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Liaison, 13 janvier 2005
Nouveauté livre
Critique invitée : MYRIAM ST-DENIS LISÉE
Étudiante en littérature
Éric-Emmanuel Schmitt, L'enfant de Noé
Qu'ont en commun
la pièce de théâtre Le visiteur, le film français Monsieur
Ibrahim et les fleurs du Coran et le roman L'évangile selon Pilate?
Éric-Emmanuel Schmitt. Cet écrivain multidisciplinaire est en effet
l'auteur de plusieurs romans, pièces de théâtre et essais. Certaines de
ses œuvres ont même été adaptées au cinéma français : Le libertin
et Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Se mettant volontiers
dans la peau de personnages singuliers, Schmitt sait surprendre les
lecteurs en abordant de façon originale des sujets tels que
l'homosexualité, le suicide, la guerre, la religion, l'amour, etc. Après
nous avoir fait plonger, en 2003, dans les dédales d'une relation de
couple étrange et tordue (Petits crimes conjugaux), Éric-Emmanuel
Schmitt prête cette fois-ci sa plume à un petit garçon juif de sept ans,
lors de la Seconde Guerre mondiale, et celui-ci nous narre avec simplicité
sa vision des événements en ces temps difficiles pour tous et chacun.
Joseph ne comprend pas grand-chose à cette guerre, où on arrête des
gens dont le seul crime est d'appeler Dieu par un autre nom et où être
circoncis peut mener à la mort. Il a été confié par ses parents à une
famille de nobles afin qu'il soit en sécurité. Soupçonnée de cacher un
juif, la famille se voit bientôt contrainte à emmener Joseph dans une
petite école (la Villa Jaune) dirigée par le père Pons, homme d'une
infinie bonté qui prend sous son aile les enfants juifs menacés par la
guerre. Ce sourire accueillant et cette noblesse d'âme ne cacheraient-ils
pas un étrange secret? Il semblerait que oui. En effet, chaque soir, le
père Pons sort de sa chambre, en catimini, se dirige vers le parc, et ne
revient que deux à trois heures plus tard. Joseph, qui surprend son
manège, découvre un soir son embarrassant secret…
Le père Pons a des activités qui pourraient compromettre sérieusement
sa vocation religieuse... Et bien non, il ne s'agit pas d'une femme.
Craignant que la Seconde Guerre mondiale détruise à jamais tous les
vestiges du judaïsme, le religieux entrepose, dans le sous-sol d'une
chapelle, tous les objets juifs qu'il peut trouver. Livres de prière,
chandeliers, écrits de la Torah, etc. Il se fait, à l'image de Noé,
collectionneur de ce qui risque de disparaître de la surface de la terre.
Joseph ayant percé son secret, le père Pons entreprend de lui enseigner
tout ce qu'il sait de la religion juive, afin que son savoir soit
transmis. Joseph devient donc, symboliquement, l'enfant de Noé.
Outre Joseph et le père Pons, plusieurs personnages, aussi marginaux
les uns que les autres, jouent un rôle important dans ce roman. Il y a
entre autres Mademoiselle Marcelle, la pharmacienne du village, révoltée
par la guerre et les injustices. Elle fait équipe avec le père Pons afin
d'inventer un nouveau passé aux enfants juifs, en leur procurant de faux
papiers d'identité. Elle ne croit en rien, ni en Dieu ni en la justice,
sinon au droit à la vie pour les enfants, qui sont les victimes innocentes
de la guerre. Il y a également Rudy, le compagnon de chambre de Joseph,
qui est en pension à la Villa Jaune. Il est peu studieux et persuadé qu'il
est entouré par une aura de malchance. Joseph et lui formeront un drôle de
tandem, où chacun pourra s'appuyer sur l'autre afin que la vie soit un peu
plus agréable.
Personnellement, j'ai beaucoup apprécié ce roman. Ayant lu déjà
beaucoup de livres de Schmitt, j'ai pu apprécier une fois de plus la
fluidité de son style, la profondeur de ses réflexions sur la vie et la
religion, et la singularité de ses personnages. Il y a une petite lacune
peut-être au niveau du thème, car celui de la Seconde Guerre mondiale a
été déjà utilisé et repris dans plusieurs œuvres, qu'elles soient
littéraires ou cinématographiques. Ce n'est donc pas un sujet inédit. Par
contre, il est important de noter que l'œuvre n'est pas construite sur un
ton moralisateur et ne met pas l'accent sur l'atrocité des traitements
qu'on réservait aux victimes de la Seconde Guerre mondiale. Ce roman est
plutôt une histoire d'amitié, de courage et de réflexion sur les
différentes religions, ce qui fait, en mon sens, l'originalité du récit.
Pour terminer, je vous recommande fortement la lecture de ce roman d'Éric-Emmanuel
Schmitt, petit récit qui fait à la fois sourire et réfléchir. Pour plus
d'informations sur l'auteur et ses écrits, je vous invite à aller visiter
le site
www.eric-emmanuel-schmitt.com. Bonne lecture!
En collaboration avec
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