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Photons micro-ondes, mesure et informatique quantique
Baptiste Royer
Photo : IQLe 7 juin dernier, à la Faculté des sciences, le physicien sherbrookois Baptiste Royer s’est présenté devant le jury pour soutenir sa thèse portant sur les photons micro-ondes, la mesure et l’informatique quantique. Les circuits supraconducteurs constituent une architecture prometteuse pour la réalisation d’un ordinateur quantique universel. Cependant, avant qu’un tel ordinateur ne voie le jour, plusieurs obstacles doivent être surmontés autant d’un point de vue matériel que logiciel.
Lors de son passage accéléré de la maîtrise au doctorat en physique, Baptiste amorce rapidement sa recherche pour trouver un sujet pertinent et intéressant pour la préparation de sa thèse. Comme premier projet, l’étudiant se lance dans des travaux s’inspirant d’une thèse déposée en 2015 par M. Kevin Lalumière, toujours en gardant l’esprit ouvert et en adoptant une approche de recherche exploratoire. Bien que les efforts de recherche soient au rendez-vous, les résultats ne produisent pas de conclusions intéressantes et il décide plutôt de se concentrer sur les portes à deux qubits. Toujours en utilisant les mêmes outils et les mêmes concepts de base, il constate qu’il est possible d’appliquer l’outil utilisé pour créer la porte à deux qubits dans un autre contexte, soit la détection de photons micro-ondes uniques. D’ailleurs, l’élaboration de ce détecteur de photons uniques a mené à une publication dans Physical Review Letters , qui a valu à Baptiste le prix relève étoile Louis-Berlinguet du FRQNT en mars dernier.
Les défis de la détection de photons uniques
Au travers de la recherche de Baptiste et de ses collaborateurs, deux méthodes ont été proposées afin de réaliser un détecteur de photons uniques à grande efficacité quantique. La première de ces méthodes, mentionnée précédemment, se base sur un ensemble de qubits supraconducteurs. En travaillant en collaboration avec Arne Grimsmo, ancien stagiaire postdoctoral dans le groupe d’Alexandre Blais, Baptiste découvre que l’idée à l’origine de ce projet ne fonctionne pas nécessairement due à certaines limitations fondamentales de la mesure en mécanique quantique. Le plus grand défi de cette portion de la recherche a été de persévérer dans la quête de solutions au problème.
Ensuite, à titre de deuxième méthode proposée, Arne et Baptiste fondent leur idée sur un méta-matériau quantique. Alors que le détecteur proposé par Baptiste fonctionne sur une bande plutôt étroite, celui proposé par Arne, plus complexe, opérerait sur une bande plus large de fréquence.
L’information quantique et la mesure de parité
L’idée de développer une mesure de parité est survenue lors d’une séance de travail avec Shruti Puri, ancienne stagiaire postdoctorale dans le groupe d’Alexandre Blais. Cette mesure est une opération essentielle pour faire la correction d’erreur dans l’ordinateur quantique. La collaboration entre Shruti et Baptiste a mené à une publication dans la revue Science Advances en décembre 2018, où ils proposent une méthode expérimentalement compacte pour réaliser une mesure de parité.
Le chapitre final
En guise de dernier chapitre de sa thèse, Baptiste étaye son travail dans un rôle de support théorique pour le groupe d’Andreas Wallraff à l’ETH Zürich. Concrètement, ce rôle consistait à investiguer certains concepts moins compris et à réaliser des simulations numériques afin d’identifier la provenance des erreurs expérimentales.
Cette collaboration entraîne par la suite une publication dans la revue Nature. Cette étude démontre un transfert d’état quantique entre deux qubits supraconducteurs situés sur deux échantillons différents et séparés par un mètre de câble. Grâce à ce dispositif, il est donc possible d’utiliser des photons micro-ondes uniques pour créer de l’intrication à distance, posant les bases d’un futur internet quantique.
Introspection sur l’expérience doctorale
Compte tenu de la multitude de projets dans lesquels il est engagé, Baptiste accorde une importance bien relative à l’obtention de son doctorat : « J’ai tellement d’autres projets intéressants en cours qu’il m’est difficile de faire le tri dans lesquels j’investis mon temps. Pour moi, ma thèse ne représente pas une fin, mais plus une continuation de mes efforts de recherche. ». À ses yeux, le principal défi de son expérience au doctorat a été de faire preuve d’acharnement, de persévérance à plusieurs moments durant ses études, surtout dans le cadre de ses recherches portant sur la détection de photons.
Toutes les collaborations qui ont jalonné le parcours de Baptiste ne semblent pas surprendre son directeur Alexandre Blais, pour qui : « Baptiste n’est pas seulement un chercheur brillant avec une intuition physique remarquable, mais c’est aussi quelqu’un avec lequel il est vraiment très agréable de travailler. »
Quant à l’avenir, le physicien poursuivra son cheminement au postdoctorat à l’Université Yale aux côtés de Shruti Puri, dans l’équipe des professeurs Steve Girvin et Liang Jiang. Il aura donc l’occasion d’explorer tous ces sujets qui le passionnent. Bonne chance !