Nouvelle Chaire de recherche
industrielle en éthanol cellulosique
L'Université accroît son leadership en matière de
développement
durable en intensifiant ses recherches sur les carburants biologiques
ROBIN RENAUD
Transformer des résidus en énergie, voilà la mission que se donne Esteban
Chornet, professeur à l'Université depuis 1970 et
pionnier visionnaire du génie chimique vert. La lutte aux changements
climatiques combinée à la flambée des prix du pétrole rendent cette mission
encore plus cruciale aujourd'hui. En présence du premier ministre du Québec,
Jean Charest, le vice-recteur à l'administration et au développement
durable, Alain Webster, a annoncé le 7 mai la
création de la Chaire industrielle en éthanol cellulosique dirigée par le
professeur Chornet, de la Faculté de génie. La nouvelle chaire mènera
différents projets de recherche pour d'une part produire de l'éthanol à
partir de déchets forestiers, et d'autre part, à partir de résidus
domestiques et agricoles.
La chaire profite d'un soutien financier de 1,5 M$
du ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Elle compte aussi sur
l'appui de cinq acteurs importants de l'industrie québécoise des
biocarburants, Kruger, Ultramar, Éthanol Greenfield, CRB et Enerkem
Technologies. Un investissement total de 3,25 M$
en cinq ans sera réalisé.
Les projets pilotés par le professeur Chornet prévoient la construction
de deux usines pilotes, l'une à Westbury, et l'autre dans l'arrondissement
de Brompton, près de la papeterie Kruger.
Éthanol cellulosique
L'éthanol cellulosique est un carburant fabriqué à partir de déchets
agricoles et ligneux ainsi que d'arbres à croissance rapide. Son potentiel
de réduction des émissions de gaz à effet de serre est supérieur à celui de
l'éthanol traditionnel fabriqué à partir de céréales, notamment le maïs.
Comme l'éthanol traditionnel, l'éthanol cellulosique peut être ajouté à
l'essence et utilisé dans tous les véhicules d'aujourd'hui. Ce carburant à
émissions ultrafaibles de CO2 nécessite des technologies de
transformation complexes, allant de la dégradation enzymatique à la
gazéification.
Le professeur Chornet indique que ses recherches visent à raffiner des
procédés de production afin de les rendre plus efficients et peu polluants.
«En termes simples, un 1er cycle de transformation des matières génère un
1er résidu, explique-t-il. Ensuite ce résidu a est
transformé une 2e fois en résidu b. L'éthanol est
généré en transformant ce résidu b dans une 3e étape.
Notre but est d'améliorer le contrôle et le design pour qu'ils soient plus
performants.»
Selon le chercheur, la conjoncture des prix du pétrole rend ces
technologies de plus en plus attrayantes. «L'éthanol est régi par des prix
sur le marché international. L'éthanol – surtout fait à partir du maïs –
coûte environ 1,70 à 1,80 U$
par gallon. Ça revient à environ 40 cents le
litre. On estime que l'éthanol cellulosique qui sortira des premières usines
reviendra à peu près à ce coût. Cependant, une fois que le procédé sera
mieux maîtrisé, les coûts de production pourraient être de 40 à
50 % inférieurs», dit Esteban Chornet.
Actuellement, la production d'éthanol à partir du maïs est critiquée
parce qu'elle fait augmenter le prix des céréales. Le professeur Chornet
insiste sur la nécessité de bien gérer les ressources et à traiter
uniquement des résidus : «Si on prend la biomasse
urbaine, on constate que les deux tiers de nos ordures terminent au site
d'enfouissement. Il serait beaucoup plus utile de les revaloriser en en
faisant de l'éthanol. Quant aux résidus forestiers, il reste beaucoup de
matière à valoriser, comme les branches et les feuilles qui n'ont pas de
valeur commerciale.»
Esteban Chornet propose également un modèle d'usine à taille réduite.
«Aux États-Unis, il est question d'implanter des usines gigantesques qui
nécessitent des quantités phénoménales de bois, ce qui est problématique au
niveau du transport et de la pollution qu'il génère. Nous proposons plutôt
des usines à plus petite échelle. Celles-ci traiteraient de 100 000
à 200 000 tonnes
par année. Ainsi, il pourrait y avoir une usine par région qui
s'approvisionnerait dans un rayon de 70 à 80 km
en demeurant autosuffisante. Si notre démonstration est concluante, on sera
en affaires!»
Plus d'éthanol
Le développement des biocarburants est un secteur prioritaire pour le
gouvernement québécois, qui s'est donné comme cible un contenu de 5 %
d'éthanol dans l'essence vendue dans la province d'ici 2012.
«Le Québec produit environ 120 millions de litres
d'éthanol par an. Nous souhaitons atteindre l'objectif d'en produire plus de
400 millions annuellement d'ici cinq ans», a dit
le premier ministre Jean Charest. Selon lui, la chaire viendra soutenir
l'innovation dans les méthodes et les procédés liés à la production de ce
biocarburant de demain, tout en contribuant à la formation de la
main-d'œuvre hautement qualifiée nécessaire à ce secteur en plein essor.
Selon le vice-recteur Alain Webster, cette nouvelle chaire est vouée à un
fort bel avenir : «L'excellence des travaux de
recherche du professeur Chornet au sein du Groupe de recherche sur les
technologies et procédés de conversion est reconnue à travers le monde. La
création de cette chaire vient donner un élan supplémentaire dans un domaine
qui connaîtra un développement extraordinaire au cours des prochaines années
et qui aura un impact positif réel sur les changements climatiques.»
La première usine pilote de production d'éthanol cellulosique devrait
débuter ses opérations dans un an.
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