçu d’étudiants et d’étudiantes en droit, en médecine, en comptabilité qui n’osent pas parler ouvertement de leur échec, parfois même des décennies plus tard. On réalise bien à quel point l’échec demeure tabou et qu’on craint de se faire apposer une étiquette. Ça m’a aussi pris près de 20 ans pour en parler ouvertement! Certains ne comprennent pas comment j’ai pu « publiciser » mon échec à l’examen du Barreau alors qu’en rétrospective, c’est loin d’être la fin du monde. Par mon partage, je souhaitais encourager ceux qui souffrent. Un échec, ça fait mal! Et si j’ai pu influencer la trajectoire d’une personne, peu importe le niveau ou le domaine, qui est dévastée par un échec à persévérer et à en parler, j’aurai accompli beaucoup.