Sommets Vol. XX No 1 - Été 2007

DOSSIER LEADERSHIP
 

Un musée dans le coeur

«C’est le plus beau défi de ma vie, la réalisation d’un rêve longtemps chéri, une montagne que je devais gravir pas à pas.» C’est ainsi que Julie Shaffer décrit l’aventure dans laquelle elle s’est lancée sans crainte en 1999 : moderniser le Musée du Séminaire de Sherbrooke, aujourd’hui devenu le Musée de la nature et des sciences.

Par BINH AN VU VAN

Julie ShafferTout a commencé il y a plus de 20 ans. Biologiste fraîchement diplômée, Julie Shaffer mène alors une recherche sur les insectes de la région pour le compte de l’ancien Musée du Séminaire. Ses collègues et elle rêvent d’un meilleur endroit pour exposer toutes les merveilles recueillies au début du siècle par les frères missionnaires fondateurs de ce musée. Véritable abeille au sein de la petite équipe, Julie Shaffer apprend les rudiments de la muséologie au fil de lectures et de voyages. Elle endosse aussi de plus en plus de responsabilités.

Le Musée de Julie

En 1999, après 10 ans de rudes négociations, les trois paliers de gouvernement décident de dénouer les cordons de leurs bourses pour rénover le Musée du Séminaire. La volonté de fer de Julie en fait la candidate idéale pour mener la construction du nouveau Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke. «J’ai expliqué à mon compagnon que si j’acceptais ce projet, je m’y consacrerais à fond pendant plusieurs années, qu’on se verrait moins. Quand j’entreprends quelque chose, je vais au bout.» Et elle est fidèle à sa parole. À l’aide d’une équipe extrêmement réduite, elle établit les besoins du futur musée, embauche les architectes et ingénieurs, vérifie en détail tous les plans. «J’ai une aisance naturelle avec les représentations tridimensionnelles. Par intuition, je décelais toutes sortes d’incohérences. Je suis aussi très curieuse. J’aime savoir comment les choses fonctionnent.»

Pendant deux ans, sept jours sur sept, la muséologue porte son casque blanc sur les chantiers de construction. Son secret pour bien vivre cette surcharge de travail et de stress? Équilibre, c’est le maître-mot de Julie Shaffer. «Je devais prendre des dizaines de décisions par jour. Afin de trancher rapidement, je me donnais une place pour faire le vide intérieur, pour m’éclaircir l’esprit.» Encore aujourd’hui, Julie Shaffer se garde du temps tous les midis pour pratiquer le taï chi ou la méditation. «Plonger au-dedans de soi, c’est ça, ma recette.»

Pourquoi avoir confié la gestion d’un projet de 10 millions de dollars à ce petit bout de femme qui ne connaissait rien à l’architecture et à l’ingénierie? «Probablement parce que le conseil d’administration savait que je réussissais tout ce que j’entreprenais», répond-elle d’un souffle, sans ciller. «Il suffisait d’avoir la volonté.» Le Musée de la nature et des sciences a ouvert ses portes en octobre 2002.

Gérer avec la tête et le coeur

Aujourd’hui, Julie Shaffer tient les rênes du Centre de production scientifique qui est affilié au Musée de la nature et des sciences (voir encadré). À la tête de cet organisme maintes fois primé, elle ne ressemble pourtant en rien au stéréotype du patron : elle est rieuse, douce et calme. Mais l’aplomb dans sa voix chuchotante, son regard soutenu et franc révèlent une femme confiante, la tête soudée aux épaules. Gilles McInnis, le directeur de production, se souvient encore de la première fois où il a travaillé sous sa supervision. Il lui soumettait alors un prototype de meuble. Soudain, calmement, Julie Shaffer donna un violent coup de pied dans l’ouvrage : celui-ci s’écroula. L’équipe était abasourdie. «Elle voulait nous rappeler que le meuble était destiné à l’Europe. Il valait mieux qu’il se casse ici, à ce moment, qu’ensuite. Ce jour-là, j’ai découvert une autre Julie, celle qui doit mener un projet jusqu’au bout!»

Julie Shaffer dirige son équipe dans cet esprit : «J’investis beaucoup d’efforts pour connaître mes forces et mes faiblesses et je m’entoure de gens qui ont des habiletés que je n’ai pas.» Pour rallier son équipe, elle s’inspire de sa propre expérience. À ses débuts, elle était en effet sous les ordres d’un directeur qui lui laissait carte blanche. «J’ai besoin de cet espace pour grandir, pour créer. C’est ce que j’essaie de donner à mes collègues. Je me suis entourée de personnes compétentes, je leur fais confiance, et c’est payant.» Sa paix et son inspiration viennent en grande partie d’un récent voyage en Inde qui a chamboulé sa façon de voir le monde. «Ce qui m’allume maintenant, c’est en partie de faire évoluer le Centre de production. Mais c’est avant tout de faire en sorte que les gens de mon équipe évoluent et soient heureux.»

La mordue de développement voit grand pour le Centre de production scientifique : elle prépare l’assaut du marché américain. Un autre appel retentit également en elle. «Certaines causes environnementales, humanitaires et inquiétantes m’interpellent de plus en plus. Je sens que j’ai un rôle à jouer ailleurs. Un jour ou l’autre, je travaillerai en coopération internationale.» Des plans de développement d’un tout autre genre!

Le Centre de production scientifique

Affilié au Musée de la nature et des sciences, le Centre de production scientifique crée des expositions scientifiques pour plusieurs clients nord américains et européens. Il est aussi expert dans la gestion des tournées internationales d’expositions itinérantes. C’est d’ailleurs le plus important diffuseur d’expositions au Canada.

Pour plus d’informations sur le Musée de la nature et des sciences et son Centre de production scientifique: www.mnes.qc.ca

 

 Le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke.
 Le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke abrite 65 000 pièces de collection de sciences naturelles et présente des expositions scientifiques variées. En 2004, l’institution a reçu la palme d’or des Grands Prix du tourisme québécois, dans la catégorie Attraction touristique.
 

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