La merveilleuse expérience guinéenne
Isabelle Huard est adjointe au vice-doyen au développement à la
Faculté d’éducation et responsable du volet vie sociale et communautaire du
Projet d’appui à la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement technique
et professionnel en Guinée. Entre le 7 et le 14 mai, elle a participé à une
mission en sol africain, au cours de laquelle elle a eu le privilège
d’assister les artisans de ce projet mené en collaboration avec l’Agence
canadienne de développement international (ACDI). Elle nous livre ici ses
impressions de voyage.
Isabelle Huard
Je suis bien arrivée en sol guinéen et mon expérience est déjà
extraordinaire. Le vol s’est franchement bien passé. L’arrêt dans la
capitale Nouakchott en Mauritanie, en plein désert sur le bord de l’océan,
est impressionnant. Le ciel et la terre ne sont que beige à perte de vue,
c’en est éblouissant. L’activité principale se rapporte au forage de
pétrole. Il fait 40 degrés, avec un fort vent qui fait virevolter le sable.
C’est presque incroyable et surtout dépaysant. Je dis «merci la vie» tout
haut.
Le dernier droit vers Conakry se fait rapidement, environ une heure. La
ville compte maintenant plus de deux millions d’habitants. Dès ma sortie de
l’avion, je vois l’un des étudiants venus à l’UdeS l’an dernier. Il
m’accueille les bras ouverts, tout sourire. Heureusement qu’il est là car le
passage aux douanes est confus et loin d’être fonctionnel. En attendant les
bagages, j’aperçois le doyen du groupe, qui a pu lui aussi entrer à
l’intérieur de l’aéroport (c’est un privilège qui n’est pas donné à tous). À
la sortie, je vois le chauffeur du Bureau d’appui à la coopération
Canada-Guinée pour consultants reliés aux programmes de l’ACDI, qui
m’accueille avec une affiche à mon nom.
Il y a aussi mon étudiante «préférée», magnifiquement habillée avec son
chic boubou jaune et ses bijoux en or, et un autre qui s’exclame :«Maman est
enfin arrivée!» Il faut dire que j’arrive ici en pays de connaissance, car
nous avons développé une relation privilégiée lors de leur passage à
Sherbrooke. Comme c’est bon de les retrouver en sol guinéen, voilà déjà
presque un an qu’ils sont revenus à la maison! Je monte dans le 4 x 4 avec
le chauffeur et deux des Guinéens en direction de l’hôtel.
Je suis immédiatement plongée en pleine action, il y a tellement
d’animation, la circulation est dense et complètement désorganisée, je ris
de bon cœur car le chauffeur est vraiment habile dans tout ce boucan! Des
klaxons, des gens qui crient dans la rue, attention, ça traverse n’importe
où, les enfants, les chèvres, les chiens, wow, j’aime ça! C’est tellement
pauvre mais si coloré, il y a des vendeurs partout, des meubles et du
matériel sur le trottoir.
Il y a beaucoup de pollution. Je pense à la conscience environnementale
qui n’est pas intégrée ici et à toute l’éducation qui reste à faire. La
terre est argileuse et c’est très poussiéreux. La pauvreté et la saleté de
la ville sont évidentes, nous frappent en plein visage. Mes collègues qui
étaient déjà venus avant moi m’avaient prévenue. Le choc est moins pire que
prévu. Des pare-brise brisés, ou carrément rafistolés avec du plastique,
c’est chose courante ici. Personne ne semble nerveux et les gens sont si
élégants dans leurs boubous impeccablement propres. Comment font-ils?
Au rond-point, il y a un attroupement qui déborde dans la rue autour d’un
stade extérieur, c’est un match de foot, le sport national. Quel entrain, le
Vert & Or serait aux oiseaux d’avoir tant de fans pour l’une de ses parties!
Bref, une balade fort animée et divertissante!
Paradoxalement, l’hôtel est une oasis en lui-même. Les chambres et le
restaurant donnent directement sur l’Atlantique. J’y ai mangé un délicieux
plat africain, avec une bonne bière pression locale, la Guiluxe.
Le soleil se couche vite et tôt surtout, vers 19 h 30 il fait nuit. Le
croissant de lune se présente ici en forme de sourire, car nous sommes au
tropique du Cancer. Les adaptateurs de prise de courant fonctionnent bien
dans ma chambre d’où j’écris ce texte. Heureusement car mon portable me sera
utile toute la semaine pour aider les étudiantes et étudiants à synthétiser
l’état de leurs recherches sur support informatique. Il manque souvent
d’électricité et la connexion Internet avec le reste du monde demeure
fragile.
Tous les jours, on a droit à de la pluie et à de forts coups de tonnerre.
Premières manifestations de la saison des pluies. J’ai vu plus tôt deux
magnifiques pélicans survolant la mer, quel tableau exceptionnel.
J’ai eu droit à une très belle fête dimanche. Mes étudiants m’ont fait un
vibrant hommage devant plusieurs membres de leurs familles. Nous avons
partagé un beau buffet avec des plats traditionnels, comme du riz gras, du
poulet dans une sauce aux tomates et arachides, du manioc (genre de semoule
locale), des poissons entiers grillés, des bananes plantain, des ananas, des
mangues. C’était la fête, il y avait même de la musique africaine dans la
cour d’à-côté, car il y avait un mariage. J’ai reçu en cadeau un beau
collier africain, que j’ai mis sur-le-champ.
J’avais pensé leur apporter deux copies du dernier Liaison pour
les tenir au courant des nouvelles de leur université. C’était vraiment
spécial de les voir lire avec attention ce journal en pleine cour
intérieure, à l’ombre des manguiers regorgeant de grosses mangues qui seront
prêtes à cueillir et à manger bientôt…
Avec mes yeux de mère, j’ai vu beaucoup de choses qui m’ont secouée. Ici,
toutes les mamans portent leurs bébés derrière leur dos dans un bagne, un
tissu noué astucieusement qui les retient bien. Beaucoup de gens
transportent des choses sur leur tête, des chaudières rayées jaune et bleu
remplies de mangues orange, des tas de tissus colorés empilés sur la tête.
Les images sont fortes et on se laisse imprégner rapidement.
Je suis allée donner mes premiers cours à l’École normale des professeurs
d’enseignement technique et professionnel. Avant d’y arriver, il faut passer
par le marché public, ce qui est en soi très difficile et compliqué car il y
a des gens, des détritus et de la boue partout, ça parle fort, il y a des
poulets vivants dans des paniers, des fruits trop mûrs, du poisson et de la
viande crue à ciel ouvert. Ça sent fort et c’est la vraie misère. Je me sens
un peu nauséeuse. J’ai pris quelques photos de l’intérieur du 4 x 4. Je suis
bouche bée, la larme pas très loin au coin de l’œil. C’est comme «trop» pour
moi qui ai le cœur sur la main, naturellement. Le profil-type de la jeune
missionnaire en Afrique qui voudrait donc changer ce monde paradoxal et
injuste…
Dans la modeste classe de l’école au tableau usé et vétuste, il fait une
chaleur suffocante, mais tous les profs sont si attentifs à ce que je leur
dit que c’en est touchant. Je leur ai donné un cours sur les techniques de
base d’une présentation Power Point (avec ordinateur et projecteur
multimédia) et j’appréhendais les résultats car la veille, le courant avait
manqué plusieurs fois. Heureusement pour nous, tout a bien fonctionné, je
les sentais si friands de NTIC. Nous avons beaucoup à leur apporter et ils
nous le rendent bien. J’ai un programme fort chargé en tutorat avec chacun
d’eux jusqu’à la fin de la semaine.
Je crois que ce type d’expérience nous permet, à nous universitaires, de
réaliser l’importance de notre contribution internationale. L’Université de
Sherbrooke est constituée d’une communauté de personnes motivées à changer
le monde… Même si cet apport ne constitue qu’une goutte d’eau dans l’océan
des besoins de ces gens, il peut faire la différence!
Diaram! (bonjour en peul)
Photos : Isabelle Huard
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