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Liaison, 8 mars 2007

 

 
Le professeur Sébastien Lebel-Grenier, spécialiste en droits fondamentaux et directeur du groupe de recherche Société, droit et religions de l'UdeS, n'est pas tendre envers la façon dont le débat actuel sur les accommodements raisonnables est mené.

Un débat qui confond accommodements raisonnables et rapports de bon voisinage, qui s'appuie sur des cas isolés montés en épingle et qui fait l'objet d'une récupération électoraliste malsaine... Le professeur Sébastien Lebel-Grenier, spécialiste en droits fondamentaux et directeur du groupe de recherche Société, droit et religions de l'UdeS, n'est pas tendre envers la façon dont le débat actuel sur les accommodements raisonnables est mené. Un reportage de Stéphanie Raymond.

Photo : Roger Lafontaine

 


Les accommodements raisonnables

Un débat qui dérape

STÉPHANIE RAYMOND

Un débat qui confond accommodements raisonnables et rapports de bon voisinage, qui s'appuie sur des cas isolés montés en épingle et qui fait l'objet d'une récupération électoraliste malsaine... Le professeur Sébastien Lebel-Grenier, spécialiste en droits fondamentaux et directeur du groupe de recherche Société, droit et religions de l'UdeS (SODRUS), n'est pas tendre envers la façon dont le débat actuel sur les accommodements raisonnables est mené.

Accommodements raisonnables ou rapports de bon voisinage?

Le spécialiste déplore en premier lieu le détournement de sens de l'expression «accommodement raisonnable» : «On qualifie d'accommodements raisonnables des décisions ne reposant pas sur les critères propres à ce mécanisme juridique. La majorité des cas relevés par les médias dernièrement sont en fait des décisions prises sur le tas et visant à assurer des rapports de bon voisinage. Si elles avaient subi un examen judiciaire, ces décisions auraient été qualifiées de déraisonnables. En les étiquetant comme accommodements raisonnables, on discrédite le système de protection des droits fondamentaux.»

Les accommodements raisonnables sont en fait un mécanisme développé par le droit pour déterminer jusqu'à quel point on doit tenir compte des particularités d'une personne. Ce mécanisme a d'abord été utilisé en droit du travail avant d'être appliqué aux revendications de nature religieuse. «Dans ces cas comme dans les cas de discrimination basée sur le sexe ou un handicap, on doit déterminer si l'accommodement constituerait pour l'autre partie une contrainte excessive, soit en dénaturant l'activité visée, en imposant un fardeau financier ou administratif trop lourd, en présentant un danger ou en entrant en conflit avec d'autres valeurs protégées par les chartes des droits, par exemple l'égalité homme-femme», explique Sébastien Lebel-Grenier.

Un débat mal lancé et exagéré

Une frénésie médiatique résultant en une chasse aux accommodements déraisonnables s'est déclenchée ces derniers mois. «Cela a donné une image trompeuse de l'état des
rapports entre confessions religieuses au Québec, dit le professeur. Lorsqu'on étudie les plaintes visant une mesure d'accommodement déposée à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au cours des cinq dernières années, soit moins de 100 plaintes, la majorité ne porte pas sur des revendications religieuses, et celles qui portent sur ce sujet proviennent en majorité de groupes chrétiens. Le problème demeure donc relativement marginal. De plus, les demandes d'accommodement ne proviennent que rarement de communautés musulmanes.»

Selon le professeur Lebel-Grenier, cette fausse polémique, alimentée par certains politiciens, risque de marginaliser, à la limite d'ostraciser des groupes minoritaires vivant déjà d'importantes difficultés depuis septembre 2001. «Le dérapage actuel vers un discours politique populiste qui exploite l'insécurité d'une partie de la population face à celui qui est différent ne peut que nuire au Québec», estime le professeur.

Un nécessaire débat de fond

Il peut toutefois ressortir des avancées intéressantes de la polémique actuelle. En effet, il est sain qu'une société se questionne périodiquement sur ses valeurs fondamentales. Dans ce contexte, le professeur Lebel-Grenier accueille favorablement la commission Bouchard-Taylor qui doit se pencher sur la question des accommodements raisonnables : «Les travaux de cette commission, combinés à ceux déjà entrepris par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur la place de la religion dans l'espace public, pourront nous permettre de nous positionner à nouveau sur les valeurs qui fondent la société québécoise. Il est essentiel toutefois que ce débat soit mené de façon sereine.»

Où s'en va-t-on comme société?

Les accommodements ont toujours existé au Canada, rappelle le professeur : «Accommodements entre colonisateurs et autochtones, entre francophones et anglophones ou catholiques et protestants, accommodements face aux immigrants qui arrivaient en vagues successives… L'étude du passé pourrait permettre de poser un regard plus posé sur ce qui se passe aujourd'hui, et peut-être même nous servir d'exemple dans certains cas.» C'est pourquoi le SODRUS espère recevoir bientôt une subvention qui lui permettrait d'étudier les façons dont la société québécoise a abordé la diversité religieuse et culturelle entre 1840 et 1920.

D'ailleurs, le modèle d'accueil et d'intégration des minorités culturelles et religieuses développé au Québec et au Canada est considéré par plusieurs comme exemplaire à l'échelle mondiale. Il serait périlleux selon le professeur Lebel-Grenier de l'abandonner au profit de modèles qui ont démontré leurs failles, comme le modèle de la laïcité à la française.

Sébastien Lebel-Grenier, vice-doyen à la recherche et aux études supérieures de la Faculté de droit et directeur du groupe de recherche Société, droit et religions de l'UdeS.
Sébastien Lebel-Grenier, vice-doyen à la recherche et aux études supérieures de la Faculté de droit et directeur du groupe de recherche Société, droit et religions de l'UdeS.

Photo : Roger Lafontaine

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