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Journée internationale de l’épilepsie

Et si on pouvait prédire 24 heures à l’avance une crise d’épilepsie?

Le professeur Réjean Fontaine oriente depuis quelques années son expertise vers des projets de recherche destinés au développement de nouveaux traitements pour des maladies neurologiques.
Le professeur Réjean Fontaine oriente depuis quelques années son expertise vers des projets de recherche destinés au développement de nouveaux traitements pour des maladies neurologiques.
Photo : UdeS - Michel Caron

« Et si ça arrivait quand je conduis ou quand je nage? » Devoir vivre avec l’épilepsie et son caractère imprévisible altère la vie quotidienne de plusieurs centaines de milliers de personnes au Canada, surtout celle des enfants, des adolescents et des personnes âgées, chez qui cette maladie neurologique est plus fréquente. Pouvoir prédire l’arrivée imminente d’un épisode de crise à l’intérieur de 24 heures, et peut-être même avoir une idée de son intensité, améliorerait grandement la qualité de vie et l'autonomie de ceux et celles pour qui la médication n’apporte pas les résultats souhaités.  

La recherche sur ce sujet entamée il y a quelques années affiche un certain historique, et cette fois, c’est au tour de l’équipe de Réjean Fontaine, professeur au Département de génie électrique et de génie informatique, de se mettre en selle. Spécialiste des systèmes électroniques et informatiques appliqués à l'imagerie médicale, il oriente également depuis quelques années son expertise vers des projets de recherche destinés au développement de nouveaux traitements pour des maladies neurologiques. Lui et son équipe travaillent actuellement sur la création d’interfaces électroniques capables d’interagir avec les neurones et qui seraient littéralement implantées dans le cortex cérébral afin de pouvoir détecter de façon préventive les activités électriques anormales caractéristiques des crises d'épilepsie.

L'épilepsie est une maladie neurologique qui se caractérise par une activité électrique anormale dans certaines zones du cerveau pouvant mener à des crises convulsives. On parle de crise d’épilepsie partielle si certaines parties du corps seulement sont touchées et de crise d'épilepsie généralisée si les symptômes touchent l’ensemble du corps.

Observer la météo du cerveau

L'implant cortical développé sera relié à un téléphone cellulaire, qui agira alors comme interface, un peu à la manière des détecteurs de glucose pour les personnes vivant avec le diabète. On pourra alors observer l’équivalent de la météo du cerveau et voir venir les orages. En cas de crise imminente, une alarme sera émise.

Station de microfilage utilisée pour brancher le neuro-enregistreur avec des fils de 25,5 micromètres.
Station de microfilage utilisée pour brancher le neuro-enregistreur avec des fils de 25,5 micromètres.
Photo : UdeS - Michel Caron

Techniquement, on peut penser à un petit circuit électronique sans fil embarqué qui prend la forme de 4 puces comportant 49 électrodes chacune, puces qui seraient implantées sur 4 sites de lecture différents sur le cortex cérébral et toutes reliées à un module sous-cutané placé derrière l’oreille. C’est ce petit dispositif qui permettra d’analyser les données obtenues et de repérer les schèmes annonciateurs de crises.

Professeur Réjean Fontaine

On veut pouvoir détecter de façon préventive les activités électriques anormales caractéristiques des crises d'épilepsie.
On veut pouvoir détecter de façon préventive les activités électriques anormales caractéristiques des crises d'épilepsie.
Photo : UdeS - Michel Caron

Contrairement aux autres systèmes où l’on mesure les potentiels locaux de plusieurs neurones, le système développé par le professeur Fontaine mesure l’activité d’un neurone à la fois, permettant d’augmenter la qualité des données obtenues et, par le fait même, la fiabilité des prédictions.

En résumé, poursuit le professeur Fontaine, le mode de fonctionnement est relativement simple : on envoie plusieurs petites impulsions électriques au centre du cerveau, puis on mesure le temps nécessaire pour que ces impulsions soient perceptibles sur le cortex aux différents sites de lecture. Ce sont ces délais qui nous permettent de mesurer l’excitabilité du cerveau et ainsi de prédire si oui ou non un épisode d’épilepsie est en préparation.

En collaboration avec Melbourne

Les travaux de recherche s’effectuent avec l'équipe du Groupe de recherche en appareillage médical (GRAMS), lequel est dirigé par Réjean Fontaine et hébergé à l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT). L’équipe travaille en étroite collaboration sur ce projet avec deux chercheurs et leurs équipes, soit le Pr Steven Prawer, de l'Université de Melbourne, et le Pr David Garrett, du RMIT (Institut royal de technologie de Melbourne).

Une grande précision pour une fiable prédiction

Comme le module complet est implanté dans le corps humain, la capacité de la batterie est limitée. On cible donc une très faible consommation énergétique, ce qui permettra par ailleurs des lectures de données sur une plus grande période en continu. Une visualisation optimale de l’activité électrique générale du cortex cérébral est visée pour, évidemment, atteindre une précision inégalée qui permettra ultimement d'offrir la prédiction la plus fiable possible.

Une technologie aux multiples usages

Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que cette technologie peut facilement être transférable pour traiter d’autres pathologies neurologiques. Réjean Fontaine travaille d'ailleurs sur un projet fort stimulant avec une équipe interdisciplinaire de l’Université de Sherbrooke composée de cinq professeurs et professeure, soit Christian Iorio-Morin et Alain Frigon, tous deux de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, Allison Marchildon, de la Faculté des lettres et sciences humaines, François Michaud, de la Faculté de génie, et Charles Étienne Daniel, de la Faculté de droit.

On vise à développer une technologie de neurostimulation et neuro-enregistrement qui permettrait de redonner la marche à des personnes paraplégiques avec section complète de la moelle. C’est un défi énorme qui nécessite à la fois de lire l’activité sensorielle des membres inférieurs avec le dispositif développé pour l’épilepsie qui serait, cette fois, implanté sur la moelle épinière. Un second circuit viendrait stimuler les nerfs moteurs. Un gant haptique servirait simultanément à fournir l’information sensorielle au patient, qui pourrait alors activer les neurostimulateurs en bougeant les doigts par exemple.

Professeur Réjean Fontaine


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