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Savoir écrire à l’université : des enjeux qui dépassent les frontières

Une collaboration UdeS-Brésil autour des compétences en littératie des étudiants universitaires

Stagiaires de recherche de l’Université de Sao Paulo, Aline Hitomi Sumiya, Ana Paula Sylva Dias et Jaci Brasil Tonelli ont rejoint le Pr Olivier Dezutter en janvier.
Stagiaires de recherche de l’Université de Sao Paulo, Aline Hitomi Sumiya, Ana Paula Sylva Dias et Jaci Brasil Tonelli ont rejoint le Pr Olivier Dezutter en janvier.
Photo : UdeS - Michel Caron

L’Office québécois de la langue française définit la littératie comme «l’ensemble des connaissances en lecture et en écriture permettant à une personne d'être fonctionnelle en société», précisant que le «seuil de connaissances nécessaires pour être fonctionnel change au fil du temps et est variable d'une société à l'autre.»

Avec des collègues membres du collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ), les professeurs Olivier Dezutter et Christiane Blaser de la Faculté d’éducation, ainsi que Françoise Bleys du Centre de Langues de la Faculté des lettres et sciences humaines se trouvent au cœur d’un projet de recherche en partenariat avec trois universités de l’État de Sao Paulo au Brésil. Les chercheurs travaillent sur la littératie spécifique aux étudiants universitaires. Quelles sont les embuches auxquelles sont confrontés les étudiants qui doivent produire des textes à l’université? Quelles sont les ressources à leur disposition pour y arriver? Les étudiants d’ici envisagent-ils la production d’écrits dans la même perspective que ceux d’Amérique latine? Non seulement veut-on répondre à ces questions, mais aussi fournir des outils d’une part pour aider les étudiants à améliorer leurs aptitudes langagières et  d’autre part pour sensibiliser les professeurs de toutes les disciplines à la nécessité d’accompagner les apprentissages des étudiants dans ce domaine.

«On n’a jamais fini d’apprendre à écrire!»

Olivier Dezutter parle avec verve de la prémisse des travaux qu’il conduit: «On s’intéresse au développement des compétences de lecture et écriture à tous les stades du parcours scolaire, y compris jusqu’à l’université. Il faut sortir d’une vision qui déplore des lacunes chez les étudiants et plutôt reconnaître qu’on n’a jamais fini d’apprendre à lire et écrire. Même à l’Université, on a une responsabilité de former les étudiants à l’écriture selon les genres de textes qu’on leur demande, et qui varient selon les disciplines étudiées.» À ce propos, le Centre de langues de l’UdeS propose aux étudiants allophones des cours sur la rédaction des genres universitaires et le Carrefour institutionnel de rédaction et de communication efficace (CIRCE)  a développé des cours adaptés aux besoins de communication orale et écrite de programmes spécifiques, comme en génie, en administration ou en travail social. Cette approche a piqué la curiosité de chercheurs de l’Université de Sao Paulo (USP), qui venaient de mettre sur pied là-bas un laboratoire de littératie académique. Trois stagiaires brésiliennes, étudiantes à la maîtrise recherche, sont arrivées à l’UdeS le mois dernier grâce à une bourse du programme des futurs leaders des Amériques. Elles constatent que les cours offerts à l’intérieur de certains programmes de formation de l'UdeS sont un exemple inspirant par rapport aux projets qui se développent chez elles. «La collaboration entre le professeur d’une discipline qui travaille en partenariat avec le professeur de langue permet de créer des cours bien articulés. C’est une des choses qu’on aimerait proposer aussi. Chez nous toutefois, les services sont offerts sur une base de participation volontaire à l’extérieur du parcours académique », explique Jaci Brasil Tonelli.

Au delà des cultures scolaires

Depuis trois ans, l’équipe associée au collectif CLÉ a entamé, sous la responsabilité du professeur Dezutter, une collaboration avec des collègues brésiliens dont la professeure Éliane Lousada, de la Faculté de lettres de l’USP, chercheure associée au CLÉ. Le projet vise à soutenir le développement des compétences en lecture et écriture des étudiants universitaires, et à mieux comprendre les difficultés rencontrées par ces étudiants qui ont à produire des textes de formes spécifiques à leurs études.

«On a commencé par faire une enquête auprès des étudiants pour savoir quels sont les types de textes qu’il ont eu l’habitude d’écrire au secondaire et les nouveaux types de textes qu’ils doivent écrire à l’université. On les a également questionnés sur les exigences attendues quand ils arrivent à l’université et sur ce qu’ils utilisent comme ressources.» Cette étude a permis de mettre en relief certaines différences entre les « cultures scolaires » du Brésil et du Québec. « Ici, le plus important aux yeux des étudiants semble être la dimension normative – l’idée de ne pas faire de fautes. Au Brésil, ce qui prime, c’est de produire un texte bien adapté à une situation de communication ou un destinataire précis », dit Pr Dezutter.

Des préoccupations communes ressortent également, principalement, en ce qui concerne le besoin d’être guidé pour produire des types d’écrits spécifiques. La finalité du projet est de fournir, d’ici 2017, des outils en ligne auxquels pourront se référer les étudiants et leurs enseignants pour appuyer la production d’écrits spécifiques.

La collaboration a démarré avec l’Université de São Paulo (USP), et s’est étendue avec l’ajout de deux autres institutions de la métropole brésilienne : l’Universidade Estadual Paulista (Unesp) et l’université São Francisco. Le Ministère des relations internationales du Québec, le programme Futurs leaders des Amériques du Gouvernement du Canada et l’Agence universitaire de la francophonie soutiennent financièrement le projet.

Des outils électroniques qui changent la donne

Le projet actuel s’effectue dans le sillage d’un projet précédent auxquels participaient des partenaires du Mexique, du Liban et de la Belgique, et qui a débouché récemment sur la mise en ligne du site du site Scriptur@les (lien en fin de texte). Ce projet s’intéressait plus spécifiquement à l’apprentissage du français langue seconde ou étrangère en contexte universitaire, et à l’utilisation d’outils technologiques associés à la production d’écrits (correcteurs, dictionnaires en ligne, traducteurs, etc.).

«L’utilisation de ces outils a transformé le rôle de l’enseignant. Auparavant, le professeur de langue était le responsable de la norme. Aujourd’hui, l’outil technologique a pris sa place. Le professeur doit jouer un nouveau rôle critique et faire connaître les limites de ces outils qui permettent surtout de travailler la qualité du français sur des unités minimales, pour débloquer sur un mot ou un accord par exemple.»

Or, l’écrit à l’Université exige un niveau d’expertise pour développer une pensée complexe. «À ceux qui disent que les jeunes ne savent plus écrire, je réponds que les jeunes n’ont jamais écrit autant qu’aujourd’hui. Mais, avec les formes de communication écrite médiées par les technologies, ils ont l’habitude des écrits brefs et ont plus de difficultés avec des textes longs qui développent des contenus articulés. C’est ce sur quoi il faut mettre des efforts», conclut Olivier Dezutter.


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