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Les renforcements positifs, pas toujours positifs

Par Élisa De La Fontaine, étudiante à la maîtrise en sciences de l'activité physique

Pourquoi certaines mémoires restent-elles ancrées, mais pas d’autres? Il a été montré que la présence de stratégies de renforcement, telles que les récompenses et les punitions, améliorait l’apprentissage, qu’il soit déclaratif1 (comme apprendre une liste de mots) ou moteur2. Contrairement aux punitions, les récompenses sont agréables à recevoir. Le petit sentiment de joie qui les accompagne est suscité par la dopamine, surnommée « l’hormone du bonheur ». La dopamine agit comme messager pour transporter l’information qui circule dans notre cerveau3. Lorsqu’elle est libérée, elle favorise la persistance de la mémoire des mouvements4, c’est-à-dire : la capacité à maintenir l’exécution d’un mouvement spécifique dans le temps5.

Bien que l’effet positif des récompenses dans la mémorisation d’un comportement moteur soit bien établi, l’effet des punitions est plus nébuleux6. En effet, les punitions génèrent des contextes négatifs et sont associées à une augmentation du stress7. Toutefois, l’issue d’un contexte négatif peut s’avérer positive, notamment lors de l’évitement des punitions. En effet, la dopamine est aussi soupçonnée d’être libérée dans une telle situation4. La question est donc : lors d’un apprentissage moteur, est-ce que l’évitement des punitions produit les mêmes effets bénéfiques sur la mémoire que les récompenses?

Pour le savoir, l’équipe de recherche du laboratoire d’Apprentissage et de Contrôle Moteur de l’Université de Sherbrooke a exposé des participants à trois contextes d’apprentissage (Figure 1A). Le premier contexte permettait d’accumuler de l’argent si la cible était atteinte (Récompense). Dans l’autre, les participants perdaient de l’argent si la cible était manquée (Punition). Enfin, une condition Neutre permettait la comparaison entre les contextes. Le taux de réussite était équivalent dans les trois contextes. Dans chaque contexte, les participants devaient déplacer un curseur vers des cibles, affichées sur un écran (Figure 1B). À leur insu, la position du curseur était progressivement déviée par rapport à la position réelle de leur main. Puisque leur bras était camouflé, les participants demeuraient convaincus qu’ils effectuaient le mouvement observé. Toutefois, à la fin de l’expérience, leur main était déviée à 20° à droite de la cible (Figure 1C). La mémoire du mouvement était quantifiée par la persistance dans le temps du mouvement dévié, lorsque la vision du curseur était retirée (Figure 1D). Plus la main reste déviée (°) et plus la mémoire persiste.

Ni les récompenses ni l’évitement des punitions n’ont produit d’effet positif sur la mémoire. Au contraire, ces deux contextes démontrent une moins grande persistance du mouvement dévié par rapport à l’absence d’un renforcement. Cela remet en cause l’effet uniquement bénéfique de ces types de renforcements. En effet, ce type d’apprentissage a lieu à l’insu des participants, de façon automatique et inconsciente8. Habituellement, les renforcements ont des effets positifs dans les contextes où les participants sont informés de la déviation visuelle et utilisent des stratégies cognitives pour la contrer 2,7. Les résultats de la présente étude, quoique surprenants, offrent une avenue intéressante. Il serait important de considérer le type d’apprentissage. Si le comportement moteur visé implique principalement des processus automatiques, la présence d’un renforcement, même positif, serait contreproductive à la mémoire.

En somme, les résultats de cette étude apportent un avertissement. La présomption que les renforcements positifs sont uniquement bénéfiques pourrait nuire à l’efficacité des interventions cliniques. La mémoire des mouvements est essentielle au maintien de l’autonomie dans les activités quotidiennes et à la réadaptation physique9. Les études cliniques utilisant des techniques de renforcement pour promouvoir la réadaptation doivent s’assurer de ne pas créer un contexte négatif à l’apprentissage et à la mémoire des mouvements. Il faut donc être prudent, car la présence et les effets bénéfiques de « l’hormone du bonheur » ne sont pas garantis.

Références bibliographiques

1. Miendlarzewska, E. A., Bavelier, D. & Schwartz, S. Influence of reward motivation on human
declarative memory. Neurosci. Biobehav. Rev. 61, 156–176 (2016).
2. Chen, X., Holland, P. & Galea, J. M. The effects of reward and punishment on motor skill learning.
Curr. Opin. Behav. Sci. 20, 83–88 (2018).
3. Klein, M. O. et al. Dopamine: Functions, Signaling, and Association with Neurological Diseases.
Cell. Mol. Neurobiol. 39, 31–59 (2019).
4. Hu, H. Reward and Aversion. Annu. Rev. Neurosci. 39, 297–324 (2016).
5. Krakauer, J. W. & Shadmehr, R. CONSOLIDATION OF MOTOR MEMORY. Trends Neurosci. 29,
58–64 (2006).
6. Hamel, R., De La Fontaine, É., Lepage, J. F. & Bernier, P. M. Punishments and rewards both
modestly impair visuomotor memory retention. Neurobiol. Learn. Mem. 185, 107532 (2021).
7. Galea, J. M., Mallia, E., Rothwell, J. & Diedrichsen, J. The dissociable effects of punishment and
reward on motor learning. Nat. Neurosci. 18, 597–602 (2015).
8. Kim, H. E., Parvin, D. E. & Ivry, R. B. The influence of task outcome on implicit motor learning.
eLife 8, (2019).
9. Krakauer, J. W., Hadjiosif, A. M., Xu, J., Wong, A. L. & Haith, A. M. Motor Learning. Compr.
Physiol. 9, 613–663 (2019).