Sommets Vol. XVIII No 2 - Printemps 2005

BILLET

 


Daniel Asselin
Président Épiosde
Éducation physique et sportive 1981

  25 ans de philanthropie québécoise : enjeux

La philanthropie québécoise francophone est véritablement apparue au début des années 1980, avec le désengagement de l'État du financement des organismes à but non lucratif. Jusqu'au milieu des années 1990, elle s'est développée à peu près au même rythme que l'évolution démographique et la richesse collective.

Au cours des 10 dernières années toutefois, la philanthropie au Québec a connu un essor remarquable. Ce développement accéléré des habitudes philanthropiques des individus et des entreprises s'explique par plusieurs facteurs : le vieillissement de la population qui favorise l'élargissement du bassin de donateurs, l'enrichissement des entreprises québécoises et de certaines grandes familles, comme les Beaudoin, Péladeau, Coutu, Lemaire, Chagnon, Dutil et autres, ainsi que l'expérience acquise par les gens qui oeuvrent dans ce secteur et qui ont développé une expertise typiquement québécoise.

L'un des principaux moteurs et des plus importants bénéficiaires de l'émergence de la philanthropie québécoise est, bien sûr, Centraide. Mais, bien que toujours incontournable, Centraide n'est plus seul à profiter de cette forme de partage de notre richesse collective. En effet, cette organisation doit aujourd'hui compter avec le secteur de la santé qui regroupe les fondations d'hôpitaux et les grandes sociétés dédiées au combat contre diverses maladies, comme le cancer, l'Alzheimer, l'hémophilie, etc. De la même façon, les fondations du secteur de l'éducation (universités, collèges privés et publics, commissions scolaires et même écoles secondaires) demandent leur part afin de financer leurs projets et de répondre à leurs besoins de plus en plus criants. Il ne faut pas oublier les secteurs sociaux, sportifs et culturels qui sont également de mieux en mieux représentés dans le « marché » de la philanthropie. Car maintenant, il faut bel et bien parler de marché avec tout ce que cela implique en matière de positionnement stratégique, de ciblage et de fidélisation non pas d'une clientèle mais de donateurs.

Il est aujourd'hui impensable pour une fondation de réaliser une campagne majeure de financement sans procéder à une bonne analyse de son marché de donateurs potentiels et sans se préparer soigneusement à convaincre ces derniers de soutenir sa cause. Cette démarche exige une rigueur nouvelle de la part des organisations philanthropiques, qui doivent non seulement établir leurs priorités de financement et les présenter sous forme de projets, mais également démontrer concrètement aux donateurs potentiels que leur investissement dans ces projets aura des retombées concrètes et mesurables. Ce processus a par ailleurs l'avantage de conforter les donateurs dans leurs gestes de générosité.

Mais cela va encore plus loin: une fois les projets bien définis et soutenus par un argumentaire solide, il faut encore élaborer des stratégies de financement précises, adaptées aux valeurs et aux exigences de chaque donateur potentiel, qu'il s'agisse d'un individu, d'une entreprise, d'une communauté religieuse, d'une grande fondation familiale, d'un fonds d'employés ou d'un autre type de donateur.

Dans ce contexte, bien définir ses enjeux et trouver les bons «partenaires» constituent des démarches essentielles pour une organisation philanthropique qui souhaite maintenir un bon positionnement dans le marché du don. Car, encore une fois, le vocabulaire a évolué et on parle de moins en moins de donateurs et de plus en plus de partenaires du projet à financer. De la même façon, les organisations philanthropiques doivent maintenant négocier ces ententes de partenariat, les mettre par écrit, bâtir des programmes de reconnaissance afin de fidéliser les partenaires à long terme, etc. Pas étonnant que, dans ce marché de plus en plus compétitif, les experts soient devenus de fins stratèges et qu'il y ait des formations spécialisées offertes aux gens du milieu.

Pour ceux qui douteraient encore que la philanthropie soit devenue un marché en pleine expansion et hautement compétitif, sachez qu'environ 20 000 organismes font de la sollicitation et que, selon Statistique Canada, près de deux milliards de dollars sont distribués chaque année au Québec seulement. Alors...

Donateurs, à vos marques, nous ne sommes plus des quêteux…

 

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