Aller au contenu

Changements climatiques

Mission satellite pour mesurer la neige à partir du ciel

Le professeur Alexandre Langlois s'installe avec son équipe, le Groupe de recherche interdisciplinaire sur les milieux polaires (GRIMP), pour prendre des mesures dans le Parc national des glaciers (Roger’s Pass) en Colombie-Britannique.
Le professeur Alexandre Langlois s'installe avec son équipe, le Groupe de recherche interdisciplinaire sur les milieux polaires (GRIMP), pour prendre des mesures dans le Parc national des glaciers (Roger’s Pass) en Colombie-Britannique.
Photo : fournie

Combien de mètres cubes de neige faut-il pour alimenter une région en eau le printemps venu? Avec les changements climatiques, il est primordial de pouvoir mesurer les couverts de neige et leur composition, entre autres pour prédire les sécheresses et prévenir les catastrophes naturelles, comme les feux de forêt. Mais comment prendre des mesures fiables, en continu, partout à la fois? Les méthodes traditionnelles ne répondent plus aux besoins.

C'est pourquoi Environnement et Changements climatiques Canada collabore avec l'Agence spatiale canadienne pour changer la donne. Ils ont mandaté le professeur Alexandre Langlois et son équipe pour participer à la mise au point de ce qui pourrait devenir vers 2030 la plus importante source d’information de la composition des couverts neigeux partout sur la planète : un radar sur satellite permettant des mesures de précision en continu.

Ce que les équipes de recherche mesurent présentement en creusant des tranchées dans la neige sera désormais possible à grande échelle grâce aux signaux d’un radar.

La preuve de concept est en cours alors que le professeur Langlois et son équipe développent l'algorithme et vérifient la concordance des mesures traditionnelles avec celles d’un radar de conception allemande qui est la réplique de celui qui sera mis en orbite. L’équipe s’est rendue en Idaho aux États-Unis, puis au Parc national des glaciers en Colombie britannique et à Cambridge Bay en Arctique pour mettre à l’épreuve les mesures du radar sur des couverts neigeux de toutes sortes.

Le professeur Alexandre Langlois dirige la mission qui consiste à tester la précision des mesures faites par le radar qui sera en orbite vers 2030.
Le professeur Alexandre Langlois dirige la mission qui consiste à tester la précision des mesures faites par le radar qui sera en orbite vers 2030.
Photo : fournie

De façon verticale, dans la neige, il y a un historique de l’évolution de sa condition. Ces conditions sont par exemple la densité, l'humidité et la teneur en eau, la température ainsi que la grosseur et la forme des grains de neige. Et tout ça va influencer comment le signal radar se propage dans la neige. On peut avoir un mètre de neige, mais deux neiges complètement différentes, qui font en sorte que le signal est complètement différent.

Alexandre Langlois, professeur au Département de géomatique appliquée de la Faculté des lettres et sciences humaines

L’équipe creuse des tranchées dans la neige pour prendre des mesures traditionnelles et fait le lien entre ces mesures et celles récoltées par le signal du radar. Lorsque l’équipe sera capable de faire concorder ces mesures de façon précise, elle n’aura plus besoin des mesures traditionnelles et pourra utiliser seulement le radar qui donnera l’information sur l’épaisseur de la neige et sa condition.

Une mission plus grande que nature

Une fois cette preuve de concept réalisée, la mission d’Alexandre Langlois est loin d’être terminée. « Ensuite, on doit convaincre l’Agence spatiale canadienne et le gouvernement du Canada. L'Agence veut que cette mission fonctionne, mais il faut que le gouvernement canadien puisse débloquer l'enveloppe de lancement de cette mission, qui sera 100 % canadienne. »

Pour cet objectif plus politique, le professeur Langlois, cette fois à travers le CARTEL dont il est le directeur depuis juillet 2023, a été mandaté par le gouvernement pour diriger un consortium universitaire canadien ayant pour mandat de mobiliser la communauté scientifique cryosphère. Le but : soutenir les visées de cette mission satellite auprès de l’Agence spatiale canadienne.

C'est avec ce consortium qu'on va vraiment pouvoir partager nos expertises. Par exemple, on va impliquer des collègues à Toronto qui sont spécialistes dans la modélisation radar. Nous avons des mesures; eux, ils ont la modélisation. On a d'autres partenaires dans l'Ouest canadien qui sont des hydrologues de formation. On veut connecter tout ce monde ensemble et former une communauté tissée serré.

Professeur Alexandre Langlois

L'équipe de recherche installe différents instruments de mesure permettant de comparer la lecture traditionnelle du couvert neigeux avec celle obtenue par le radar.
L'équipe de recherche installe différents instruments de mesure permettant de comparer la lecture traditionnelle du couvert neigeux avec celle obtenue par le radar.
Photo : fournie

Cette mission satellite n'intéresse pas que le milieu universitaire et les gouvernements. L’information sur les couverts de neige est précieuse, par exemple, pour toutes les industries, les secteurs d’activités et les décideurs qui en ont besoin pour la gestion hydroélectrique, la prédiction et la gestion d’inondations, la modélisation des débits des rivières, etc.

« La quantité d’eau qui circule dans le sol à l’intérieur d’un bassin versant est fortement dépendante de la quantité d’eau qu’il y a dans la neige, qui fond au printemps et qui remplit les nappes phréatiques, les ruisseaux, les rivières et les lacs, explique le chercheur. C’est une grosse problématique aujourd’hui avec les changements climatiques. On peut penser par exemple aux feux de forêt, qui sont liés aux sols de plus en plus secs parce qu’il y a de moins en moins de neige. »

Mieux gérer la disponibilité de l'eau

Le professeur Langlois est convaincu qu’on peut faire une gestion plus saine de l’eau si on a accès à l’information sur la neige de manière généralisée. « Lorsqu’on a un hiver avec peu de neige, on peut s’attendre à ce que les bassins de rétention d’eau potable soient plus bas en juin. Donc déjà en mars, on peut commencer à mettre en place des mesures incitatives pour réduire l’utilisation de l’eau à l’avance, comme Hydro-Québec le fait avec ses mesures d’économie d’énergie aux heures de pointe. »

L'équipe du professeur Langlois s'est rendue à Cambridge Bay en Arctique pour compléter sa collecte de données.
L'équipe du professeur Langlois s'est rendue à Cambridge Bay en Arctique pour compléter sa collecte de données.
Photo : fournie

Mais 2030 ou 2032 semblent bien loin pour mettre un radar en orbite avec les hivers que nous vivons présentement.

Nous, on fait notre devoir scientifique. Il faut faire bouger l’appareil politique et que ça se traduise en investissements. Au fur et à mesure que les années avancent, le justificatif et la motivation de cette mission s’écrivent d’eux-mêmes.

Professeur Alexandre Langlois


Informations complémentaires