Le Rapport Parent

La démocratisation de l'éducation

par Manon Aubé

L'école a complètement changé de face au cours des dernières décennies. Il y a à peine 40 ans, l'éducation était synonyme d'autorité et le corps professoral, majoritairement composé de religieux, y exerçait un contrôle absolu. Le vouvoiement, les coups de règles, le port d'uniforme faisaient partie de la vie étudiante quotidienne. Les filles et les garçons ne fréquentaient pas les mêmes écoles et seuls les enfants provenant d'une famille aisée pouvaient espérer poursuivre leurs études. Il en découlait un taux peu élevé de fréquentation scolaire, d'où une sous-scolarisation importante d'une société pour qui l'instruction n'était pas ancrée dans les mœurs.
Au début des années 60, les valeurs de la société changent ainsi que les besoins. Une réforme scolaire s'impose. Le gouvernement provincial l'initie en créant la Commission royale d'enquête sur l'enseignement, appelée commission Parent, du nom de son président, Mgr Alphonse-Marie Parent, professeur à l'Université Laval.
En 1964, le rapport Parent sur l'éducation au Québec vient bouleverser cette chasse gardée qu'est l'école. " La crise de l'enseignement est universelle. Partout sont remises en question les structures administratives et pédagogiques, partout se préparent ou s'appliquent des réformes plus ou moins radicales; c'est que l'homme moderne n'habite plus le même univers que ses ancêtres. " Cet extrait du rapport Parent décrit bien le but visé par la commission d'enquête : repenser l'école du Québec. Le rapport reconnaît donc que le Québec accuse un sérieux retard en éducation et de nombreuses recommandations sont émises afin d'y suppléer : création d'un ministère de l'Éducation, d'un Conseil supérieur de l'éducation, des maternelles, des commissions scolaires régionales et des cégeps. L'arrivée de ces derniers sera bénéfique pour les universités puisqu'elle suscite un nouvel intérêt envers la poursuite d'études supérieures.

Une transformation radicale

Dès lors, le système scolaire voit ses structures se modifier radicalement. Les polyvalentes et les cégeps succèdent aux collèges classiques; les écoles techniques, jusqu'alors responsables de l'enseignement professionnel - les métiers -, se greffent aux polyvalentes, tout comme les écoles commerciales et scientifiques. La formation des maîtres qui, jusqu'au rapport Parent, passait par l'école normale, relève maintenant de l'université.
Cette modification importante a un impact majeur pour la Faculté d'éducation puisque le rapport Parent vient revaloriser la profession enseignante et repenser le statut de l'éducateur. Ayant été, grâce aux travaux de Pierre-H. Ruel et de quelques précurseurs, la première université québécoise à s'intéresser à cette science qu'est l'éducation, l'Université de Sherbrooke s'est aussi affairée à former un corps professoral de qualité. La réforme scolaire pressentie lors de la mise sur pied de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement avait déjà fait réagir les enseignants qui voulaient à tout prix se perfectionner et se préparer à toute éventualité.
Les effets du rapport Parent se sont aussi fait sentir en recherche. Depuis 1968, les sommes allouées pour la recherche en éducation ont augmenté continuellement, passant de 12 000 dollars à plus de 1,1 million de dollars l'an dernier.

La clientèle des universités s'élargit

Avec l'application de quelques-unes de ses nombreuses recommandations, le rapport Parent a été bénéfique au milieu universitaire en accélérant le développement des universités québécoises, en facilitant l'accessibilité à un plus grand nombre d'étudiantes et étudiants et en favorisant le phénomène de la régionalisation. Pour l'Université de Sherbrooke, les acquis se consolident. Parce que l'université est davantage accessible, le nombre d'étudiants double en cinq ans, passant de 1597 inscriptions en 1963-1964 (avant le rapport Parent) à 3657 en 1968-1969 (tout juste après la formation des cégeps).
Cette réalité oblige les autorités à créer d'autres programmes et à offrir de nouveaux services. C'est ainsi que la Faculté des arts, dont une des missions les plus importantes était d'ouvrir la voie aux études universitaires, voit sont rôle et sa structure complètement bouleversés. Dès 1964, les professeurs spécialistes de différents domaines se regroupent au sein de départements : français, anglais, latin, histoire, géographie, économique et philosophie.
La Commission royale d'enquête sur l'enseignement a eu des conséquences marquantes sur le système scolaire. Loin d'être relégué aux oubliettes, le rapport Parent a aidé à amorcer le mouvement de réflexion que suscite le changement de millénaire. Récemment, les états généraux sur l'éducation ont vu à faire le point sur la situation. Le ministère de l'Éducation s'affaire depuis à définir les orientations et les besoins du système d'éducation pour les prochaines années. Le domaine de l'éducation se prépare à affronter le prochain siècle et la réforme entreprise doit répondre aux attentes de la société.