Los chicos de Canadá
Groupe ESF Argentine 2004
Depuis 1996, Écologie sans frontière (ESF) offre aux étudiantes et
étudiants en écologie l'occasion d'appliquer leurs connaissances sur le
monde en participant à des stages d'une durée de trois à quatre mois dans un
pays de l'hémisphère sud. En avril, sept d'entre eux sont partis pour
l'Argentine afin d'y poursuivre un travail commencé en février 2003 par le
groupe ESF Argentine 2003 (voir Liaison du 6 février 2003). Ils nous livrent
ici les faits saillants de leur séjour.
L'inventaire des plantes médicinales
Notre travail, ici en Argentine, s'inscrit dans le cadre de la
collaboration entre le Programa Social Agropecuario (PSA) de la province
d'Entre Rios et la Facultad de Ciencias Agropecuarias (FCA) de la
Universitad Nacional. L'objectif premier de ce projet est de venir en aide
aux petits producteurs, en leur apportant une aide sur le plan social
(organisation, regroupement...) et scientifique (démarche de développement
agricole durable incluant, particulièrement, la protection des forêts et du
potentiel que celles-ci représentent).
Notre travail sur le terrain est de collaborer avec la FCA à une
meilleure connaissance de l'écosystème, particulièrement en ce qui concerne
les plantes médicinales dont l'exploitation pourrait constituer un élément
intéressant de développement agricole durable. En même temps, notre présence
dans les familles nous fait participer à cet effort d'éducation du PSA et
donne à cet organisme un surcroît de crédibilité.
Au cours de notre première semaine à Paraná, nous avons rencontré les
responsables du PSA, Maris et Benjasmin Chiapino, avec lesquels nous
collaborons et qui organisent concrètement notre travail dans les familles.
Cette même semaine nous avons également fait la connaissance de nombreux
membres du personnel enseignant et de la direction de la Facultad située à
Oro Verde en banlieue de Paraná. C'est ainsi que s'est établie une étroite
collaboration entre le groupe ESF et le doyen de cette faculté, José
Casermeiro. Grâce au dévouement et à la grande disponibilité de ce dernier
ainsi que celle de ses professeurs, nous avons eu la chance de nous
familiariser avec les écosystèmes, les sols, les parcs nationaux et la
phytogéographie argentine, et particulièrement de la province d'Entre Rios,
ainsi qu'avec... l'apiculture. Le miel est en effet une ressource importante
pour l'Argentine.
Le reste du mois de mai fut donc consacré à ces cours intensifs offerts
par l'université et à l'élaboration du plan de réalisation de notre projet,
sans bien sûr se priver d'activités très formatrices au plan culturel,
telles les sorties, les asados (un type de BBQ), les visites régulières au
centre-ville ainsi qu'au Stroker, bar aux mille et un drinks situé
dangereusement près du Cristo Redentor (nous avons notre carte de membre)!
Notre projet, qui est donc consacré à l'étude des plantes médicinales
utilisées par les petits producteurs agricoles vivant dans des campagnes
éloignées, a vraiment pris forme au cours de ce mois de mai. Une
constatation : il n'y a que très peu d'information disponible sur le sujet.
De plus, actuellement dans la province, la déforestation s'accentue pour
faire place d'une part à l'élevage extensif traditionnel et à
l'approvisionnement en bois de feu et, d'autre part, plus récemment, à la
culture à grande échelle du soya.
Dans ce contexte, il est important qu'un inventaire de ces plantes soit
effectué rapidement afin de récupérer les connaissances, souvent négligées,
de la médecine naturelle. Ces plantes sont aussi parfois les seuls recours
médicaux auxquels ont accès les gens de la campagne. Le projet consiste
ainsi en grande partie à recueillir l'information sur l'utilisation de ces
plantes médicinales par les petits producteurs agricoles et à en faire une
compilation régionale.
Ce projet s'insère également dans le cadre d'un projet plus vaste de
revalorisation des forêts par la mise en valeur du potentiel de
développement que représentent leurs produits forestiers non ligneux. C'est
dans ce cadre qu'un prochain groupe d'ESF pourrait venir travailler à
Paraná.
Les séjours dans les familles
Le mois de juin a donc, en grande partie, été consacré à la collecte de
données sur diverses plantes médicinales. Nous avons ainsi séjourné dans 18
familles de plusieurs régions de la province d'Entre Rios. Ces séjours,
chacun de quatre à six jours, dans des familles de petits producteurs, nous
ont permis d'amasser beaucoup d'informations sur les plantes médicinales,
mais surtout de parler avec tous les membres des familles, de vivre et de
connaître davantage leur réalité.
Et cette réalité est faite de beaucoup de pauvreté et de dénuement :
bécosse à l'arrière de la maison, toit de paille, plancher de terre battue,
absence d'électricité et d'eau courante… telle est souvent leur situation.
Et pour un choc culturel, ça en est tout un! Pas seulement dans ce
dénuement, mais aussi, et peut-être surtout, dans les sourires et la joie de
vivre de ces personnes malgré leur pauvreté.
Et puis il y avait aussi ces petites choses surprenantes pour nous. Par
exemple, on avait parfois droit à un café au lait fait avec du lait
fraîchement tiré de la vache, du fromage au lait cru fraîchement fait et
pour souper, du porc fraîchement abattu! Dans un pays en crise économique
depuis des années, cette précarité semble s'être accentuée dans les
campagnes.
Ces séjours ont été entrecoupés de quelques entrevues à la radio et de
quelques visites dans les écoles où nous avons même dû signer plusieurs
autographes sur papier, pantalons, chaussures… Nous, des vedettes? Non… Pour
eux, nous sommes los chicos de Canadá! Mais pour les écologistes que nous
sommes, avec le peu de connaissances sociales que nous avions, ce sont là
des aventures enrichissantes et troublantes d'émotions.
Cette expérience nous a imposé et nous impose toujours un bon ménage dans
notre système de valeurs. Riches par leur humilité et leur générosité dans
l'accueil qu'ils nous ont réservé, les gens de ces familles sont venus
toucher et transformer une part importante de nos êtres. C'est avec les
bouleversements de ces rencontres et les nombreux déplacements à travers la
province que s'est rapidement enfui notre mois de juin.
Et maintenant voici juillet qui file tout aussi rapidement. Nous sommes
maintenant à moins d'un mois de notre départ de Paraná et il nous reste
encore beaucoup de pain sur la planche. Familles, rapports, réunions,
rédactions et adieux douloureux sont au menu pour les trois prochaines
semaines. Nous sommes venus ici dans le but d'aider les gens du PSA et de
travailler avec certains chercheurs de l'université! Mais voilà, le stage
n'est même pas terminé et nous sommes déjà convaincus que c'est eux et leur
beau pays qui auront à tout jamais changé notre vie et notre future carrière
d'écologiste.
Préparation du souper canadien offert par les stagiaires en
remerciement à leurs hôtes argentins. «En aura-t-on assez?», se
demandent Michel Normand-Marleau et Andrée-Anne Joannis. |
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