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Portrait de PhD : Marie-Eve Boulanger

Explorer et comprendre le monde des électrons

Louis Taillefer et Marie-Eve Boulanger.

Photo : Fournie

L’obtention du doctorat en physique offre l’une occasion de résumer le séjour de Marie-Eve Boulanger à l’IQ.

Ce parcours prend racine dans l’amour des mathématiques. « J’aimais les maths. J’ai toujours aimé les maths et j’avais une grande facilité. La physique m’attirait moins au collégial. C’est avec le cours Ondes et physique moderne au Cégep François-Xavier-Garneau, que j’ai vraiment commencé à apprécier la physique. Découvrir le monde des électrons me permettait de faire des liens avec la chimie, ce que je trouvais hyper intéressant. Puis, avant d’aller en physique, j’ai fait un an en actuariat à Québec. C’est une discipline qui est très liée au monde de la finance et des statistiques, je me sentais moins dans mon élément. J’ai donc décidé de retourner dans quelque chose que, du moins, je pensais connaître : la physique. Donc j’ai fait mon baccalauréat en physique à l’Université Laval de 2013 à 2016. Mon parcours universitaire s’amorce avec les mathématiques, pour ensuite se tourner vers les électrons », nous explique Marie-Eve Boulanger.

La rencontre avec Louis Taillefer

Même si le programme de physique à l’Université Laval ne prévoit pas de stages, elle prend l’initiative d’en faire. « Durant mon parcours, j’ai eu la chance de faire un stage en Écosse à l’Université de St-Andrews avec Jean-Philippe Reid. Il a fait sa thèse avec Louis Taillefer ici-même à Sherbrooke. Au moment où je réfléchissais à la prochaine étape, j’ai vu passer une invitation de l’Université de Sherbrooke à faire des visites. J’en ai discuté avec Jean-Philippe qui m’a fortement suggéré de rencontrer Louis. La rencontre a eu lieu, je lui ai demandé de faire une maîtrise et il a accepté. Je savais que Louis offrait beaucoup d’autonomie à ses étudiants et c’est ce qui m’a convaincu de quitter Québec et de m’installer à Sherbrooke. Je ne connaissais pas du tout Sherbrooke. Je n’y avais jamais mis les pieds. »

L’influence de Louis Taillefer dans les études supérieures de Marie-Eve ne se limite pas à cette rencontre. « Il a toujours été très généreux de son temps. Dès que j’avais une question, je pouvais l’appeler ou cogner à sa porte, et tout se réglait. Il m’a constamment encouragé dans mes projets tout en m’offrant de nombreuses possibilités tant pour des activités universitaires que para-universitaires. »

Les projets de recherche

L’effet Hall thermique est au centre des projets de recherche de Marie-Eve qui a réalisé sa thèse par articles. Elle en a publié trois. « Le fil conducteur de ma thèse, c’est vraiment la mesure de l’effet Hall thermique, qui est une nouvelle mesure pour laquelle très peu de groupes dans le monde possèdent l’expertise. Gaël Grissonnanche et Nicolas Doiron-Leyraud l’ont implanté dans notre groupe. »

Le premier article porte sur les cuprates dans leur état isolant de Mott. Publiée dans Nature Communications Thermal Hall conductivity in the cuprate Mott insulators Nd2CuO4 and Sr2CuO2Cl2, la recherche présente une étude comparative de deux cuprates isolants de Mott, Nd2CuO4 et Sr2CuO2Cl2. Une mesure de la conductivité thermique montre que les phonons conduisent bien mieux la chaleur dans Nd2CuO4, et aussi que l’effet Hall thermique est d’autant plus grand dans Nd2CuO4. Cette corrélation est une preuve additionnelle que ce sont les phonons qui sont les porteurs de chaleur responsables de la réponse de Hall thermique.

« À la suite des découvertes de Gaël, qui a découvert un effet Hall thermique énorme dans la phase pseudogap des cuprates, nous nous sommes posés la question : « Quelle est l’origine de ce signal »? Puis rapidement, on s’est rendu compte que ce sont des phonons, des particules sans charge, qui ne devraient donc pas interagir avec un champ magnétique. Toute ma thèse, en bout de ligne, j’ai mesuré des phonons qui réagissaient aux champs magnétiques avec toujours comme question pour nos collègues théoriciens : « Pourquoi? Quel est le mécanisme derrière tout ça? »

La deuxième publication porte sur la conductivité thermique dans les cuprates dopés en électrons et a été publiée dans Physical Review B. « J’en ai d’ailleurs fait le titre de ma thèse, et mon troisième article c’est sur l’effet Hall thermique dans un isolant antiferromagnétique, nommé Cu3TeO6, publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences. »

« Je suis très fier du travail de Marie-Eve », dit Louis Taillefer. « Elle a été une des pionnières de cette nouvelle technique expérimentale dans notre labo, qui est maintenant utilisée par toute notre équipe. Son étude sur les cuprates est devenu un classique ! ».

Plus que l’observation des électrons

Son parcours à l’université n’a pas uniquement été consacré à scruter le comportement des électrons. En plus de faire partie du Conseil jeunesse de la conseillère scientifique en chef du Canada, elle a fait partie du comité organisateur – avec Maude Lizaire et Sophie Rochette – de l’événement Femmes en physique Canada qui a eu lieu à Sherbrooke en juillet 2018. Leur travail sera récompensé par un prix au Gala Forces Avenir et par le Mérite Estrien. « Je tire une grande fierté du travail accompli pour l’organisation de cet événement et la mise sur pied de Diphus – le comité étudiant pour la diversité en physique à l’UdeS. Ma contribution n’aura pas été que scientifique, j’ai aussi donné de mon temps pour encourager la diversité dans le monde des sciences et favoriser la place des femmes en science. »

« C’était très inspirant d’avoir une étudiante comme Marie-Eve au sein de mon équipe, et au sein de notre département », explique Louis Taillefer. Elle a des valeurs et des principes nobles et elle en fait la promotion activement, avec enthousiasme et conviction. Le succès de Femme en physique Canada a été exceptionnel et le comité DiPhUs poursuit encore avec dynamisme son action bénéfique et exemplaire à la faculté des sciences. »

Pour la suite

Marie-Eve n’a pas tardé à se trouver un emploi à Sherbrooke. Elle a été embauchée en développement des affaires dans un poste co-financé par PINQ2,  la Plateforme d’innovation numérique et quantique de l’UdeS, et Mitacs, une organisation pancanadienne qui favorise les collaborations entre l’industrie, les universités et le gouvernement, sous la forme de stages.

« Mitacs souhaitait avoir une personne au Québec en quantique, comme c’est le cas en Ontario et en Colombie-Britannique. Je suis donc la représentante du domaine quantique au Québec pour Mitacs et c’est quelque chose qui m’attirait beaucoup parce que ça me permet de garder un lien étroit avec Sherbrooke, et aussi avec le monde universitaire, tout en explorant un nouveau domaine, soit celui du développement des affaires et de partenariats stratégiques. Au sujet de PINQ2, l’organisation compte offrir l’accès à une plateforme numérique de calcul de haute performance classique ainsi qu’à une plateforme quantique. Mon rôle sera de tout mettre en place pour faire en sorte que le projet puisse atteindre le résultat escompté et de favoriser l’adoption des technologies quantiques. Je garde un lien très fort avec la science. »

Celle qui n’avait jamais mis les pieds à Sherbrooke avant la maitrise semble vouloir s’enraciner ici.

 

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