Sommets Vol. XVII No 2 - Printemps-été 2004

 


Albert Gobeil
Droit 1957
Juge retraité

Bonjour Monsieur le Juge!

Les cheveux blancs, le sourire affable, le corps droit, le juge Albert Gobeil commande le respect. Ce grand-père de 12 petits-enfants porte fièrement ses 72 ans et dégage cette impression de bien-être et de satisfaction du devoir accompli. Albert Gobeil est un homme heureux, serein. «Avec les années, j'ai pris conscience de la chance que j'avais d'exercer ma profession. C'est un grand privilège de pouvoir représenter les gens. J'ai toujours aimé ce que je faisais, même si c'était parfois difficile et exigeant.»

Jeune avocat, Albert Gobeil se spécialise en droit familial et en droit public. En 1975, il est nommé juge à la Cour du bien-être social de Sherbrooke, puis juge en chef du Tribunal de la jeunesse en 1985, et juge en chef de la Cour du Québec en 1988, poste qu'il occupe jusqu'en 1996. Il siège ensuite à la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec. Tout au long de cette carrière exceptionnelle, il remplit également diverses fonctions, comme celle de président du Conseil de la magistrature et même celle de chargé de cours à la Faculté de droit, une faculté qu'il a vue naître et à laquelle il dit devoir beaucoup. «Je dois ma carrière à la création de l'Université de Sherbrooke et de sa faculté de droit, en 1954. Sans cette chance, je ne crois pas que j'aurais pu entreprendre cette carrière.»

La vie de palais...

Suivant les recommandations de son orienteur, Albert Gobeil n'envisage pas la possibilité d'aller au Grand Séminaire après son cours classique, mais plutôt d'étudier en sciences humaines. Étant donné que des contraintes financières lui dictent de rester chez ses parents et de maintenir un petit emploi, il ne commence à s'intéresser au droit que lorsqu'il apprend que le programme sera offert à Sherbrooke. «heureusement que je suis allé en droit!» s'exclame-t-il encore aujourd'hui, en soutenant que le droit est une science humaine.

Au début, pour les nouveaux étudiants en droit de Sherbrooke, c'est la vie de palais... de justice. «Les premiers cours étaient donnés au grenier du palais de justice, dans les combles, où étaient aménagés les dortoirs pour les jurés», se rappelle le juge Gobeil avec l'émerveillement du nouvel étudiant. «Nous étions 16, dont deux femmes. Toute la journée, nous baignions littéralement dans le droit et sa pratique : de la théorie jusqu'à 10 h, puis de la pratique de plaidoirie le reste de la journée, dans la salle de cour, et non de cours», insiste-t-il.

Les étudiants étaient près des professeurs – des juges, des avocats, des notaires – qui se chargeaient non seulement d'une tâche d'enseignement, mais souvent d'un tutorat individualisé. Leur cours donné, ils revêtaient leur toge pour passer au prétoire et y plaider une cause, ou retournaient à leur cabinet pour y reprendre leurs dossiers. «C'était un milieu privilégié, en convient Albert Gobeil. Mais à l'époque, nous n'étions pas conscients de notre chance; nous ne pensions même pas qu'une formation en droit pouvait être autre chose que ce que nous vivions.»

L'autorité et l'obéissance

Ce milieu privilégié était aussi empreint d'autorité. N'oublions pas qu'au milieu des années 1950, plusieurs valeurs se confrontaient sur les plans politique et religieux. La révolution tranquille se préparait pendant que s'achevait le règne de Duplessis. «Pauvre Duplessis! ironise le juge Gobeil. Il avait tout du modèle parfait de celui qu'on aime haïr...» Albert Gobeil se souvient que, lors de la grève étudiante de 1956, des pressions avaient été exercées afin que les étudiants de Sherbrooke n'y participent pas. «On nous disait que ce n'était pas très opportun de s'en prendre à un gouvernement qui venait de nous créer. Comment peut-on mordre la main qui nous nourrit? On nous disait même qu'il ne fallait pas mettre en péril l'avenir de la région.»

Il n'y a pas eu de grève à Sherbrooke. Mais autorité ou non, il y avait de la danse! «C'était défendu, bien sûr, mais on n'appelait pas ça une danse, relate le principal intéressé, on appelait ça une soirée canadienne!»

 

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