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Publication dans Nature

Au cœur de la supra-conductivité à haute température

Les électrons dans les cuprates supraconducteurs se comportent d’une façon remarquable. Ils transportent l’électricité sans aucune résistance à des températures particulièrement élevées et, lorsque qu’ils cessent d’être supraconducteurs, ils n’obéissent pas au comportement attendu d’un métal. Une équipe menée par le Professeur de l’Université de Sherbrooke et membre de l’IQ Louis Taillefer vient maintenant de publier dans la revue Nature une découverte majeure qui pourrait expliquer ces phénomènes : un point critique quantique situé au cœur des cuprates supraconducteurs.

La supraconductivité révolutionnera un jour notre quotidien, dans des domaines aussi variés que la transmission d’énergie, la médecine, et les communications. Mais pour cela, la température critique d’apparition de la supraconductivité doit être augmentée et atteindre la température ambiante. À ce jour, des matériaux à base d’oxyde de cuivre, les cuprates, sont les candidats les plus prometteurs pour atteindre cet objectif. Mais les cuprates sont des matériaux dans lesquels l’étrangeté de la mécanique quantique semble avoir créé une tempête, qui se manifeste par une gamme de propriétés anormales et spectaculaires qui défient nos théories.

Leur caractéristique la plus intrigante est la phase « pseudogap », un mystérieux état électronique qui coexiste avec la supraconductivité, et est largement considéré comme une des grandes énigmes de la physique contemporaine. Élucider cette question sera la clé qui permettra de comprendre le comportement des électrons dans les cuprates.

L’équipe de chercheurs menée par Louis Taillefer et Thierry Klein à l’Institut Néel de Grenoble, en France, a découvert un ingrédient essentiel pour résoudre ce mystère : la phase pseudogap se termine à un point critique quantique. Cela implique que cette phase pseudogap possède une forme d’ordre et cet ordre est certainement la clé du problème. Dans plusieurs autres familles de matériaux, il été observé qu’un point critique quantique associé à un ordre magnétique peut causer la supraconductivité, qui apparait alors à son voisinage. Mais dans les cuprates il n’y a pas de magnétisme, et donc identifier la nature de l’ordre inhabituel associé au pseudogap devient maintenant la grande question.

La découverte de l’équipe est basée sur des mesures de chaleur spécifique à très basses températures, accessibles en supprimant la supraconductivité avec les puissants aimants du Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses de Grenoble. Ce projet de longue haleine est une collaboration entre Sherbrooke et Grenoble impliquant trois chercheurs principaux, membres du Laboratoire Circuits et Matériaux Quantiques, un Laboratoire International Associé créé par le CNRS en 2017 pour favoriser les collaborations entre l’IQ à Sherbrooke et plusieurs laboratoires français. Cette collaboration Sherbrooke-France est d’ailleurs un excellent exemple de cotutelle, Taillefer et Klein étant les deux co-directeurs de doctorat de Bastien Michon (portrait de Bastien Michon) et Clément Girod, premier et second auteurs de l’article publié dans Nature.

“À Sherbrooke, nous avons exploré la phase pseudogap avec plusieurs sondes, mais l’observation du point critique quantique reposait sur l’expertise de Thierry Klein et Christophe Marcenat pour mesurer la chaleur spécifique à forts champs magnétiques”, raconte Taillefer. “Une belle complémentarité!”.

Ce projet est aussi une illustration de l’approche synergétique de l’Institut canadien de recherches avancées (CIFAR), où expérimentateurs, théoriciens, et experts de la synthèse des matériaux sont rassemblés pour collaborer à des grandes découvertes. Dans le cas présent, le programme Matériaux quantiques du CIFAR a permis à Taillefer d’obtenir des échantillons de cuprates de Bruce Gaulin et Hidenori Takagi, respectivement membre et conseiller du programme. De plus, des calculs théoriques ont été fait par Simon Verret, postdoc dans le groupe du membre de l’IQ André-Marie Tremblay, un membre de longue date du CIFAR.

“Pouvoir convaincre Bruce Gaulin et son groupe à McMaster de produire des échantillons de cuprate à fort dopage fût crucial pour notre étude”, raconte Taillefer. “Grâce au CIFAR, une nouvelle collaboration Sherbrooke – McMaster s’est ouverte”.

La fondation Gordon & Betty Moore a aussi contribué à cette découverte, en accordant une subvention majeure à Taillefer, dans le cadre de son programme Emergent Phenomena in Quantum Systems.

 

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