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18 septembre 2020 Hugues Vincelette
Portrait prometteur d'un doctorant de l'Institut quantique

La persévérance de Guillaume Hardy

Guillaume Hardy

Photo : IQ

Plus de 30 ans après une découverte déterminante qui a valu à deux chercheurs d’IBM, J. Georg Bednorz et K. Alexander Müller un prix Nobel de physique en 1987, les cuprates suscitent encore un vif intérêt dans l’univers de la physique. Ces matériaux supraconducteurs à haute température (30 K et plus) ont un fort potentiel, notamment pour le transport d’électricité sans perte.

Guillaume Hardy, nouvellement détenteur d’un doctorat en physique s’intéresse également à cette famille de matériaux. Après l’obtention d’un diplôme du programme sciences lettres et arts du Cégep de Sherbrooke, Guillaume choisit d’entreprendre son baccalauréat en physique. Il est attiré en physique par la multiplicité des sujets à explorer, que ce soit, l’astronomie, la physique de la matière solide ou encore la physique fondamentale.

Un intérêt commun

Il passe à la maîtrise dans le groupe du Pr Patrick Fournier, pour ensuite faire son doctorat avec le même superviseur. « Lui et moi partageons un intérêt de recherche, celui de générer de la supraconductivité dans des matériaux connus, mais d’une façon différente, ou encore d’identifier de nouveaux composés supraconducteurs. Pour ce faire, il faut comprendre comment ces matériaux fonctionnent lorsque mis en contact avec d’autres matériaux. J’ai donc orienté mon doctorat sur les hétérostructures de cuprates, » nous explique Guillaume.

Projet de doctorat

Ce projet de doctorat de Guillaume Hardy est en quelque sorte le prolongement de ses travaux de maîtrise sur le dopage par effet de proximité. C’est un peu comme si la supraconductivité devenait contagieuse d’un matériau à un autre. Avec comme avantage de ne pas avoir recours à la substitution chimique.

Guillaume suit une piste tracée par des travaux de Flavio Bruno et ses collaborateurs. L’équipe observe expérimentalement un transfert d’électrons d’un matériau à l’autre, du Sm2CuO4 au LaFeO3 un composé parent. Il serait donc possible de doper par proximité le cuprate dopé aux électrons, une famille étudiée depuis plusieurs années déjà par le groupe du Pr Fournier.

Au niveau de la maîtrise Guillaume a eu l’occasion de se familiariser avec la manipulation d’échantillons, la fabrication des matériaux en employant la technique de dépôt par ablation au laser pulsé, la caractérisation par rayons x et les mesures de transport dans un système cryogénique. Toutes ces techniques lui ont été d’une aide précieuse pour ses travaux de doctorat.

Il nous explique avec plus de détails son projet de doctorat « Ce qui nous intéressait, c’était avant tout la résistivité et l’effet Hall, à partir desquels nous pouvons déterminer la concentration de porteurs. Nous avons utilisé des couches minces d’épaisseur variable, en monocouches, en bicouches et en superstructures, qui sont en fait des bicouches placées de façon répétées. Nous pouvions donc déterminer le comportement des porteurs à proximité des interfaces entre les couches. Nous avons finalement réalisé que la tâche était plus complexe que nous l’avions anticipé, particulièrement en raison de la grande sensibilité des cuprates à la moindre variation d’oxygénation. En effet, l’équipe de Bruno a utilisé la pulvérisation cathodique, alors que nous avons utilisé l’ablation par laser pulsé ce qui résultait en des oxygénations différentes. De plus, pour obtenir des couches de qualité, le désaccord de maille doit être minimisé lorsque différents matériaux sont déposés les uns sur les autres. Or, une différence minime entre les paramètres de maille peut faire varier la mobilité des lacunes d’oxygène dans les matériaux. Ainsi, sous certaines conditions de croissance, nous pouvons voir apparaître un comportement qui donne l’impression qu’il y a un transfert de charge. »

Les résultats

Les résultats de Guillaume surprennent « Malgré tous nos efforts pour obtenir un transfert d’électrons, nous n’avons pas pu détecter la moindre trace de cet effet. Nous l’avons testé avec différentes combinaisons de matériaux et de petites variations dans les méthodes de croissance des matériaux peuvent complètement changer les conditions d’oxygénation. C’est ce que j’ai démontré dans le cadre de mes travaux de recherche » explique Guillaume.

Des obstacles à surmonter

Quelques obstacles ont parsemé le parcours de Guillaume durant son doctorat. Il nous en donne un échantillon. « Dans le cadre d’un projet, le matériau utilisé était extrêmement sensible à la moindre variation des conditions de croissance, ce qui rendait difficile le contrôle précis de l’épaisseur des couches. »

Le Pr Patrick Fournier décrit d’un autre angle ces fameux obstacles pour souligner la persévérance de Guillaume durant tout le déroulement de ses études. « Guillaume a démontré une grande détermination afin de compléter son PhD. Son projet, c’est en fait trois projets intégrés en une thèse demandant l’utilisation d’instrumentation souvent complexes… et parfois défectueuse. Dans son cas, il a vécu l’attente de 8 mois pour la réparation d’un élément chauffant pour la croissance des hétérostructures. Mais je pense encore plus révélateur de sa détermination, ça a été le moment où nous avons réalisé que son projet initial d’étude de superstructures de BaCuO2/SrCuO2 était compromis par une instabilité de ses structures à l’atmosphère environnant. Littéralement, il pouvait parfois observer ses échantillons fraîchement préparés disparaître devant ses yeux sans pouvoir y faire quoi que ce soit! Ça marchait, ça ne marchait pas… Ça aurait pu le décourager. Cependant, il a plutôt profité de l’expérience acquise dans ce premier projet pour faire progresser rapidement, en fait attaquer, le projet finalement présenté dans sa thèse. »

 Et la suite ?

Guillaume n’a pas de plan défini en tête, une carrière universitaire pourrait l’intéresser, il contemple les options qui s’offrent à lui, notamment la possibilité d’effectuer un stage postdoctoral dans le but de faire une carrière universitaire. Ce qui l’intéresse d’abord et avant et tout c’est l’étude des matériaux solides, il reste à déterminer où il pourra poursuivre ses recherches.

Bonne chance Guillaume.

 

 

 

 

 

 

 

 

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