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Publication dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) of the United States of America

Un projet de maîtrise qui pourrait régler un des plus importants problèmes de la physique

Photo : Krantz NanoArt

La publication diffusée récemment dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) of the United States of America tire son origine d’un projet de maîtrise risqué et se termine par ce qui pourrait être finalement la clé d’un des problèmes les plus importants de la physique, celui du mécanisme de la supraconductivité dans les supraconducteurs à haute température.

Nicolas Kowalski est arrivé de Paris en avril 2019 par un temps glacial et enneigé. Il s’est attaqué à expliquer l’observation expérimentale d’une corrélation entre la température maximale, à laquelle les supraconducteurs formés d’oxyde de cuivre deviennent supraconducteurs, et la probabilité que les électrons soient sur les oxygènes plutôt que sur les cuivres. Le projet était risqué parce qu’il reposait sur la modification et l’utilisation d’un programme développé par Patrick Sémon, lorsqu’il était à Sherbrooke, reposant sur une méthodologie différente de celles qu’on retrouve dans les livres de physique du solide. Cette méthodologie cause parfois des surprises puisqu’elle se heurte à des temps de calcul énormes dans certaines gammes de paramètres microscopiques.

Les simulations de Nicolas ont finalement retrouvé la corrélation mentionnée ci-haut. Cependant, le domaine de paramètres accessible aux calculs ne correspondait pas exactement à celui qui caractérise théoriquement les supraconducteurs à oxyde de cuivre.

« Nous avons utilisé une méthode dite de Monte Carlo Quantique en temps continu. Cette méthode nous permet d’accéder aux propriétés des matériaux à une température non nulle mais amène quelques désagréments. L’un d’eux, que l’on appelle le problème de signe, vient du fait que ce type d’algorithme a tendance à être moins précis, notamment à basse température et proche de transitions de phase du matériau. Dans certaines régions de paramètres – et notamment dans celle correspondant aux matériaux réels – pour accéder à une précision suffisante et avoir des résultats exploitables, il faudrait faire tourner le programme de simulation pendant un temps beaucoup trop long. Pour pallier ce problème, nous avons choisi des paramètres microscopiques qui correspondaient à une vision idéalisée de la structure des oxydes de cuivre et nous permettaient de nous affranchir de ce problème de signe », soutient Nicolas.

C’est là que se sont joints à l’équipe Sidhartha Dash et son directeur de thèse, David Sénéchal. L’approche développée par David Sénéchal permet de jauger la force de la supraconductivité à température nulle, ce qui est une bonne mesure de la température de transition. Cette approche s’applique dans toute la gamme de paramètres microscopiques.

« Nous avons constaté que la probabilité d’occupation des électrons dans les orbitales de l’oxygène est entièrement contrôlée par l’énergie requise pour ajouter un deuxième électron dans les orbitales du cuivre. Cette énergie détermine également l’interaction effective de super-échange entre les orbitales du cuivre, qui est reconnu pour jouer un rôle dans le contrôle de la température de transition. Nous avons également vérifié que ce super-échange contrôle la force supraconductrice dans nos calculs. Ainsi, nous avons découvert qu’en fin de compte, ce super-échange est à l’origine de la corrélation observée entre l’occupation des électrons dans les orbitales de l’oxygène et la température de transition. », explique Sidharta.

L’approche de David Sénéchal a donné des résultats cohérents avec ceux de Nicolas et a permis d’explorer la gamme de paramètres plus physiques. Cette approche a de plus permis de démontrer une autre corrélation observée expérimentalement entre la force de la supraconductivité et l’énergie nécessaire pour ajouter un deuxième électron sur le cuivre. Et surtout, elle a permis de montrer les raisons physiques qui font que cette corrélation et la précédente sont toujours reliées.

Il restait toutefois un mystère : la force de la supraconductivité dépendait de la force de la liaison chimique entre le cuivre et l’oxygène (la covalence). Or, cette covalence est un élément important qui détermine la valeur de l’interaction dite de superéchange qui, à son tour, grâce à des expériences de diffusion neutronique, avait été trouvée déterminante pour la valeur de la température de transition supraconductrice. Les calculs ont donc confirmé le rôle déterminant de la covalence.

Ainsi, trois expériences apparemment distinctes concernant la température de transition supraconductrice maximale se trouvent reliées et expliquées dans Oxygen hole content, charge-transfer gap, covalency, and cuprate superconductivity. La force du lien covalent entre cuivre et oxygène est donc un des éléments importants qui explique pourquoi le cuivre est le seul métal de transition menant à de la supraconductivité à haute température. Cette compréhension du mécanisme menant à la supraconductivité à haute température ouvre la voie à la conception de nouveaux matériaux ayant des températures de transition encore plus élevées. Le jeu en valait la chandelle et, grâce à cette collaboration entre membres de l’IQ, une bonne partie du voile sur le mystère est levée.

Description de l’illustration

Dans le réseau infini quasi bidimensionnel du haut, les atomes sont représentés par des sphères et des bâtons. Dans la méthode de champ moyen dynamique sur réseau, l’amas au bas de la figure est résolu de façon auto-cohérente avec le réseau infini. Les orbitales dont on tient compte apparaissent sur cet amas. Aux coins, les orbitales d du cuivre et, sur les liens, les orbitales p des oxygènes. La fonction d’onde des électrons a une grande amplitude dans ces orbitales lorsqu’il y a une forte répulsion sur les cuivres. Ainsi, les oxygènes deviennent des témoins qui nous renseignent sur la force des interactions et sur l’origine ultime du mécanisme d’appariement menant à la supraconductivité.

 

 

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