Nouvelles

Soutenance de thèse : Un vendredi 13 qui porte chance pour Patrick Harvey-Collard

Le parapente est un des sports pratiqué
par Patrick au Nouveau-Mexique.

Photo : Patrick Harvey-Collard

Contrairement à la croyance populaire, le vendredi 13 a porté chance à Patrick Harvey-Collard. Le 13 avril dernier, il soutenait sa thèse devant ses pairs à l’Université de Sherbrooke. C’est un Patrick confiant et positif qui s’envolait vers Sherbrooke pour cette occasion : « Je suis positif par rapport à ma soutenance de thèse. Je vais profiter du voyage pour voir des amis, ma famille et jaser avec les gens de l’Université de Sherbrooke. »

De Magog à Albuquerque 

Passionné de plein air et de grands espaces, le Magogois d’origine se dirige vers le Nouveau-Mexique en 2013 pour réaliser sa recherche de doctorat au Sandia National Laboratories, tout en étant étudiant à l’Université de Sherbrooke sous la direction du professeur Michel Pioro-Ladrière : « Comme Sandia n’offre pas de diplômes, les étudiants doivent absolument être parrainés par une université afin d’assurer les exigences académiques. C’est ça notre partenariat, eux s’occupent de tout ce qui est la partie recherche : installations, dispositifs, la plupart des ressources de laboratoires. Le directeur de thèse, lui, permet des discussions scientifiques pour diriger la recherche et savoir comment résoudre certains problèmes. Il s’assure que mon projet de recherche est valide du point de vue des critères de l’université. » Patrick ajoute : « À Sandia, je suis supervisé par Malcolm Carroll. Avoir deux superviseurs, ça peut être beaucoup de rétroaction. L’avantage, c’est d’apprendre plus et de combiner différentes expertises. Le professeur Pioro-Ladrière nous a aidé à avoir du détachement sur notre recherche et à en maximiser l’impact. »

« C’est le professeur Pioro-Ladrière qui m’a mis en lien avec Sandia National Labs quand j’ai terminé ma maîtrise. Il connaissait mon superviseur à cet endroit et ils avaient discuté quelques fois de la possibilité de collaborer ensemble. Moi et une autre étudiante, on était vraiment dans les premiers à formaliser cette collaboration. Ils ont aussi envoyé des puces électroniques à Sherbrooke pour que les étudiants du groupe de mon directeur de thèse puissent travailler dessus. Pendant toutes ces années, il y a eu deux types de collaborations assez fortes. »

Comme le rappelle le PrPioro-Ladrière, le partenariat entre les deux institutions revêt une grande importance : « La thèse de Patrick démontre la force de la collaboration en recherche. D’une part, il est vraiment formidable de pouvoir compter sur le Sandia National Laboratories pour la fabrication des qubits semi-conducteurs étudiés à l’Institut quantique. D’autre part, le Sandia National Laboratories bénéficie de la concentration d’expertise exceptionnelle de l’Institut quantique, ainsi que d’étudiantes et étudiants de très haut calibre comme Patrick. »

Des nouveaux qubits de spin 

Les travaux de recherche doctorale de Patrick portent sur la lecture du spin, le couplage cohérent entre une boîte quantique et un donneur et finalement l’étude des effets spins-orbites dans les boîtes quantiques en silicium. Ses recherches ont permis de démontrer expérimentalement deux nouvelles façons de contrôler, et une de lire, des qubits de spin. Le silicium est le matériau semi-conducteur utilisé dans la fabrication des processeurs et autres dispositifs électroniques modernes.

Il y a plusieurs façons d’encoder de l’information dans des spins à l’intérieur de semi-conducteurs. La meilleure façon d’encoder l’information est avec le spin nucléaire d’un donneur. « Un donneur, c’est essentiellement un atome différent qui possède un électron d’extra qu’on peut utiliser pour interagir avec le spin du noyau atomique. » Les spins nucléaires sont les meilleurs qubits à l’état solide en termes de fiabilité. Les taux d’erreurs sont extrêmement bas. Comme ce sont des systèmes atomiques, il est en revanche difficile de les coupler entre eux directement. Ceci requiert un niveau de fabrication et de précision presque atomique, ce qui est un défi majeur. Les chercheurs sont maintenant en mesure d’en faire un, mais ils ne sont pas en mesure d’en faire deux ou trois positionnés les uns à côté des autres et de les faire communiquer ensemble. Un objectif de Patrick était de coupler un donneur à une boîte quantique, dans le but ultime de pouvoir coupler les spins nucléaires de donneurs entre eux dans un ordinateur quantique. Ce qui lui a entre autres permis de publier un papier dans Nature Communications qui s’intitule : Couplage cohérent entre une boîte quantique et un donneur dans le silicium.

« Cet article, c’est mon chef d’œuvre, si on veut. C’est la première étape d’un grand système, qu’on peut utiliser pour faire un ordinateur quantique. On montre que le système hybride entre la boîte quantique et le donneur forme en lui-même un qubit qui est entraîné par certaines interactions, mais c’est aussi, dans une plus grande vision des choses, un moyen de contrôler l’interaction avec ces spins nucléaires sans avoir de fabrication atomiquement précise. On est capable de compenser l’incertitude de positionnement du donneur avec la boîte quantique. C’est la première fois que quelqu’un faisait électriquement du contrôle quantique cohérent entre un donneur et un objet externe au donneur. »

Le chemin parcouru tout au long de sa recherche lui a permis de se buter à des difficultés qui se sont rapidement transformées en opportunités : « J’ai développé une technique de lecture du spin qui avait été proposée par le passé et je l’ai amenée à un nouveau supérieur. J’ai montré qu’on pouvait atteindre des performances inégalées. Présentement, c’est nous qui avons le record de l’état de l’art pour les plus bas taux d’erreurs dans la lecture du spin. C’est une méthode de lecture qui s’applique à une grande famille de qubits de spin et qui est, selon moi, l’avenir dans le domaine. La preuve, c’est que les meilleurs groupes au monde ont commencé à l’utiliser. »

Par la suite, il a travaillé pendant environ un an sur des interactions spins-orbites dans les boîtes quantiques. Une partie de ses travaux un peu moins connue à Sherbrooke.

Son plus grand défi? « Je te dirais que mon doctorat s’est bien passé. L’important, c’est de fixer des buts intermédiaires qui sont en chemin vers le but ultime. Ma méthode de lecture du spin en est un exemple. » Il ajoute : « D’une certaine façon, notre but c’est de découvrir les règles. On n’écrit pas les règles de la physique et de la nature, on fait juste les découvrir. Il y a une raison fondamentale qui fait que ça fonctionne ou non. Nous, on doit surmonter les obstacles techniques grâce à notre créativité, et bien choisir nos combats. »

Un futur prometteur

Sa philosophie est qu’en tant que physicien et scientifique, il doit considérer le monde comme son terrain de jeu : « Essentiellement, j’aimerais me trouver un poste de chercheur ou d’enseignant dans une institution ou dans une grande entreprise. Ça dépend des opportunités qui vont s’offrir à moi. J’ai l’intention de choisir un endroit qui a un bon équilibre entre la recherche et le milieu de vie offert. Ce qui est difficile dans ce domaine, c’est que la science à haut niveau est internationale. Il y a des offres et des opportunités, mais pour ça il faut considérer la planète dans son ensemble. »

Patrick troquera les États-Unis pour les Pays-Bas au mois de juillet 2018. Il réalisera un post-doctorat à l’Université de technologie de Delft. Toujours dans le domaine de l’informatique quantique, son sujet de recherche portera essentiellement sur les qubits de spins couplés à des résonateurs supraconducteurs. Il va ainsi pouvoir développer une expertise différente et ajouter une corde à son arc. « L’Institut quantique a déjà collaboré avec ce groupe sur ce projet! » Après presque cinq ans à avoir vécu à Albuquerque, joyau inexploré pour les sports de plein air selon lui, il est nostalgique et peut définitivement affirmer que cette ville est devenue un port d’attache.

Restez connectés