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Chaire de recherche sur les contextes éducatifs au service des apprentissages et du bien-être

Dans la classe rêvée de madame Marie-France

La professeure Marie-France Nadeau est la nouvelle titulaire de la Chaire de recherche sur les contextes éducatifs au service des apprentissages et du bien-être.
La professeure Marie-France Nadeau est la nouvelle titulaire de la Chaire de recherche sur les contextes éducatifs au service des apprentissages et du bien-être.
Photo : Michel Caron UdeS

Depuis 20 ans, suivant un courant international, le ministère de l’Éducation du Québec souhaite que l’école adopte une approche inclusive où l’ensemble des élèves, dans toute la diversité de leurs caractéristiques et de leurs besoins, peuvent développer leur plein potentiel. Cette tâche peut sembler colossale et épuisante si l’on cherche à individualiser l’enseignement aux élèves avec des besoins particuliers.

Pourtant, ce projet d’une école bienveillante et inclusive, il peut être réaliste et faisable dans la vision de la professeure Marie-France Nadeau, la nouvelle titulaire de la Chaire de recherche sur les contextes éducatifs au service des apprentissages et du bien-être. En partenariat avec le Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke (CSSRS), son premier mandat se déroule jusqu'en 2028.

Pendant plusieurs années, Marie-France Nadeau a travaillé comme psychologue en pédiatrie et en milieu scolaire. Elle se rendait compte que ses tâches n’aidaient pas les enseignantes et les enseignants à soutenir la réussite éducative des élèves puisqu'elle était surtout appelée à faire des évaluations qui serviraient ensuite à poser des diagnostics.

C’est pour cette raison que son doctorat, elle l’a fait en cherchant comment accompagner les enseignants et les enseignantes pour qu’ils accompagnent à leur tour les élèves en classe ordinaire. Et aussi pour vérifier si ces efforts avaient des effets auprès des élèves, au-delà de la médication.

L’une des clés, selon elle, c’est de bien connaitre et comprendre ses élèves afin d'ajuster d'emblée la planification des situations d’apprentissage et de développement pour que chaque enfant trouve des défis à la mesure de ses champs d'intérêt et de ses capacités.

Cela demande une importante réflexion, du temps et un soutien. En réfléchissant l’enseignement de manière proactive, avant que les élèves présentent des défis, en bout de ligne, on favorise la participation et l’engagement de tous les élèves sans niveler par le bas.

On s'éloigne de l'enseignement magistral centré sur l’enseignante ou l’enseignant. Le rôle de “maitre” se transforme, les activités de la classe sont plutôt orchestrées et centrées autour des élèves, avec leurs différences prises dans leur ensemble. Donc je vais prévoir mon enseignement autant pour l'élève qui a des capacités langagières élevées, que pour l'élève qui a des défis d’attention, que pour l'élève qui a des défis avec sa calligraphie, et l’autre qui a des capacités visuospatiales d’exception.

« Le pari de ce courant, c'est que si d'emblée j’enrichis mes situations d'apprentissage, que je propose des choix, des méthodes ou des modalités par projet ou en fonction de différentes variables comme les goûts, intérêts, rythmes d’apprentissage des élèves, je devrais gagner du temps où je n’individualiserai pas mon enseignement. Et je vais nécessairement prévenir des défis pour d'autres enfants. Mais je suis consciente que c’est beaucoup de travail, et que ça prend des conditions facilitantes pour y arriver », ajoute-t-elle, réaliste.

L'éducation inclusive propose d'emblée des situations d'apprentissage riches qui comportent des choix, des méthodes et des modalités en fonction des intérêts des élèves.
L'éducation inclusive propose d'emblée des situations d'apprentissage riches qui comportent des choix, des méthodes et des modalités en fonction des intérêts des élèves.
Photo : UdeS

Marie-France Nadeau dit comprendre la complexité de l’enseignement. Son but est justement de cerner les conditions facilitantes pour les enseignants et les enseignantes. Par exemple, quels sont les types de soutien qui fonctionnent? Comment organiser et structurer les services pour soutenir les enseignants et les enseignantes dans leur appropriation de pratiques dites différenciées? Comment les soutenir dans leur raisonnement pour faciliter leur planification?

Au-delà des diagnostics, un changement de paradigme

Pour que tous les enfants s'engagent dans les situations de développement ou d'apprentissage proposées, la professeure Nadeau croit qu'on doit savoir bien identifier leurs besoins et se distancier de la croyance que l’étiquette ou le diagnostic va tout régler.

Traditionnellement, à partir d’un diagnostic, on intervenait de façon particulière, ce qui demande des ajouts à son enseignement. L’éducation inclusive ne demande pas de faire cette individualisation des interventions et des contextes d’apprentissage. La réflexion englobe d’entrée de jeu la diversité des élèves et de leurs défis, même ceux qui ne sont pas encore connus.

Dans mon activité d'univers social, par exemple, comment vais-je m'assurer que les enfants qui ont plus de défis en lecture participent? Selon une approche médicale, on pourrait le réfléchir en termes d’enfants qui présentent un trouble de déficit d'attention avec ou sans hyperactivité ou un trouble du spectre de l'autisme. Mais l'idée, c'est plutôt de se demander quelles sont les capacités et les besoins de mes élèves pour pouvoir davantage s’attarder aux stratégies qui vont soutenir l'intérêt et la curiosité de tous les élèves, indépendamment de leurs besoins particuliers.

En éducation inclusive, on s'assure que tous les élèves se sentent capables de faire les tâches demandées, sans pour autant individualiser son enseignement.
En éducation inclusive, on s'assure que tous les élèves se sentent capables de faire les tâches demandées, sans pour autant individualiser son enseignement.
Photo : UdeS

Il s’agit donc de laisser de côté l’approche médicale, les symptômes, par exemple le déficit d'attention. « Dans les faits, tous les enfants qui ont un déficit d'attention n’ont pas des capacités identiques. Certains vont présenter des forces et d’autres vont développer des défis sur le plan de la socialisation, qui vont être soutenus ou exacerbés parce que la situation d’apprentissage ne répond pas à leur besoin de bouger. »

Pour Marie-France Nadeau, c’est un changement de paradigme :

En éducation inclusive, plutôt que de voir que la moitié de ma classe a des diagnostics, on veut plutôt amener à voir que, dans ma classe, j'ai des enfants qui ont besoin de bouger plus que les autres et j'ai des enfants qui ont davantage besoin de saisir le sens dans un texte. Comment, dans ma situation d'apprentissage, je vais m'assurer que ces enfants se sentent en contrôle, capables de faire la tâche, qu’ils comprennent pourquoi ils la font et que ça ait du sens pour eux, pour les engager.

La professeure Nadeau donne l’exemple de l’enseignant qui fait face aux troubles de comportement d’un élève, qui ne s'engage pas, se désorganise, peut même frapper les autres élèves. « Les pratiques à mettre en place sont alors davantage que des pratiques de gestion de classe. Elles renvoient aussi aux dispositifs didactiques qui soutiennent les processus d’apprentissage des élèves, aux modalités d’évaluation incluant les boucles de rétroaction, aux modalités de regroupement des situations d’apprentissage, qui vont répondre aux besoins de plusieurs élèves, dont ceux qui n’ont pas des comportements extériorisés mais ne sont pas plus engagés. »

La classe comme la société

À partir des valeurs clés de l'éducation inclusive d’équité et de justice sociale, on retrouve des concepts qui recoupent ceux de la théorie de l’autodétermination, qui est reconnue pour favoriser la motivation. L'idée ici, c'est que la classe soutienne les besoins d'appartenance, ainsi que les besoins d’autonomie et de compétence.

Quand on compare la classe à une société, on amène les élèves à valoriser les différences mais aussi les similitudes; on sensibilise au fait qu’au-delà de notre unicité qui fait que nous sommes tous différents, nous sommes aussi tous semblables. Nous avons des forces, des défis et nous devons tous apprendre à les surmonter. Comment, comme enseignante, je vais valoriser la diversité, les comportements d'entraide ou la reconnaissance du besoin de l'autre plutôt que de le dénigrer.

Une chaire axée sur le soutien et l’accompagnement des écoles

En somme, ce dont rêve Marie-France Nadeau, c’est que tout le monde puisse se sentir bien à l'intérieur de la classe et en sécurité, ce qui inclut évidemment les enseignantes et les enseignants eux-mêmes, qui peuvent être oubliés dans ce projet d’éducation inclusive.

Mais comment soutenir les écoles de façon pérenne pour qu’elles puissent s'approprier ces pratiques d’inclusion et les garder vivantes? En concertation avec le Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke, la nouvelle chaire tablera d’abord sur les besoins de développement professionnel pour tous ses acteurs, en matière de pratiques favorables à l’éducation inclusive.

À partir de ce portrait, des priorités seront établies en vue de soutenir les écoles, dans le respect des communautés de pratiques déjà établies. Sans prétendre tout réinventer, la chaire fera la recension de ce qui fonctionne bien et proposera des bonifications ou des solutions pour bien vivre l'éducation inclusive, en fonction des ressources financières et humaines disponibles. Car pour mettre en œuvre des pratiques dites efficaces à partir de données probantes, il faut ensuite savoir les transférer dans les milieux de manière fidèle.

Les travaux de la chaire alimentent les approches de formation des maitres, comme le nouveau parcours professionnalisant du baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire.
Les travaux de la chaire alimentent les approches de formation des maitres, comme le nouveau parcours professionnalisant du baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire.
Photo : Michel Caron UdeS

Les travaux de la chaire alimentent aussi les approches en formation initiale des maitres, puisque l’éducation inclusive fait partie des cadres ministériels. La professeure Nadeau collabore d’ailleurs au nouveau parcours professionnalisant du baccalauréat en enseignement au préscolaire et au primaire. À partir de situations professionnelles qu’on retrouve dans la pratique enseignante, l’idée est d’amener les personnes étudiantes à présenter des situations d’apprentissage et d’évaluation qui miseront sur la participation et la réussite du plus grand nombre d’élèves. Par exemple, prévoir que les élèves puissent effectuer des productions variées, où ils peuvent choisir à partir de leurs habiletés, préférences, intérêts, comme opter pour une production orale, écrite ou artistique, s'enregistrer sur une vidéo…

Une chaire de recherche qui se transforme
La collaboration de recherche avec le milieu éducatif de Sherbrooke n’est pas nouvelle. La chaire de recherche initiale existe depuis 2007 sous le nom de Chaire de recherche de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke sur la réussite et la persévérance des élèves, laquelle a été renouvelée pour un deuxième et un troisième mandat sous le nom de Chaire de recherche de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke sur l’engagement, l’intégration et la réussite des élèves. Les travaux du mandat 2023-2028 s’inscrivent dans la continuité des résultats obtenus antérieurement et s’actualisent aux connaissances scientifiques et au contexte éducatif québécois.

Un travail de collaboration
Pour ses recherches, la professeure Marie-France Nadeau collabore avec le Groupe de recherche et d'interventions sur les adaptations sociales de l'enfance (GRISE) de l'Université de Sherbrooke, avec l'Unité mixte de recherche Synergia de l'Université Laval, le Laboratoire de recherche et d'intervention sur les difficultés d'adaptation psychosociale à l'école (LaRIDAPE) de l'Université du Québec à Trois-Rivières et le Collectif d.phi.


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