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Sophie Rochette obtient son doctorat

Soutenir une thèse de façon virtuelle

Photo : IQ - Maxime Dion

Difficile de faire abstraction de la pandémie mondiale de COVID-19 en ce printemps 2020, même lorsqu’il s’agit de la soutenance de thèse de doctorat d’une étudiante du Département de physique et membre de l’IQ. Sophie Rochette a soutenu le 15 mai dernier sa thèse de doctorat de façon virtuelle. Pour la première fois, la doctorante et  le jury étaient tous dans un lieu différent, ce qui n’a pas empêché la chercheure de terminer ses études comme elle les a menées, avec brio.

« En début d’année lorsque j’ai amorcé le dernier droit de mes travaux de recherche, je me voyais faire ma soutenance publique comme c’est habituellement le cas pour chaque personne qui soutient sa thèse, c’est-à-dire dans un amphithéâtre en ayant en face de moi des visages connus. En ce sens, c’est un peu frustrant, mais une fois la frustration passée, je trouve que ça offre un beau défi, une occasion de faire les choses différemment, même s’il y a quelques obstacles techniques à surmonter » confie la détentrice d’un grade de PhD.

En fin de compte, c’est plus de 100 personnes qui ont pu assister à la soutenance en direct via différentes plateformes en ligne. « Même si j’avais voulu pouvoir vivre cette étape en personne avec mes proches et mes collègues, je suis très heureuse de constater que la tenue de l’événement en ligne a permis à des gens qui n’auraient pas pu faire partie de ce moment en temps normal, de se joindre à moi. »

Sophie Rochette ne craint pas les premières, elle a initié les premières rencontres du  Regroupement des femmes en physique de l’Université de Sherbrooke en 2016, devenu par la suite le Comité Diversité en Physique de l’Université de Sherbrooke. En 2018,  elle contribue avec ses consoeurs Marie-Eve Boulanger et Maude Lizaire à l’organisation de la 7e Conférence Femmes en Physique Canada (FEPC). C’est la première fois que l’événement se tient en sol québécois. Ce projet couronné de succès a valu plusieurs reconnaissances à ses organisatrices, comme le Mérite estrien et un prix au Gala Forces Avenir.

Les sciences au cégep

Influencée par la lecture de Québec Science au début du secondaire et divers ouvrages de science-fiction, Sophie Rochette rêve d’astrophysique. Cet intérêt pour les sciences l’amène au Cégep Régional Lanaudière à Terrebonne en sciences de la nature. Ensuite, lorsque le temps est venu de faire le choix d’un programme universitaire, la physique est au sommet sa liste, suivie de près par la médecine. Et quel a été le facteur déterminant? « En comparant les choix de cours des deux programmes, je vois des cours en physique qui m’apparaissaient beaucoup trop fascinants pour que je laisse passer cette occasion unique d’explorer. Je ne m’imaginais pas faire ma vie sans avoir eu un cours d’astrophysique ou un cours de relativité générale ou encore de chaos et de phénomènes non linéaires.  Finalement, après quelques années en physique, je me suis aperçu qu’il y avait encore plus à découvrir que l’astrophysique, j’ai choisi d’autres spécialités. » raconte Mme Rochette.

L’attrait des stages coopératifs et quelques visites sur le campus de l’Université de Sherbrooke dans le cadre du Festival des Harmonies à l’école secondaire la guideront vers Sherbrooke. « Mon dernier critère, c’était le désir de débuter ma vie d’adulte dans un environnement différent, de façon indépendante » explique celle qui a également porté les couleurs du Vert et Or en ultimate frisbee.

Sujet de thèse

Attirée vers la physique par l’astrophysique, Mme Rochette termine son parcours universitaire en orientant ses recherches dans le domaine de l’information quantique, un domaine où l’on tâche de contrôler des objets quantiques pour pouvoir s’en servir afin d’encoder l’information. Plus spécifiquement, elle s’intéresse aux boîtes quantiques en silicium.

« Ce que j’ai fait dans le cadre de mon doctorat, c’est de développer puis caractériser une nouvelle architecture pour faire des boites quantiques en silicium qui donnent des performances suffisamment convaincantes pour envisager de les intégrer dans des procédés de fabrication industriels. Il s’agit d’une architecture à simple couche à grilles d’accumulation séparées. Pour démontrer son potentiel, nous avons démontré qu’il était possible d’y former des boîtes quantiques fortement confinées, d’y contrôler la séparation de vallée, un critère important dans le silicium, et d’ajuster efficacement le taux tunnel entre la boîte quantique et son réservoir. Nous avons observé que pour ces trois critères, l’architecture de qubits développée dans le cadre de mon projet de recherche donnait des performances se comparant avantageusement à l’état de l’art en la matière. Et ce, même si nous passions d’une boite quantique à plusieurs couches vers une boite à une seule couche.» détaille Sophie Rochette.

Le travail ne s’arrête pas là. « J’ai par la suite développé un modèle pour expliquer certaines caractéristiques que nous avons observées dans le diagramme de stabilité, soit la mesure expérimentale qui nous donne une lecture du nombre d’électrons se trouvant dans la boite quantique. Nous observions notamment une courbure des transitions de charge dans celui-ci. Il fallait donc trouver l’origine du phénomène. Mon modèle indique fortement que le fait de contrôler le taux tunnel avec une grille du réservoir, ce qui découle de la structure à grilles d’accumulation séparées simple couche, engendre cet effet via l’accumulation de charges dans le réservoir. Il aura fallu plusieurs mois de travail obstiné pour en arriver à une version satisfaisante de ce modèle semi-empirique» note Mme Rochette.

Le Pr Michel Pioro-Ladrière a fait l’éloge de son étudiante. « Sophie invente. Son invention est un canevas qui va faciliter la fabrication de l’ordinateur quantique. Son impact est international. En effet, de gros joueurs en recherche adoptent maintenant son invention afin d’accélérer mondialement le développement des qubits de spin. Sophie ose transformer la façon de faire de la science, en primant la collaboration au lieu de la compétition, et en soufflant un vent de changement en matière d’équité, inclusion et diversité. C’est pour moi un privilège d’avoir accompagné Sophie durant cette étape importante de son cheminement universitaire et de la voir terminer son doctorat avec panache est un des moments forts de ma vie de chercheur.»

Et pour l’avenir

L’avenir est actuellement particulièrement incertain, la question se pose avec encore plus d’acuité pour une finissante. « L’avenir est un peu flou, la situation actuelle apporte son lot d’incertitudes. Quelques avenues s’offrent tout de même à moi et je compte bien les explorer. À court terme, j’aimerais pouvoir appliquer certaines de mes compétences à l’effort de résolution de la crise actuelle. À long terme, je souhaite continuer de promouvoir la diversité et l’inclusion en recherche, et jouer un rôle dans la prochaine révolution technologique. »

 

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