Acfas 2021
Des projets béton pour les villes de demain
Selon l'Organisation des Nations unies (ONU), 55 % de la population mondiale vivait dans les villes en 2018, et elle estime que, en 2050, ce taux montera à 68 %. Défi colossal pour le monde urbain, qui devra penser des parcs d’infrastructures urbaines qui soient en phase avec le bien-être des populations et qui tiennent compte aussi d’une utilisation efficace de l’énergie et des changements climatiques.
Le 6 mai prochain, un des colloques du congrès de l’Acfas traitera justement de la conception et de la gestion des ouvrages et des infrastructures en béton, dans l’optique des villes de demain. Ce colloque scientifique est organisé par le Centre de recherche sur les infrastructures en béton (CRIB). Co-organisateur de ce colloque avec ses collègues en génie civil et génie du bâtiment, Olivier Bonneau et Arezki Tagnit-Hamou, le professeur Richard Gagné explique :
La recherche et l’innovation sont indispensables pour améliorer les performances techniques, économiques et environnementales des infrastructures utilisant le béton ou ses produits dérivés. Le béton est un matériau incontournable pour la construction des infrastructures essentielles à l’activité humaine. Le CRIB, fort de son équipe de spécialistes dans des domaines aussi variés que le génie civil, le génie géologique, le génie minier, la science des matériaux, la chimie, l’économie et la finance, conduit des recherches dont les retombées scientifiques et technologiques auront notamment un impact significatif sur le développement des villes de demain, qu’on souhaite plus écologiques, plus performantes et plus agréables grâce à l’utilisation de bétons plus durables et aux propriétés esthétiques améliorées et modulables. Ce n’est évidemment pas que les recherches sur le béton qui permettront d’atteindre tous ces objectifs, mais les chercheurs du CRIB sont en mesure de contribuer, avec leur expertise spécifique, à une utilisation plus optimale du béton.
Richard Gagné, professeur en génie civil et génie du bâtiment
Et si on conférait au béton de nouvelles caractéristiques pour en faire des versions améliorées?
Dans la conception et l’idéation de la construction des villes de demain, les matériaux sont pensés pour être innovants. Comme le béton est l’un des matériaux de construction les plus utilisés sur la planète et qu’il est facile à fabriquer, résistant et durable, il n’a pas dit son dernier mot et sera de la partie encore longtemps. Les ouvrages d’art et les infrastructures essentielles faites en béton, on les veut maintenant intelligentes, encore plus performantes sur le plan de la durabilité, mais aussi à empreintes écologique et énergétique minimales.
Éoliennes, remblayage minier et empreinte de carbone du béton
Trois communications seront mises de l’avant dans la thématique « Matériaux innovants pour la conception de bétons performants, écoresponsables et durables ». On s’intéressera d’abord à la possibilité de recycler, dans le béton, des matériaux de polymères renforcés de fibres (PRF) issus de pales d’éoliennes! Pourraient-ils être une solution possible pour remplacer une partie du ciment et des agrégats dans le béton?
Par la suite, on parlera de la valorisation de matières résiduelles du bois en les combinant avec les résidus miniers pour la fabrication d’un composite cimentaire destiné au comblement des vides de mines souterraines, pour faire ce que l’on appelle du remblayage minier.
Et finalement, on présentera une recherche qui vise à étudier le bilan carbone des structures en béton au Québec. On comparera les émissions de CO2 émises lors de la fabrication du béton à l'absorption totale de carbone due à la carbonatation – absorption du CO2 par les structures en béton – tout au long du cycle de vie du béton, incluant son utilisation primaire et son utilisation secondaire comme agrégat recyclé. Les résultats préliminaires indiquent que, si tous les éléments en béton construits en 2018 devaient durer 50 ans, puis être broyés et enfouis pour 50 ans de plus, le béton aurait en 100 ans neutralisé 6 % des émissions de CO2 qu'il émet lors de sa fabrication.
Passerelle éternelle et impression 3D en béton!
Les trois communications annoncées sous la thématique « Conception hybride et multi-échelles des ouvrages » permettront à trois équipes de présenter leurs avancées respectivement dans l’utilisation de bétons renforcés de fibres pour les glissières en béton dans les chantiers, dans l’élaboration d’une passerelle « éternelle » sur la rivière St-Charles et dans des impressions 3D en béton!
Les glissières en béton ordinaire utilisées au Québec sur les chantiers de construction pour délimiter les zones de travaux ont une durée de vie de quelques années. On a pensé introduire des fibres dans le béton pour mieux contrôler la propagation des fissures et limiter les pertes de béton causées par les impacts de déplacement.
Pour ce qui est de la passerelle éternelle, c’est en fait une étude de cas où l’on présente une structure en béton fibré ultra-haute performance (BFUP). Fait intéressant, le projet à l’étude combine l’architecture et le génie civil : le design urbain, la conception architecturale, la simulation structurale et la fabrication numérique y sont tous considérés, en tenant compte des aspects écologiques et de durabilité.
Enfin, on s’intéresse aux nombreux défis que représente l’impression 3D du béton. Faire des impressions 3D en béton, cela se fait déjà. Cela permet de fabriquer des prototypes à géométrie complexe et avec un niveau de personnalisation plus élevé. Cependant, un des défis majeurs qui freinent le développement et l’industrialisation de la technique est l'ingénierie des matériaux. On s’intéresse donc ici à l’optimisation de l’extrudabilité – qui peut être extrait – des matériaux et à la stabilité/adhérence des couches imprimées.
Réparation de fissures avec des microorganismes et des tuyaux qui se réparent tout seuls!
Dans un objectif de tendre vers des actions novatrices et intégrées dans un contexte de changements climatiques, une nouvelle avenue se dessine : le développement d'écobétons à faible impact environnemental. Les titres des deux communications de cette thématique « Gestion durable du patrimoine bâti et des villes intelligentes » parlent d’eux-mêmes : Bioréparation de fissures dans des ouvrages cimentaires par injection de microorganismes et Étude de l’autocicatrisation de tuyaux de béton armé.
Et, oui, réparer des fissures à l’aide d’organismes vivants devient possible, en même temps que certains tuyaux de béton se réparent tout seuls! En effet, une inspection faite sur des tuyaux peut parfois montrer certaines fissures fines qui se sont refermées sans intervention extérieure. Ce phénomène de colmatage naturel d’une fissure est appelé autocicatrisation du béton. « On va présenter nos recherches en ce sens, à savoir quels sont les critères qui devront être respectés pour que l’autocicatrisation ne nécessite aucune réparation. Plusieurs éléments doivent être pris en compte, comme l’ouverture maximale de la fissure pour laquelle l’autocicatrisation entrainera l’annulation complète d’un débit d’eau traversant le tuyau », explique Richard Gagné, un des présentateurs de cette communication.