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Liaison, 19 février 2004
Prévenir l'obésité à l'Université
À l'heure où le taux d'obésité atteint des proportions inquiétantes au
Canada, une centaine d'étudiantes et d'étudiants de la Faculté de médecine
se prêtent à des recherches concernant l'évolution de leur condition
physique. Le suivi permettra de savoir si les jeunes adultes qui entrent à
l'université en ressortent avec quelques livres de plus et s'ils deviennent
par le fait même prédisposés à de nombreuses conditions médicales. Ces
recherches, effectuées par Marie-France Hivert, résidente de troisième année
en médecine interne, et Pierre Bérard, étudiant à la maîtrise en
kinanthropologie, visent à prévenir le gain de poids observé chez les jeunes
universitaires.
CATHERINE LABRECQUE
Après ses années d'externat, Marie-France Hivert connaissait l'éventail
des maladies pouvant être reliées à l'embonpoint comme le diabète, les
maladies cardiovasculaires, un taux élevé de cholestérol, une tendance à la
dépression et certains cancers. Selon Statistique Canada, près de la moitié
des Canadiens de 20 à 64 ans ont un excès de poids ou sont qualifiés
d'obèses. La résidente a son point de vue par rapport à ces chiffres :
«Aujourd'hui, une grande partie de la population occupe des emplois
tertiaires où les activités physiques prennent une place minimale,
contrairement au temps où la plupart des emplois faisaient partie du secteur
primaire et nécessitaient davantage de mouvement physique. Depuis 30 ans, ce
n'est pas la génétique humaine qui a changé, mais le mode de vie.
Maintenant, davantage de calories entrent dans le corps humain qu'il en
sort. Puisqu'on ne peut pas revenir aux anciens modes de vie, il faut
changer les habitudes de vie pour améliorer la condition physique.»
Les deux étudiants ont voulu intervenir auprès de la population avant que
celle-ci développe des maladies reliées à l'inactivité physique. Selon
Marie-France Hivert : «Le système de santé actuel n'est pas assez axé sur la
prévention. Plusieurs études se penchent sur la façon de faire perdre du
poids, mais très peu se consacrent à la prévention de l'obésité. Aux
États-Unis, on a vu quelques rares démarches préventives.»
Candidats idéaux
Pour son projet de recherche, Marie-France Hivert voyait en les jeunes
universitaires des candidats idéaux. En effet, plusieurs d'entre eux
connaissent pour la première fois l'autonomie reliée à la vie en
appartement. Entre les 5 à 7 du jeudi, les épiceries où sont privilégiés les
mets rapides et les soirées d'études, peu de place est laissée pour une
saine alimentation et la pratique d'activités physiques. L'étudiante
chercheuse a donc recruté 54 étudiantes et étudiants de première année
universitaire avec un poids santé en septembre 2002 et 61 autres en
septembre 2003. «Chaque groupe a été divisé au hasard en deux. Le groupe
intervention est invité à assister à des ateliers informatifs sur les
habitudes de vie et non le groupe contrôle. Tous les participants sont pesés
et mesurés six fois pendant deux ans. Ils remplissent également un
questionnaire alimentaire et un autre relié à l'activité physique. Le but
des recherches consiste à découvrir si les participants du groupe
intervention, conscientisés par l'importance de l'activité physique et de
l'alimentation pour maintenir leur poids et outillés de méthodes pour y
parvenir, garderont davantage leur poids stable que le groupe contrôle. Le
défi consiste à recruter des gens prêts à s'engager dans une telle démarche
et de les intéresser suffisamment pour qu'ils demeurent assidus aux
ateliers», explique-t-elle.
Animés conjointement par Marie-France Hivert et Pierre Bérard, les
ateliers se veulent avant tout interactifs. Les animateurs n'y livrent aucun
secret, ne dressent pas de régime personnalisé ni de profil d'entraînement.
Souvent sous forme de table ronde, les ateliers permettent d'informer les
étudiantes et étudiants de ce qui s'offre comme activités physiques à
l'Université. Une grande partie du temps est également consacrée à
l'alimentation et aux recommandations du Guide alimentaire canadien. Des
trucs sont également donnés pour augmenter la quantité de fruits et légumes
dans les repas. Pratiquant eux-mêmes plusieurs activités physiques, les deux
étudiants chercheurs savent qu'à court terme, des bienfaits se font
ressentir tels que le bien-être et une meilleure concentration. À long
terme, une population active avec un poids santé pourrait faire diminuer les
coûts du système de santé, notamment en ce qui a trait aux traitements de
maladies cardiovasculaires.
Sur le Campus principal
Après un an et demi de recherche, les résultats préliminaires montrent
que les étudiants universitaires prennent bel et bien du poids pendant leurs
premières années d'études. «Ces résultats dépassent ceux de l'étude
américaine CARDIA, selon laquelle les personnes âgées de 18 à 30 ans ont un
gain de poids de 0,7 kg par année. Reste à savoir si la tendance se
maintiendra et si l'intervention fera une différence sur cette prise de
poids.» Pierre Bérard et Marie-France Hivert souhaitent que des recherches
semblables soient faites sur le Campus principal pour vérifier l'écart des
résultats avec les étudiants d'autres facultés. Leur but est d'offrir le
programme à grande échelle sur les campus afin d'intervenir dans la santé et
les habitudes de vie des étudiantes et étudiants.
Les recherches sont effectuées en collaboration avec les endocrinologues
André Carpentier et Marie-France Langlois ainsi qu'avec Jean-Pierre Cuerrier,
professeur à la Faculté d'éducation physique et sportive.
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Marie-France Hivert, résidente en médecine interne, et Pierre
Bérard, étudiant en kinanthropologie, effectuent des recherches
visant à prévenir l'obésité chez les étudiantes et étudiants
universitaires.
Photo SSF : Roger Lafontaine |