Sommets Vol. XX No 1 - Été 2007

DOSSIER LEADERSHIP
 

Le leadership dans le sang

Francine Décary, la PDG et fondatrice d’Héma-Québec, est un torrent d’énergie dont les vibrations positives se font sentir jusqu’aux bases de l’organisme : les donneurs.

Par BINH AN VU VAN

Mon secteur repose uniquement sur la bonne volonté des gens : celle de se faire planter une aiguille dans le bras.» Conséquence : Francine Décary doit cultiver au quotidien la confiance et l'implication de 16 000 bénévoles et de plus de 150 000 donneurs. Et cette confiance est constamment mise à l'épreuve : intempéries, éclosion de virus du Nil ou de l'influenza, tout peut faire vaciller l'humeur des volontaires.

L'inspiration d'une entreprise humanitaire

Malgré cela, Héma-Québec s'est hissée parmi les meilleures entreprises de services transfusionnels du monde. Sa fiabilité et sa sécurité en font un modèle. On convie sa fondatrice, Francine Décary, aux quatre coins du globe pour entendre l'histoire de ce succès. Car personne ne peut le nier, l'héroïne de cette histoire, c'est elle. Son collègue Claude Pichette est catégorique : «L'inspiration d'Héma-Québec, c'est Francine! C'est clair, clair, clair!»

  La PDG d’Héma-Québec, Francine Décary.
La PDG d’Héma-Québec, Francine Décary, est aussi la toute nouvelle présidente du conseil d’administration du Réseau de l’Université de Sherbrooke.

Et la femme est impressionnante. Les cheveux dressés en pointes sur la tête, elle a le pas alerte. On distingue presque de l'électricité jaillir d'elle. «Quand je suis arrivée avec cette coiffure, mes collègues se sont exclamés : “Enfin, la vraie Francine!”» Même au cours d'une simple conversation, sa voix retentit dans son vaste bureau vitré. «Ce que vous voyez, c'est ce que je suis.» Le leadership, cette femme originaire de Lachine est tombée dedans quand elle était petite. «J'ai toujours été impliquée dans des comités, dans des activités. J'ai un leadership naturel, qui vient de ma personnalité profonde et qui m'a sans doute été inculqué par ma mère. J’adore les séances de remue-méninges. Je ne donne pas ma place pour trouver des idées flyées.»

Médecin hématologue de formation — elle a défendu sa thèse de doctorat en néerlandais à Amsterdam! — Francine fait ses premières armes en administration dans les bureaux de la Croix-Rouge, où elle devient présidente par intérim. D’emblée, la fièvre de l’administration s’empare d’elle. La dame surfe d’un poste de direction à l’autre au sein de l’organisation. «J’ai des habiletés naturelles. Je suis capable de rallier les gens par mon enthousiasme. Je suis une personne “go! go! go!”»

À la fin des années 1990, la Croix-Rouge est marquée au fer rouge par le scandale du sang contaminé. Lorsque vient le temps de bâtir Héma-Québec, une nouvelle institution qui valoriserait les donneurs, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec désigne tout naturellement Francine Décary. Le défi semble énorme mais pas un seul instant, comme dans toute sa carrière, Francine n’a peur. «Ce fut l’été le plus excitant de ma vie!»

Aussitôt à la tête d’Héma-Québec, elle instaure une politique de transparence, qualité qui, selon elle, a fait défaut à la Croix-Rouge. Elle s’efforce également de rappeler la mission humanitaire de l’organisme. Dès les premières années, Héma-Québec est un franc succès.

Une confiance inébranlable

Comment relever tous ces défis? «Le plus important, répond Francine Décary, c’est de bien se connaître et de s’accepter. Connaître mes faiblesses me rend moins vulnérable. Je peux ainsi anticiper les reproches.» Ses forces? Elle inspire naturellement confiance. «De toute évidence, je dégage quelque chose par ma façon d’être. Peut-être parce que je suis capable de synthétiser… Quand on a trituré un sujet pendant deux heures, j’ai la moutarde qui me monte au nez! Je vois si on peut prendre une décision. Ça fait partie du leadership.»

Côté défauts, Francine Décary se dit très exigeante envers son personnel. Claude Pichette confirme en riant : «S’il le faut, elle va sortir le fouet! Si ça ne marche pas, elle va nous pousser à atteindre nos objectifs. Elle ne tolérera aucune demi mesure. Elle suit les dossiers de très près.» Pour rester à l’écoute de ses employés, Francine Décary organise des rencontres personnelles avec tous ses vice-présidents une fois par mois, où elle les encourage à discuter ses façons de faire.

Bien entendu, comme tout chef d’entreprise, elle reçoit régulièrement des plaintes ou des pétitions. En tant que PDG, elle doit parfois prendre des décisions très difficiles. «À ces moments, je dois me rappeler que l’entreprise passe juste un peu au-dessus des gens qui y travaillent.» Pour Francine Décary, l’expression «It’s lonely at the top» s’applique parfois. «Il y a un peu de solitude à la haute direction. Les vice-présidents peuvent discuter entre eux en cas de problème. Moi, je n’ai aucun collègue de mon niveau hiérarchique.»

Francine Décary, toutefois, a un moral d’acier. «Je la connais depuis 15 ans et je ne l’ai jamais vue abattue, dit Claude Pichette. Au contraire, les défis ou les problèmes la stimulent.» Sur la base de la confiance des donneurs, des bénévoles et de ses collègues, Francine Décary a érigé une pyramide exemplaire où chacun compte sur les autres pour aider près de 70 000 personnes par année. «Je commence à penser à la relève. Héma-Québec, c’est un peu mon bébé. Mais je ne veux pas que ça ait été la bulle Francine Décary. Je souhaite que ce projet se poursuive longtemps dans la lancée que je lui ai donnée.»

Pour plus d’informations sur Héma-Québec : www.hema-quebec.qc.ca
 

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