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8 décembre 2021 Jessica Blakeney
Une première dans la correction d’erreur quantique

Un code de surface testé expérimentalement

Photo en fausses couleurs du dispositif réalisant le code de surface avec 17 qubits supraconducteurs (en jaune).

Photo : ETH Zurich

Quarante ans après la conférence de Richard Feynman Simulating Physics with Computers, la course vers l’ordinateur quantique est bien entamée.

Alexandre Blais, directeur scientifique de l’Institut quantique (IQ) et professeur au Département de physique de l’Université de Sherbrooke, et son groupe ont pour objectif d’améliorer chacune des composantes de cette technologie majeure basée sur des circuits supraconducteurs. En 2004, le Pr Blais, Steven Girvin, Rob Schoelkopf et Andreas Wallraff ont proposé une architecture permettant d’envisager la réalisation d’un ordinateur quantique. Cette approche est aujourd’hui développée par un nombre toujours grandissant de groupes de recherche universitaire et de compagnies dont Google, IBM, Amazon et l’IQ.

Malgré les avancées accomplies jusqu’à maintenant, un défi de taille se dresse : en raison de la fragilité des effets quantiques, les ordinateurs quantiques ont tendance à faire beaucoup plus d’erreurs que nos ordinateurs actuels. Ceux et celles qui œuvrent dans le domaine conviennent que les codes de correction d’erreur sont le prochain obstacle à surmonter pour assurer la fiabilité de ces nouveaux ordinateurs.  Avec leurs collègues de l’ETH Zürich dirigé par le Pr Andreas Wallraff, le groupe du Pr Blais, incluant Élie Genois, Catherine Leroux et Agustin Di Paolo, s’est attaqué au problème, et les résultats de leurs travaux sont consignés dans un article intitulé Realizing Repeated Quantum Error Correction in a Distance-Three Surface Code, texte qui parait aujourd’hui en ligne.

Une étape significative vers la réalisation de l’ordinateur quantique

« Des premiers pas avaient été faits par la communauté, l’étape que nous franchissons maintenant est significative, soit la réalisation de plusieurs rondes de correction d’un code de surface qui est considéré comme étant le plus prometteur des codes correcteurs d’erreurs. C’est la première fois qu’on réussit à implémenter au laboratoire ces principes théoriques sur un ordinateur quantique basé sur les supraconducteurs », explique le Pr Blais.

Le code de surface est un code de correction d’erreur qui utilise des caractéristiques topologiques d’un réseau de qubits pour protéger des erreurs. Utilisant un circuit supraconducteur composé de 17 qubits physiques, l’équipe a encodé de l’information quantique sur le dispositif et appliqué jusqu’à 16 rondes de correction d’erreurs.

L’équipe du Pr Blais a travaillé de concert avec le groupe d’Andreas Wallraff de l’ETH Zürich pour atteindre ces résultats. Le groupe suisse a réalisé l’expérience tandis que le groupe de théoriciens de l’IQ a validé les résultats expérimentaux à l’aide de simulations numériques détaillées de l’expérience.

Élie Genois, doctorant dans le groupe du Pr Blais, explique les défis de leur approche : « Simuler un système quantique de cette taille est un défi majeur. Il a donc fallu construire un modèle qui est en mesure de donner des résultats raisonnables en utilisant des ressources numériques de calcul qui sont elles aussi raisonnables. Pour modéliser les qubits, on a mis en place un modèle numérique qui nous permet de les simuler efficacement. Cette méthode fournit beaucoup d’information sur comment le code correcteur devrait se comporter et nous permet de vérifier si l’on est en mesure de comprendre ce qui se passe dans l’expérience. »

L’excellent accord entre la simulation numérique du code de surface et l’expérience permet d’utiliser ces simulations afin d’identifier les éléments qui peuvent être raffinés : « On cherche maintenant à améliorer les opérations et obtenir une meilleure mesure et un contrôle plus précis des qubits, puisque ça mènera à une correction d’erreur encore plus performante, ce qui est déterminant puisqu’un ordinateur quantique fiable dépend de la qualité des qubits physiques », ajoute le doctorant.

Les prochaines étapes

Maintenant que les modèles théoriques et expérimentaux sont validés, un chemin plus clair se dessine pour les prochaines étapes : « Nous ne sommes pas encore rendus au point où on peut simplement mettre à l’échelle cette architecture, il reste encore de la recherche à faire. Toutefois, ce modèle nous guide vers les prochaines décisions expérimentales et permet de voir où il faut investir pour obtenir le gain le plus important », conclut le Pr Blais.

Des décennies de développement ont été nécessaires pour la commercialisation de l’ordinateur classique. Le Pr Blais rappelle que les résultats présentés dans cette étude constituent une étape de plus  menant vers l’ordinateur quantique : « L’ordinateur quantique n’est pas pour demain et il reste encore beaucoup de travail à faire, et chaque étape franchie nous rapproche de l’objectif. La réalisation de ce code de surface était un passage obligé pour le domaine », précise le détenteur de la médaille Rutherford de la Société Royale du Canada en reconnaissance de ses réalisations.

Ce développement s’inscrit dans une ligne du temps tout à fait naturelle : des défis en recherche fondamentale doivent être résolus, l’ensemble des composantes doivent être améliorées, puis il faut savoir les opérer. Voilà autant de défis à relever pour les scientifiques de l’IQ.

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