Sommets Vol. XVIII No 3 - Automne 2005


 

Jean de Lafontaine
La conquête de Mars passe par Sherbrooke

Par Sophie Payeur

Le lancement de l'orbiteur Mars Reconnaissance, en août dernier par la NASA, fait partie du plus important programme spatial jamais imaginé jusqu'à ce jour : permettre à l'humain d'aller sur la planète rouge.  L'ingénieur Jean de Lafontaine, lui, est déjà en orbite.

 


Jean de Lafontaine
Professeur au Département de génie électrique et de génie Informatique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Professeur au Département de génie électrique et de génie informatique, Jean de Lafontaine est aussi fondateur et propriétaire de la petite entreprise NGC Aérospatiale, basée à Sherbrooke. Il vient de signer un important contrat avec Boeing Aerospace dont le but est ni plus ni moins de mettre au point le système qui permettra à l'homme de faire des pas de géant sur le plancher martien. Il compte bien, à sa façon, faire partie des missions Sample Return 1 et 2, prévues en 2014. La NASA prévoit alors ramener sur Terre des échantillons de sol martien, une des multiples missions en préparation des premiers vols habités vers Mars, planifiés par l'Europe et les États-Unis en 2030.

La contribution : le LAPS, pour Lidar-Based Autonomous Planetary Landing System. Un logiciel de navigation, de guidage et de contrôle permettant l'atterrissage de n'importe quel module sur n'importe quel objet céleste — planète, comète, astéroïde — de notre système solaire. «Notre technologie est capable d'interpréter les éléments de l'environnement planétaire comme aucune autre ne peut le faire», explique-t-il. Faire atterrir une sonde ou un vaisseau sur un site précis de Mars, soit à des dizaines de millions de kilomètres de la Terre, est un processus extrêmement complexe qui équivaut grosso modo à enfiler une aiguille à 22 km de distance.

Les techniques d'atterrissage actuelles ont recours à des systèmes de propulsion inversée et à des parachutes qui ralentissent la vitesse du vaisseau. De grands ballons gonflables sont ensuite déployés tout juste avant l'impact pour protéger l'appareil des dommages. Le procédé actuel favorise certes la sécurité, mais l'engin peut rebondir sur plus de un kilomètre et le lieu où le module termine sa course est laissé au hasard. C'est là le hic  : difficile, dans ces conditions, d'atterrir au pied d'une falaise ou sur le bord d'un cratère, par exemple, où émergent les échantillons de sol les plus intéressants pour les explorateurs de Mars.

Les ingénieurs de l'espace s'efforcent donc de remplacer la technologie actuelle des ballons gonflables par un système de propulsion capable de guider le module d'atterrissage jusqu'à la surface, permettant ainsi de viser plus précisément un site d'exploration. En revanche, dès qu'il entrera dans l'atmosphère de la planète ciblée, le module n'aura que 90 secondes pour cartographier sa surface, choisir son site, se diriger vers le lieu sélectionné et s'y poser. 

Jean de Lafontaine, lui, utilise un outil plus rapide que les 90 secondes allouées à l'atterrissage : le lidar. Développé et commercialisé par l'entreprise torontoise Optech, le light detection and ranging est un radar couplé à un puissant faisceau laser. «C'est l'équivalent d'une supercaméra numérique capable de prendre en une seconde 10 000 mesures en trois dimensions de la surface de la planète.» Jumelés, le lidar et le logiciel actuellement mis au point par l'ingénieur génèrent chaque seconde une carte topographique très précise de la surface étudiée. «Nos analyses les plus récentes démontrent que 95 % du temps, le LAPS parvient à repérer un site intéressant et à effectuer un atterrissage sécuritaire dans le temps disponible. C'est presque trois fois plus que les missions actuelles, qui réussissent leur atterrissage dans seulement 40 % des cas.»

Ce système, Jean de Lafontaine y pense depuis 20 ans.  Employé de 1987 à 1996 comme ingénieur de système à l'Agence spatiale européenne, il s'était alors familiarisé avec le lidar, dont les capacités étaient limitées à l'époque. De retour au Canada quelques années plus tard, il apprend que la technologie du lidar s'est grandement améliorée. De concert avec le fabricant Optech et l'Université de Sherbrooke, Jean de Lafontaine convainc l'Agence spatiale canadienne d'investir dans le développement du LAPS. En 2003, c'est au tour de l'Agence spatiale européenne d'investir dans le projet. Puis, en 2005, le LAPS reçoit un important appui financier de Boeing, un des plus importants contractants de l'espace, pour la dernière phase de test du logiciel. Or, c'est à Boeing Aerospace que la NASA a confié la responsabilité de concevoir une nouvelle génération de système d'atterrissage pour ses sondes planétaires. Il n'en faut pas plus à Jean de Lafontaine pour prendre la route de Mars… Il se donne quatre ans pour tester et valider le LAPS dans un environnement semblable à la surface de Mars, soit le temps nécessaire pour intégrer le logiciel aux préparatifs des missions Sample Return 1 et 2 de la NASA. «Nous serons les premiers à atterrir sur Mars de façon précise, sans ballon gonflable!»


 

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