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Liaison région, 11 novembre 2004
Et si vieillir n'était pas si alarmant?
STÉPHANIE RAYMOND
Dans le monde occidental, la vieillesse fait peur. Richard Lefrançois,
lui, ne la craint pas : le fait de vieillir constitue depuis près de 20 ans
le sujet de plusieurs de ses recherches. Retraité depuis septembre,
l'ex-professeur à l'Université de Sherbrooke, maintenant professeur associé,
continue l'étude de cette réalité incontournable, mais à son rythme, à
l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.
Sociologue de formation, Richard Lefrançois a enseigné au Département de
service social de l'Université de Sherbrooke de 1972 à 1987, puis au
Département de psychologie jusqu'en septembre 2004. Il vient de publier son
dernier livre aux Presses de l'Université de Montréal, Les nouvelles
frontières de l'âge, son «testament intellectuel», comme il se plaît à
le souligner. Son essai, qui propose une lecture interdisciplinaire,
anthropologique et critique du phénomène du vieillissement, souligne
l'avènement d'une figure unique dans l'histoire, qu'il nomme l'Homo
Senectus, l'homme vieillissant. «Les conclusions de plusieurs de mes
recherches et observations sur le vieillissement s'y trouvent, mais j'y ai
ajouté une réflexion philosophique, à la lumière du postmodernisme»,
précise-t-il.
Après avoir dressé un portrait sociodémographique puis biologique de la
vieillesse, ce livre s'attaque aux nombreux mythes entourant l'âge avancé et
le vieillissement démographique. Il argumente ensuite sur les enjeux des
sociétés vieillissantes, les défis et ressources des personnes aînées, pour
finalement aborder la question du vieillissement sociétal, en posant un
regard critique sur la culture occidentale.
Détruire les mythes entourant la vieillesse
Le professeur a beaucoup fait pour l'Université de Sherbrooke. En plus de
se joindre à l'équipe qui a mis sur pied la première maîtrise en
gérontologie au Canada en 1988, il a aussi été l'instigateur de l'unique
programme de doctorat en gérontologie au pays, démarré en 2003.
Le projet le plus ambitieux du professeur demeure la coordination de l'Étude
longitudinale québécoise sur le vieillissement financée par Québec et
Ottawa. Près de 900 personnes âgées ont été interrogées à Sherbrooke et à
Trois-Rivières pendant sept ans, principalement sur trois phénomènes : la
retraite, la perte du conjoint et l'incapacité fonctionnelle.
Résultat : la retraite n'est pas vécue comme une crise lorsqu'elle est
bien préparée et que la santé et le revenu permettent d'en profiter. La
perte du conjoint est l'événement le plus traumatisant, mais le temps et
l'aide des proches guérissent la plaie. Enfin, une grande détresse
accompagne souvent la perte d'autonomie, une dimension trop souvent
négligée. Cette étude met surtout en évidence le rôle protecteur de
l'autonomie psychologique et de l'actualisation du potentiel : «Une personne
qui vieillit bien est une personne qui prend des risques et qui est ouverte
à des expériences nouvelles», affirme Richard Lefrançois.
Le chercheur prépare présentement un deuxième livre, sur l'exclusion
sociale des personnes âgées, avec Julien Bélanger, étudiant à la maîtrise en
psychologie. Son dernier projet : «Je veux étudier les mesures adoptées par
différents pays du monde pour faire face à l'arrivée massive des baby
boomers à la retraite.»
Attitude sereine face au vieillissement
Ce «savant de la vieillesse» adopte une attitude sereine face à cette
étape naturelle de la vie. «On doit accepter de vieillir. Et c'est plus
facile si on en profite pour transmettre son expérience de la vie, sa
culture et son savoir.»
Ainsi, pour Richard Lefrançois, qui se qualifie d'optimiste prudent,
vieillir n'est pas une calamité, ni pour l'individu, ni pour la société :
«La vieillesse constitue une période privilégiée de la vie où on a
l'occasion de se poser les questions fondamentales sur son vécu et de
réfléchir à la signification du temps, de la vie et de la mort, de l'amitié
et de l'amour. Pour ce qui est de la société, elle trouvera bien des
solutions pour contrer les effets négatifs du vieillissement de la
population. J'ignore quelles solutions seront inventées, mais il s'en
présentera, comme chaque fois que nous avons été confrontés à un problème
important.»
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Richard Lefrançois
Photo SSF : Roger Lafontaine
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