Liaison, 24 novembre 2005
Louise Bienvenue, professeure en histoire
La jeunesse au cœur des recherches
d'une jeune professeure
Karine Vachon
Depuis son arrivée à l'Université de Sherbrooke, en 2001, l'historienne
Louise Bienvenue s'est consacrée à des projets mettant à l'étude la jeunesse
québécoise issue de différentes générations. Elle s'est d'abord intéressée
aux mouvements d'Action catholique, puis elle travaille maintenant sur deux
grands chantiers : la construction de la masculinité dans les collèges
québécois durant les années 1800-1960 et le traitement de la jeunesse
délinquante au Centre de réadaptation de Boscoville dans l'après-guerre.
La formation de l'honnête homme
dans les collèges classiques
Les recherches de Louise Bienvenue sur la construction de la masculinité
à travers l'observation des normes et déviances masculines dans les collèges
classiques au Québec sont ancrées dans l'actualité. Bien que la période à
l'étude se situe entre les années 1800 et 1960, le projet de la chercheuse
s'inscrit dans le débat contemporain entourant la masculinité.
En effet, depuis plusieurs années, le mouvement féministe a contribué à
redéfinir les rôles sexuels au Québec et en Occident : en changeant le rôle
des femmes, il a par le fait même modifié celui des hommes. Alors que
certains parlent de «crise de la masculinité», Louise Bienvenue tente
d'analyser comment le collège classique, une institution aujourd'hui
disparue, a collaboré à façonner la norme masculine.
«Il faut prendre en considération que ces collèges étaient des internats
pour garçons seulement. Les formateurs étaient des prêtres, de sorte que la
dimension sexuelle était évacuée», affirme-t-elle.
Travaillant en collaboration avec la professeure d'histoire Christine
Hudon et Ollivier Hubert, de l'Université de Montréal, la chercheuse tente
d'analyser la vie dans l'internat, les rapports inégalitaires entre les
collégiens, le rôle des autorités, etc. Elle s'interroge sur la formation de
l'honnête homme. Quel était un homme digne de ce nom? En ce sens, Louise
Bienvenue rappelle que l'institution du collège classique a éduqué l'élite
canadienne-française ainsi que plusieurs générations de leaders. Il est donc
intéressant de découvrir les valeurs qui y étaient enseignées.
La chercheuse part, entre autres, des exemples du Séminaire de
Saint-Hyacinthe et du Séminaire Saint-Charles-Borromée de Sherbrooke. Ses
recherches sont financées par le Fonds québécois de la recherche sur la
société et la culture (FQRSC) et le Conseil de recherches en sciences
humaines.
Parallèlement à ce projet, Louise Bienvenue et sa collègue Christine
Hudon collaborent également avec Isabelle Boisclair, professeure au
Département des lettres et communications, grâce à une subvention de la
Faculté des lettres et sciences humaines. Dans un projet plus vaste qui
s'intitule La construction culturelle du masculin au Québec à travers
deux vecteurs de socialisation : l'enseignement et la littérature,
l'expertise d'Isabelle Boisclair permet d'étudier les représentations
masculines décrites dans les textes littéraires. En combinant l'approche
littéraire et historienne, les chercheuses pourront accroître leur
compréhension de la construction de l'identité masculine.
La jeunesse délinquante de l'après-guerre
Dans le cadre du second sujet auquel elle se consacre, Louise Bienvenue
analyse l'histoire du Centre de réadaptation de Boscoville. Durant
l'après-guerre, cette institution montréalaise, où était placée la jeunesse
délinquante et marginale, voulait innover en matière de réforme.
L'institution a non seulement introduit les savoirs psychologiques dans le
traitement de la délinquance, mais elle est aussi devenue un lieu important
où s'est développée la psychopédagogie.
En mai 2005, Louise Bienvenue a reçu une bourse de jeune chercheuse du
FQRSC. Cette recherche est aussi soutenue par le Centre d'histoire des
régulations sociales ainsi qu'avec sept chercheurs de différentes
universités, dont Jean-Marie Fecteau, de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
Au terme de ses recherches, Louise Bienvenue souhaite publier un livre
sur le sujet. Elle a d'ailleurs contacté l'Ordre des psychoéducateurs
puisqu'elle estime que l'ouvrage pourrait être utile à ces derniers.
D'abord, le livre leur permettrait de mieux connaître leur histoire.
Ensuite, la chercheuse est d'avis que prendre connaissance des diverses
expériences du passé pourrait contribuer à les éclairer dans leurs démarches
actuelles.
Les mouvements d'Action catholique
Louise Bienvenue a publié son premier livre en 2003, aux éditions Boréal.
Intitulé Quand la jeunesse entre en scène : L'Action catholique avant la
Révolution tranquille, l'ouvrage est tiré de sa thèse de doctorat,
déposée à l'UQAM en 2000. «La réécriture a permis que le sujet soit plus
accessible et moins lourd», précise-t-elle.
En somme, le livre propose une analyse des mouvements d'Action catholique
(JOC, JEC, JAC et JIC), plus particulièrement durant la période allant
de 1930 à 1950. Louise Bienvenue étudie la jeunesse comme groupe social au
Québec ayant contribué à faire accéder la province à la modernité. L'Action
catholique a en effet accueilli en ses rangs des figures d'influence, dont
Claude Ryan, Simonne Monet-Chartrand, Gérard Pelletier… Enfin, l'auteure
s'interroge également à savoir si les jeunesses militantes catholiques
d'hier ressemblent aux jeunes altermondialistes d'aujourd'hui.
L'ouvrage a permis à Louise Bienvenue de remporter deux importants prix.
Elle a reçu le prestigieux prix Raymond-Klibansky 2003-2004 pour le meilleur
livre de langue française en sciences humaines alors que seuls cinq auteurs
au Canada sont retenus pour ce concours. Puis, elle s'est vu remettre le
prix Michel-Brunet 2003 pour le meilleur ouvrage publié par une historienne
ou un historien québécois de moins de 35 ans, dans le cadre du congrès de
l'Institut d'histoire de l'Amérique française.
Une riche formation
Bien que Louise Bienvenue soit passionnée par l'histoire, elle a commencé
ses études universitaires par un baccalauréat en sciences politiques et un
certificat en études féministes à l'UQAM. Alors qu'elle avait suivi tous ses
cours optionnels en histoire, un de ses professeurs l'invite à poursuivre
des études supérieures dans ce domaine. Après sa maîtrise, elle se rend en
France et fait un DEA en histoire et civilisation à l'Université Paris VII.
«Cette expérience m'a permis une ouverture sur le monde et m'a donné envie
d'une vie universitaire… d'une carrière universitaire», souligne la
chercheuse.
Louise Bienvenue termine son doctorat à l'UQAM en 2000, puis entame un
postdoctorat à l'Université de Carleton à Ottawa, toujours en histoire. Un
an et demi plus tard, elle acceptait un poste à l'Université de Sherbrooke.
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