Luc Godbout |
20 novembre 2008
La politique familiale du Québec profite aux jeunes familles. C'est ce qui ressort d'une étude réalisée conjointement par Luc Godbout et Suzie St-Cerny, respectivement professeur et chercheuse à la Faculté d'administration. Alors que la question familiale demeure un enjeu important en pleine campagne électorale, Luc Godbout explique au Journal UdeS en quoi le Québec est un véritable paradis fiscal pour les familles.
Journal UdeS : Comment en êtes-vous venus à étudier la question de la fiscalité des jeunes familles?
Luc Godbout : Tout a commencé par une simple donnée. Nous avons comparé les situations de deux ménages ayant 25 000 $ de revenu. Le premier a des enfants, et l'autre n'en a pas. Après avoir fait le calcul de leurs différentes cotisations et avoir ajouté tous les crédits d'impôt auxquels ces ménages sont admissibles, nous avons constaté que la famille qui a des enfants gagne plus cher. Celle-ci, qui avait un revenu de travail de 25 000 $ au départ, a un revenu total, en fin d'année, de 38 648 $. J'ai moi-même été très surpris de ce résultat. Nous avons donc décidé de pousser l'exercice un peu plus loin et de faire le calcul pour plusieurs types de revenus.
Journal UdeS : Qu'avez-vous pu constater?
L. Godbout : En général, les Québécois bénéficient d'un soutien financier généreux envers les familles. En nous comparant au reste du Canada, nous constatons que, après le paiement des impôts et de toutes les cotisations et en tenant compte des frais de garde qui sont moindres ici, nous avons un avantage moyen de 6000 $ devant les autres provinces. Les familles avec de jeunes enfants en ont plus dans leurs poches ici qu'en Alberta. Elles en ont même plus que dans plusieurs autres pays.
Journal UdeS : Et qu'en est-il des couples qui n'ont pas d'enfants?
L. Godbout : Ces couples paient plus d'impôts et de cotisations ici que dans le reste du Canada. En fait, nous taxons plus ceux qui n'ont pas d'enfant pour en donner à ceux qui en ont. Ça représente bien les choix de société que nous avons faits au cours des dernières années.
Journal UdeS : Dans votre étude, vous tenez également compte de l'existence des garderies à contribution réduite au Québec. Qu'avez-vous observé à ce sujet?
L. Godbout : Les garderies à contribution réduite ont fait leur apparition en 1998. À ce moment, les femmes québécoises les plus susceptibles d'avoir de jeunes enfants (25 à 44 ans) étaient moins nombreuses à travailler que les Ontariennes dans la même situation. Maintenant, non seulement les Québécoises devancent-elles les Ontariennes sur le marché du travail, mais c'est ici dans tous les pays du G7 que le taux d'emploi des femmes est le plus élevé. Nous ne pouvons pas garantir que c'est à cause des garderies à contribution réduite, mais nous constatons tout de même un rattrapage plus rapide qu'ailleurs dans le taux d'emploi des femmes, et les garderies à faible coût sont arrivées au même moment. Il s'agit de développement social intelligent qui contribue à la richesse du Québec.
Journal UdeS : Pourtant, les jeunes familles se plaignent parfois de ne pas recevoir assez d'argent alors que vous dites qu'elles en reçoivent plus qu'ailleurs. Pourquoi?
L. Godbout : Je crois que les gens ne voient pas à quel point l'État les aide. Il y a deux ordres de gouvernement qui interviennent avec plusieurs petites mesures. Par exemple, les conservateurs ont créé la prestation universelle pour garde d'enfants qui est de 100 $ par mois pour les familles. Ça semble bien peu, mais ça s'ajoute à toutes les autres mesures existantes. On ne reçoit donc pas un gros chèque chaque année, mais l'accumulation de petits chèques fait en sorte que le montant total est énorme, et nous ne le voyons pas.
Journal UdeS : Que devrait faire le Québec pour mettre en valeur les avantages de sa politique familiale?
L. Godbout : Le gouvernement pourrait produire un état de compte chaque année pour indiquer clairement aux citoyens ce qu'ils ont reçu de l'État. Il faudrait faire du marketing pour montrer que le soutien est généreux. Le soutien financier pour les jeunes familles est là. Il suffit maintenant de diffuser cette information. Même si nous ne nous en sommes pas aperçus, nous avons été actifs ces dernières années, et nous avons fait du développement social rentable. C'est maintenant le temps de le dire.
20 novembre 2008 (no 8)
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