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Étudier les matériaux topologiques

Du Brésil au Québec

La réputation de l’Institut quantique attire les chercheurs de partout dans le monde.

Brésilien d’origine, le chercheur Pedro Leopoldo e Silva Lopes a choisi l’Institut quantique pour deux principales raisons : « j’ai eu vent de l’excellente qualité de la recherche entreprise à Sherbrooke de par la réputation de ses Professeurs [et] j’avais beaucoup d’intérêts en commun avec le Professeur Ion Garate. » Récipiendaire d’un doctorat de l’Universidade Estadual de Campinas au Brésil, le physicien de 29 ans fait actuellement son premier post-doctorat à l’Institut quantique.

Le champ d’expertise de Pedro se situe à mi-chemin entre la physique des particules et les matériaux quantiques, appliquée à la matière topologique : « J’ai commencé à travailler sur le graphène et j’ai eu une bourse pour étudier à l’étranger, à l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign. Après, il m’a été naturel de me tourner vers les matériaux topologiques. Dans ces domaines de recherche, un peu de connaissance en physique des particules peut s’avérer utile. »

Culturellement parlant, il admet que « cela a été une aventure d’intégrer une communauté francophone. Le jour de mon arrivée a été difficile, mais tout me semblait familier le lendemain matin. Le Québec va au-delà de mes attentes, tout particulièrement à travers l’ouverture d’esprit de ses habitants. »

À l’Institut quantique, Pedro travaille conjointement avec les Professeurs Ion Garate et David Sénéchal.

Démystifier les semi-métaux de Weyl

Aux côtés du Professeur Garate, il concentre ses recherches sur les liens entre les phonons et les électrons dans les semi-métaux de Weyl. Ces matériaux pourraient avoir des applications évidentes en électronique mais pourraient également se montrer utile en informatique quantique. Par contre, ils souffrent d’un certain manque de résultats expérimentaux puisque les signatures de leurs aspects topologiques se retrouvent souvent mélangées à d’autres propriétés plus typiques de la matière, les rendant trop subtiles pour être mesurées. Pedro a décidé de chercher ces signatures topologiques : « [ils] sont impliqués dans de nombreuses quantités qui sont faciles à mesurer expérimentalement. » Ce projet de recherche ouvre de nouvelles portes au sein du domaine de la physique des matériaux quantiques topologiques, qui a été récompensé par le Prix Nobel de physique en 2016.

Des accélérateurs de particules dans la matière solide ?  

Il poursuit ses recherches avec son second collaborateur, le Professeur David Sénéchal : « j’ai commencé à étudier l’émergence de la supersymétrie à la surface des supraconducteurs topologiques invariants sous renversement du temps. » Pedro s’intéresse particulièrement à la surface de ces matériaux puisqu’ils contiennent des particules spéciales qui existent grâce à la symétrie sous inversion du temps. Des transitions de phases qui rompent spontanément cette symétrie, tels que le développement du magnétisme, peuvent faire disparaître ces particules avec des effets nouveaux. De telles transitions de phases peuvent être modélisées par des bosons qui se propagent dans le système. C’est quand les fermions sont sur le point de disparaître que les choses deviennent intéressantes : « les fermions et les bosons se comportent comme des super-partenaires respectifs. Ils partagent ainsi de nombreuses propriétés identiques et l’étude d’un type de particule nous donne de l’information sur l’autre type de particule. »

Bien qu’étant très fondamentale, cette recherche a un aspect extrêmement pratique pour Pedro : « Jusqu’à maintenant, les gens ont dépensé des milliards pour construire des accélérateurs de particules afin d’observer des signatures de la supersymétrie. Nous pensons pouvoir le réaliser dans la matière solide pour bien moins cher! »

Que sont les semi-métaux de Weyl ?

Tout d’abord, il faut comprendre que les semi-métaux sont des matériaux qui ne sont ni de bons isolants, ni de bons conducteurs électriques. Les semi-métaux de Weyl, en particulier, sont comme le graphène (un feuillet d’atomes de carbone). Leurs électrons se comportent comme des particules relativistes de haute énergie dont la vitesse approche celle de la lumière, mais à des énergies et des vitesses bien plus basses. Cependant, ils se distinguent du graphène par leur caractère tri-dimensionnel, présentant ainsi un analogue plus direct avec les électrons à haute énergie.

Par ailleurs, l’existence et la stabilité de ce comportement semi-métallique de Weyl peuvent être garanties par une caractéristique générale appelée protection topologique. Celle-ci leur donne le droit de rejoindre leurs cousins isolants et supraconducteurs dans la famille des matériaux topologiques.

Qu’est ce que la supersymétrie ?

La supersymétrie est une théorie candidate à l’extension du Modèle Standard de la physique des particules, soit notre compréhension actuelle du monde subatomique. Par exemple, elle pourrait expliquer pourquoi la masse du boson de Higgs est si petite ou de quoi est faite la matière sombre. Au sein du Modèle Standard, les constituants fondamentaux de la matière, comme les électrons et les quarks, sont appelés des fermions tandis que les particules associées aux forces fondamentales, comme les photons pour la force électromagnétique, sont appelées des bosons.

Comme son nom l’indique, la supersymétrie ajoute plus de symétrie à la situation en donnant à chaque fermion un ou plusieurs super-partenaires bosoniques et à chaque boson un ou plusieurs super-partenaires fermioniques. Une particule et son super-partenaire partagent de nombreuses propriétés identiques, mise à part leur nature fermionique ou bosonique. De tels phénomènes n’ont jamais été réalisés expérimentalement dans des accélérateurs de particules.

Mais comment cette théorie pourrait-elle se retrouver dans la matière solide? Dit simplement, les supraconducteurs topologiques invariants sous renversement du temps sont un autre type de matériaux topologiques. L’adjectif invariant sous renversement du temps traduit le fait que la physique qui décrit ces matériaux est la même quel que soit le sens dans lequel le temps s’écoule.  Par exemple, un objet en pleine chute gardera la même trajectoire si on remonte le temps : on parle donc de symétrie sous renversement du temps.

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