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Reza Nourafkan, professionel de recherche dans le groupe du Pr André-Marie Tremblay

Fortes interactions et modèle de Fermi-Hubbard

Reza Nourafkan

Photo : IQ

Une publication récente dans la revue « Science » illustre parfaitement à quel point le travail d’équipe est essentiel à la recherche scientifique. Reza Nourafkan, Alexis Reymbaut, Charles-David Hébert et Simon Bergeron, membres de l’Institut quantique (IQ) et de l’équipe de recherche du Pr André-Marie Tremblay, ont fourni la partie théorique qui a mené à l’article Bad metallic transport in a cold atom Fermi-Hubbard system, tandis que les expériences ont été effectuées à Princeton par l’équipe du Pr W. S. Bakr. De son côté, J. Kokalj de Ljubljana a également contribué par des travaux théoriques complémentaires.

Simulation de matériaux et puissance prédictive

Reza Nourafkan travaille comme professionnel de recherche à l’IQ. Il est né et a grandi à Ispahan, en Iran. Il se donne comme objectif d’obtenir des résultats précis pour la simulation des matériaux à partir des principes premiers. “J’utilise une description quantique des interactions entre les électrons et les noyaux atomiques pour comprendre et expliquer les résultats expérimentaux, pour identifier les caractéristiques fondamentales des structures électroniques menant à une propriété donnée et pour concevoir des matériaux nouveaux. J’ai aussi développé le formalisme et les programmes informatiques nécessaires.”

Une discussion convaincante avec le Pr André Marie Tremblay

Reza a déménagé à Sherbrooke en 2013 après un stage postdoctoral d’un an à l’Université de l’Alberta à Edmonton, suivi d’un autre stage postdoctoral, cette fois à l’Université Rutgers au New Jersey, en collaboration avec le professeur Gabriel Kotliar.

Lorsqu’on lui demande ce qui l’a convaincu de venir à Sherbrooke, Reza répond spontanément : ” Quand j’étais à Rutgers, André-Marie est venu en visite. Il est renommé dans notre domaine, alors j’ai discuté de physique avec lui. Je connaissais ses recherches et la qualité de son travail et j’aimais aussi sa personnalité. C’est ce qui m’a persuadé de venir à Sherbrooke.” Reza collabore principalement avec le professeur Tremblay, mais il aide également à la supervision des étudiants et assiste d’autres professeurs dans leurs projets.

La publication dans Science

La résistivité électrique détermine si un matériau est un conducteur ou un isolant, selon qu’il transporte ou non du courant électrique. Les électrons transportent le courant, mais ils font généralement des collisions qui les diffusent d’un état à l’autre, c’est ce qui cause la résistivité électrique, ρ. La distance moyenne parcourue par les électrons entre deux collisions est appelée libre parcours moyen, l. Un taux de diffusion élevé, signifie un libre parcours moyen réduit.

Selon le critère de Mott-Ioffe-Regel, ce libre parcours moyen ne peut être plus court que la distance entre deux atomes. Lorsque cela se produit, la résistivité doit saturer, c’est-à-dire atteindre sa limite. De plus, le portrait conventionnel de quasi-particules prédit que la résistivité en fonction de la température devrait se comporter comme la température au carré, T2, à basse température.

Cependant, une grande variété de matériaux, y compris les cuprates supraconducteurs, ne suivent pas cette dépendance en température : la résistivité est linéaire en T et dépasse à haute température la limite de résistivité prescrite par Mott-Ioffe-Regel. Les matériaux qui présentent cette propriété sont judicieusement appelés métaux étranges.

Dans un article récent de Nature Physics Universal T-linear resistivity and Planckian dissipation in overdoped cuprates, l’équipe du Pr Louis Taillefer explique la résistivité linéaire T en supposant que le taux de diffusion 1/τ des porteurs de charge atteint la limite planckienne, ħ/τ = kBT. Le taux de diffusion des électrons, 1/τ, est lié au libre parcours moyen par l=vF τ où vF est la vitesse des porteurs. Un tel scénario ne suppose pas une saturation du libre parcours moyen.

La contribution de l’équipe de Princeton

Dans les matériaux réels, les électrons interagissent non seulement entre eux, mais aussi avec les vibrations des noyaux et avec les impuretés, ce qui complique l’interprétation des résultats pour la résistivité. Pour simplifier le problème, l’équipe du Pr Waseem S. Bakr a créé un simulateur quantique à partir de systèmes d’atomes froids, qui peuvent être décrits par un modèle simple, le modèle de Hubbard. Ce modèle est également largement utilisé pour décrire les cuprates supraconducteurs. Le groupe de Princeton a également trouvé un moyen ingénieux de mesurer la conductivité électrique malgré le fait que les porteurs soient neutres dans le cas présent. Ils utilisent la loi de Nernst-Einstein pour relier la conductivité (inverse de la résistivité) à la compressibilité. La constante de diffusion donne la constante de proportionnalité.

Les résultats du simulateur quantique montrent que la résistivité présente une dépendance linéaire en température et ne montre aucun signe de saturation, semblable au comportement observé dans l’étrange phase métallique des cuprates supraconducteurs.

Toutefois, la linéarité en T de ρ ne provient pas de la limite planckienne du taux de diffusion. En effet, le taux de diffusion est saturé à la valeur de Mott-Ioffe-Regel. La compressibilité diminue plutôt en 1/T à haute température, ce qui entraîne une relation linéaire de la résistivité par rapport à la température.

L’expertise du groupe du Pr Tremblay

Spontanément, il est tentant d’attribuer la linéarité T de ρ à la forte interaction entre les porteurs de charge, ce qui peut modifier le portrait conventionnel des quasiparticules et invalider ses prédictions. Cependant, la compréhension quantitative de ce problème nécessite une simulation théorique de la conductivité électrique du modèle de Hubbard, un sujet pour lequel le groupe du Pr Tremblay possède une vaste expertise.

Reza Nourafkan a utilisé une méthode de pointe, appelée théorie du champ moyen dynamique (DMFT), pour résoudre le modèle de Hubbard et calculer la résistivité. Les travaux d’Alexis Reymbaut, de Simon Bergeron, étudiant de premier cycle, et de Charles-David Hébert, étudiant au doctorat, sont venus compléter le tout. Le taux de diffusion calculé est saturé et la compressibilité dépend de la température comme 1/T, en excellente accord avec les données expérimentales. Ceci confirme que la résistivité linéaire T provient de la dépendance en 1/T de la compressibilité.

Étonnamment, la pente linéaire de la résistivité est cependant assez proche de celle prévue par la limite planckienne. La résolution d’un problème soulève souvent de nouvelles questions….

 

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