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Liaison, 18 septembre 2003
La rentrée pour s'intégrer
Psychologue
invité : Michel Roy
Q. À quoi correspond la rentrée universitaire dans la vie d'un
étudiant?
R. À mon sens, la rentrée universitaire correspond à un moment
charnière dans la vie d'un jeune adulte. Bien sûr, la rentrée se vit
différemment selon que l'on en soit à notre première ou à notre
troisième rentrée universitaire, en début de baccalauréat ou en début
de maîtrise. Mais la première rentrée dans un cycle universitaire
revêt une importance particulière : c'est le premier pas concret
vers la réalisation de son rêve. C'est aussi l'intronisation dans un
monde nouveau, un cercle plus restreint où tout le monde n'est pas
admis : "Je suis à l'Université. Je suis à la
maîtrise.". La personne ressent souvent une fierté bien légitime.
En même temps, il y a toujours un revers à la médaille, plusieurs
vivent une certaine appréhension face aux défis qui se présentent : il
faudra réussir les épreuves scolaires, persévérer… Quelquefois
aussi, on voudra répondre à certaines attentes, ne pas décevoir car en
plus du désir de l'accomplissement personnel, on sent le regard des
autres, de ceux et celles qui nous envient, qui contribuent à payer nos
études, qui souhaitent notre bonheur...
Q. En quoi la rentrée universitaire diffère-t-elle des
autres rentrées scolaires?
R. Elle en diffère parce qu'elle coïncide, pour les plus jeunes
(la majorité) avec une étape de développement intense : le passage
de l'adolescence à la vie adulte. Il s'agit donc, symboliquement d'une
entrée dans la vie adulte autonome. Les étudiantes et étudiants auront
à faire des apprentissages nécessaires à la construction de leur
autonomie et de leur identité d'adulte en plus des multiples
apprentissages scolaires. Ils feront l'expérience d'une plus grande
liberté : ils peuvent mener leurs affaires à leur guise, sans
rendre compte à d'autres qu'à eux-mêmes. Il leur faudra en contrepartie
assumer une plus grande part de responsabilité (encore le revers de la
médaille) : apprendre à tenir maison, à gérer un budget et plusieurs
autres aspects de leur vie personnelle (alimentation, hygiène…). Il y a
aussi leur vie sociale à reconstruire s'ils arrivent de l'extérieur de
la région. Ce sera l'occasion de faire de nouvelles connaissances, de
développer de nouvelles amitiés. Bref, ils sont dans une période de
changement importante, riche… et troublante.
Q. Quels sont les principaux problèmes que peuvent rencontrer
les étudiants à la rentrée?
R. Un des principaux écueils rencontrés à la rentrée peut
être la solitude, l'isolement. Pour ceux et celles qui ont une certaine
inhabileté à entrer en relation, la période de la rentrée peut être
particulièrement difficile. On voit les vieux amis se retrouver, on
remarque ceux et celles qui savent vite s'intégrer à un groupe… La
rentrée est un temps d'exubérance, de party et l'isolement n'en devient
alors que plus insupportable. On peut aussi faire face à l'ennui. On
vient de quitter son monde familier, sa blonde, des amis et on n'est pas
si tôt arrivé qu'ils nous manquent déjà. Il s'agit là de situations
normales liées à la transition que l'on est en train de vivre. On vit
toujours une forme d'inconfort dans des périodes de transition. Il s'agit
d'une sorte de passage obligé, avant de se sentir à nouveau à l'aise
dans cet univers inconnu qui deviendra, petit à petit, familier. Il peut
arriver aussi que l'on vive une forme de déception par rapport au
programme d'études choisi. On se voyait déjà en arrivant à l'université
vivre son rêve professionnel de façon concrète et l'on se retrouve
encore sur les bancs de l'école avec des cours théoriques. Ce
désenchantement, la plupart du temps temporaire, s'avère difficile pour
certains.
Q. Le rite de l'initiation est-il vraiment important dans le
processus d'intégration?
R. L'initiation est un rituel de passage qui marque le
franchissement d'une étape importante vers un autre état, un autre
statut (passage à l'âge adulte, intégration à un nouveau groupe de
référence…). Pour atteindre ce statut d'initié, il faut réussir
certaines épreuves. Concrètement, l'initiation favorise le contact
humain, d'abord entre les initiés qui partagent les mêmes épreuves. On
se serre les coudes, on devient solidaires dans l'épreuve et, une fois la
tempête passée, on est soulagés, contents et l'on a déjà du vécu en
commun. Ça aide à tisser des liens. Ici, à Sherbrooke, à travers les
épreuves, on sent chez les initiateurs le désir d'aider les
"verts" à se familiariser avec le nouveau milieu de vie :
il y aura des rallies, des fêtes de l'initiation, toutes sortes d'occasions
de prendre le pouls de son milieu de vie et de ses habitants (les
étudiants des années précédentes, les professeurs…). Bien sûr, l'initiation
peut faire peur, et peut amener quelques personnes à s'isoler
davantage : dans ces grandes foires, on ne fait pas toujours dans la
dentelle et la nuance, ce qui fait que certaines personnes plus
vulnérables seront laissées pour compte. Il reste que ce rite de passage
peut faciliter grandement l'intégration des nouveaux pour peu que les
organisateurs soient conscients du potentiel intégrateur de cette
activité.
En collaboration avec Le Service de psychologie et d'orientation |