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Un des textes gagnants du Concours de vulgarisation scientifique 2020

Quand les oreilles peuvent voir

Maxime Bilodeau, gagnant du concours de vulgarisation scientifique 2020 de l'Université de Sherbrooke
Maxime Bilodeau, gagnant du concours de vulgarisation scientifique 2020 de l'Université de Sherbrooke
Photo : UdeS - Michel Caron

Quand on est malade, afin de voir l’invisible, on a recours à différentes techniques d’imagerie : échographie, IRM, rayons X, etc. Lorsqu’il s’agit de réduire le bruit et d’améliorer le confort acoustique, on peut avoir recours à des techniques similaires. En effet, les acousticiens, ces scientifiques qui étudient le son, utilisent des méthodes d’imagerie pour voir et analyser ce qui est invisible à nos yeux : le son.

Un nouvel algorithme d’imagerie appelé TD-PCa[1], récemment publié dans le Journal of the Acoustical Society of America par l’équipe de Pr Masson et Pr Berry[2], permet de détecter des sources de bruits et de visualiser leurs variations dans le temps sous la forme de vidéos. Ces vidéos s’avèrent plus faciles à interpréter par les acousticiens que les images typiquement obtenues.

Qu’est-ce que l’imagerie acoustique?

Figure 1 - Exemple d'image acoustique généralement obtenue (haut) et explication de l'algorithme TD-PCa (bas) : a) On divise la zone d’intérêt en sonels b) À l’aide de mathématiques, on ne conserve que les sonels importants c) On évalue le bruit sur tous les sonels conservés 

Figure 1 - Exemple d'image acoustique généralement obtenue (haut) et explication de l'algorithme TD-PCa (bas) : a) On divise la zone d’intérêt en sonels b) À l’aide de mathématiques, on ne conserve que les sonels importants c) On évalue le bruit sur tous les sonels conservés 

En imagerie acoustique, les algorithmes - ces longues séquences de calculs - permettent d’obtenir une cartographie de bruit : une photo du lieu inspecté sur laquelle on a superposé les niveaux de bruit (voir Figure 1). Afin d’obtenir ce type d’image, l’acousticien utilise généralement un ensemble de plusieurs microphones, qu’on nomme antenne. Cette antenne agit un peu comme les oreilles de l’acousticien et mesure très précisément le bruit. À partir de cette mesure, l’algorithme est utilisé pour construire la cartographie du bruit.

Malheureusement, pour obtenir une image claire, ces algorithmes nécessitent l’utilisation d’un grand nombre de microphones. Obtenir une image est déjà compliqué, en avoir plusieurs pour observer les variations de bruit dans le temps est le réel défi. C’est exactement ce que permet le nouvel algorithme, TD-PCa.

En quoi l’algorithme TD-PCa est-il différent?

Tout comme une image de votre télévision est constituée de millions de pixels[3], l’algorithme TD-PCa considère que la zone d’intérêt est divisée en plusieurs milliers de sources élémentaires de bruit que l’on appellera des sonels[4] (voir Figure 1). L’objectif de l’algorithme est donc de trouver comment chacun de ces sonels contribue au bruit mesuré par chacun des microphones. En mathématique, on dit que ces sonels sont les inconnues de l’équation.

Par exemple, imaginons que la zone d’intérêt est divisée en 5 000 sonels, et que l’objectif est de faire une vidéo constituée de 100 images. Dans ce cas, l’algorithme doit réaliser un calcul composé de 500 000 inconnues (5 000 sonels x 100 images)! Mathématiquement, ce type de problème est très compliqué à résoudre lorsque le nombre de sources (ici 500 000 sonels) est plus petit que le nombre de mesures (données recueillies par les microphones). TD-PCa, lui, utilise une méthode statistique pour identifier les sonels les plus susceptibles de contribuer au bruit. Cette première étape de calcul permet de réduire de 99% le nombre de sonels à considérer dans l’équation. Ainsi, le calcul peut être résolu avec un ordinateur portable typique. De plus, étant donné que l’algorithme donne des images acoustiques plus claires, on peut diminuer le nombre de microphones nécessaire pour obtenir des images comparables à celles des algorithmes classiques.

Moins de bruit autour de nous

Ce qui est aussi démontré dans cet article2, c’est que TD-PCa permet de visualiser des phénomènes physiques non observables à l’aide des algorithmes d’imagerie typiques. Ainsi, les acousticiens peuvent mieux identifier les sources de bruit et concevoir des avions, des autos et des lave-vaisselles moins bruyants!

Avec la miniaturisation des microphones et la capacité de calcul croissante de nos ordinateurs, tablettes et cellulaires, on peut rêver pour le futur à des caméras acoustiques dans nos poches!

À propos de Maxime Bilodeau
Maxime Bilodeau est étudiant au doctorat au GAUS, le Groupe de recherche en acoustique de l’Université de Sherbrooke. Il s’intéresse principalement à l’imagerie acoustique, qui trouve ses points d’ancrage entre autres dans la caractérisation de sources de bruits (imagerie dans l'audible) et dans le domaine médical (imagerie ultrasonore). Ses motivations pour la recherche sont bien définies : « Je désire garder un pied dans le domaine académique. L'enseignement m'interpelle depuis un moment déjà, et j'ai eu la chance d'attraper quelques contrats tout au long de ma formation. La diversité des projets, le potentiel de l'imagerie ultrasonore ainsi que le corps professoral du GAUS sont les facteurs principaux qui me motivent à poursuivre mes recherches au sein de ce groupe ».

À propos du Concours
L’Université de Sherbrooke tient annuellement un concours de vulgarisation scientifique dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.


[1] TD-PCa pour Time Domain Phase Coherence algorithm

[2] Bilodeau M., Quaegebeur N., Robin O., O’Donoughue P., Masson P., Berry A., Time domain imaging of extended transient noise sources using phase coherence, The Journal of the Acoustical Society of America, 146, 4851 (2019)

[3] Pixel est une contraction de : Picture element

[4] Sonel est une contraction de : Sound element


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