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6 octobre 2016 Institut quantique
Recherche en matériaux quantiques

Épatée, la Fondation Moore appuie un projet de l’Institut quantique

Les physiciens Nicolas Doiron-Leyraud, Louis Taillefer and Sven Badoux

Photo : Michel Caron

Une équipe de l’Institut quantique a fait tomber un pan majeur du mystère de la supraconductivité à haute température. Cette découverte du physicien Louis Taillefer et de ses collaborateurs a retenu l’attention de la Fondation Moore, prestigieuse organisation qui décide de sauter dans l’aventure et de financer la suite de leurs recherches. 

Gordon E. Moore est le cofondateur de la compagnie d’informatique Intel, mais il est davantage connu pour avoir formulé une prédiction désormais célèbre, la Loi de Moore. Dès 1965, le scientifique postule que le nombre de transistors par circuit de même taille va doubler tous les 18 mois. Une hypothèse qui s’est révélée étonnamment exacte jusqu’à aujourd’hui. Depuis 2000, la Fondation Gordon et Betty Moore favorise les découvertes scientifiques ouvrant de nouvelles avenues dans les domaines des sciences fondamentales, de l’environnement et des soins aux patients. Elle finance aussi des projets bénéficiant à la région de la Baie de San-Francisco, en Californie. Plus récemment, la Fondation Moore a accordé une généreuse subvention à l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke.

Une découverte fondamentale

La supraconductivité est la capacité de certains matériaux à conduire l’électricité parfaitement, sans aucune perte – une propriété qui a le potentiel d’engendrer une véritable petite révolution dans les domaines de l’énergie, des communications et de la médecine. Au mois de mars 2016, le physicien Louis Taillefer et son équipe publiait un article important dans la revue Nature, faisant grand bruit dans la communauté des chercheurs en physique quantique.  Avec leurs collaborateurs du Laboratoire National de Champs Magnétiques Intenses à Toulouse, en France, Taillefer et son équipe ont découvert une transition fondamentale au cœur de la matière, un point critique qui pourrait expliquer pourquoi des oxydes de cuivre appelés « cuprates » sont les meilleurs matériaux supraconducteurs à haute température connus.

L’expérience déterminante, par ailleurs, s’est révélée un véritable tour de force technique, puisque l’équipe a dû appliquer un champ magnétique parmi les plus forts au monde (90 tesla). « C’est techniquement époustouflant ! », souligne J. C. Séamus Davis, physicien expérimental de renom affilié à l’Université Cornell. « Cette publication est carrément un chef-d’œuvre. »

Le chercheur Nicolas Doiron-Leyraud et le post-doctorant Sven Badoux font partie de l’équipe signataire de l’étude, en plus du professeur Taillefer.

Un financement inattendu

Cette percée est le résultat de plusieurs années de recherche menée par Louis Taillefer et ses collègues aux frontières des champs magnétiques intenses, des très basses températures (-250 degrés Celcius) et de mesures de détection ultra-sensibles. La subvention de la Fondation Gordon et Betty Moore totalise 825 000 $ et va permettre au groupe de recherche de concevoir une toute nouvelle génération d’expérimentations. Des travaux innovants et prometteurs, parfois risqués du point de vue technologique.

Le montant accordé est réparti sur trois ans. « Cette subvention nous aide à recruter deux nouveaux chercheurs de niveau post-doctoral pour explorer les nouvelles pistes qui s’ouvrent devant nous, commente Louis Taillefer. Nous pourrons également accroître nos recherches dans les laboratoires de champs magnétiques intenses, en Europe et aux États-Unis. »

Les travaux du professeur Taillefer sont financés dans le cadre du programme « Emergent Phenomena in Quantum Systems » (EPIQS). D’une durée de cinq ans, le programme bénéficie d’une enveloppe de 90 millions de dollars américains et vise à propulser le savoir du comportement des électrons dans les matériaux quantiques. Destinée principalement aux institutions américaines, l’initiative a financé jusqu’à maintenant seulement deux universités canadiennes, soit l’Université de la Colombie-Britannique et l’UdeS.

« EPIQS veut stimuler les percées scientifiques pour comprendre ces nouveaux phénomènes électroniques qu’on peut maintenant observer dans les matériaux à l’échelle quantique. Pour y arriver nous concentrons les subventions accordées auprès de petits groupes de chercheurs de très haut niveau, explique Dusan Pejakovic, administrateur du programme à la Fondation Moore. Louis Taillefer appartient clairement à cette communauté d’élite : il est l’auteur d’un nombre considérable de travaux novateurs, sans précédent, des études qui ont accru formidablement notre compréhension de la supraconductivité à haute température. Je pense que ce nouveau financement permettra à Louis et à son équipe de faire de plus grands pas encore pour déchiffrer le mécanisme de la supraconductivité dans les cuprates, le Saint Graal de la physique de la matière condensée. »

Dans le cadre de son programme EPIQS, la Fondation Moore est un partenaire de l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA). « Ce financement décerné à l’équipe de Taillefer – qui dirige notre programme sur les matériaux quantiques – est grandement mérité, affirme Alan Bernstein, président et directeur général de l’ICRA. Le travail de Louis bouleverse ce que nous savons de la physique quantique et de la supraconductivité. Cette subvention renforce les liens qui unissent l’ICRA et la Fondation Gordon et Betty Moore. »

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