Sommets Vol. XX No 1 - Été 2007 DOSSIER LEADERSHIP |
Bruno-Marie Béchard Leader d'une université leader! L'Université de Sherbrooke fait beaucoup parler d'elle. Raflant des premières places aux deux grands classements universitaires canadiens, son audace bouscule le paysage universitaire québécois et attire des partenaires des quatre coins du globe. Plusieurs attribuent cette poussée de croissance à Bruno-Marie Béchard, son recteur hors du commun. Par SOPHIE PAYEUR
Ce rôle n'est pas inné. Le premier déclencheur s'est produit lorsque j'avais 28 ans. J'étais ingénieur dans l'industrie aéronautique : j'avais un travail en or et des conditions de travail remarquables. Le monde s'offrait à moi, on me déroulait le tapis rouge. Mais j'ai découvert que ce qui me tenait à coeur, ce qui m'allumait vraiment, c'était la formation, l'enseignement de niveau supérieur. Alors que j'étais diplômé d'ailleurs, le croisement de la théorie et de la pratique me fascinait à l'Université de Sherbrooke. Après avoir longuement hésité, cette université m'a offert un poste de professeur en 1992. Après quelques années comme professeur, vice-doyen puis vice-recteur, plusieurs m'ont incité à devenir recteur : ce fut le second déclencheur. J'ai beaucoup réfléchi avant d'accepter cette invitation parce que ce choix est à mes yeux un investissement majeur de soi. C'est la décision de se donner à fond qui implique d'énormes sacrifices, surtout sur le plan de la vie privée. Il faut que le jeu en vaille la chandelle. Mais la cause de l'université m'aspire, m'obsède. Elle donne un sens à ma vie. Et c'est d'ailleurs ce que je souhaite à tout le monde : une cause qui tient à coeur dans laquelle s'investir à fond. Parce que trouver du sens allume le leadership. Comment qualifiez-vous votre style de leadership? Je me branche sur les gens autour de moi. J'aime particulièrement les idées audacieuses que la plupart croient folles ou irréalisables. Si j'entrevois le chemin pour y parvenir, alors c'est parti : j'en deviens le promoteur contre toute adversité. Par exemple, quand j'ai annoncé que j'avais pour Sherbrooke la vision d'une université de calibre international, des sceptiques ont ri de moi. Pourtant, ça s'est réalisé! L'Université de Sherbrooke est classée première au Canada en raison de sa réputation, de sa qualité de vie, de ses services aux étudiants et de sa capacité d'innover. Notre Faculté de médecine et des sciences de la santé est un centre collaborateur de l'OMS, l'unique du genre au Canada et dans le monde francophone. Et ce ne sont que quelques exemples : le voyage est loin d'être terminé! Ce rôle de leader vous semble facile à assumer. Est-ce le cas?
Qu'entendez-vous exactement par leadership coopératif? Quand c'est un recteur, un doyen ou un chef de service qui mène le bateau selon sa vision, on parle de leadership traditionnel. Actuellement, on frappe les limites de cette conception : on ne peut plus compter que sur quelques joueurs d'avant-scène pour faire avancer nos organisations. Le leadership partagé, quant à lui, consiste à reconnaître les forces de chacun et permet une grande marge de manoeuvre dans l'action. Cette dynamique incite chacun à exprimer son potentiel d'initiative et de dévouement. Dans ce contexte, on multiplie les possibilités de leadership partout dans l'organisation. Quand, par surcroît, ce leadership partagé s'aligne dans la même direction, vers des objectifs communs, alors on parle de leadership coopératif. C'est ce qui caractérise l'Université de Sherbrooke : ici plus qu'ailleurs, nous avons les conditions pour déployer ce type de leadership au maximum. Pourquoi?
Quelle place faites-vous à l'erreur? Si l'on veut arriver à quelque chose de nouveau, il faut nécessairement permettre l'erreur. Les erreurs et les échecs font aussi partie de ma réalité. J'en ai vécu et je n'ai pas honte d'en parler. Par exemple, un projet qui me tenait beaucoup à coeur n'a jamais vu le jour : l'Institut international de pédagogie universitaire. Nous avons à Sherbrooke des professeurs qui ont carrément révolutionné la formation universitaire de plusieurs façons, notamment par l'apprentissage par problèmes en médecine, par projets en génie et par compétences en éducation. Ils sont souvent des références mondiales en ces matières. J'ai tenté de les regrouper au sein de cet institut unique en son genre, qui aurait contribué à multiplier nos capacités et notre rayonnement dans le domaine. Les professeurs concernés ont contemplé l'idée mais aucun n'a accepté d'en assumer le leadership. Pourquoi, selon vous, plusieurs refusent-ils de s'investir et de jouer ce rôle de leader? Peu importe sa forme, le leadership exige de la générosité, des sacrifices, du temps et de l'énergie. C'est prendre un risque individuel. À mes yeux, chaque personne est un leader potentiel qui n'a besoin que d'un contexte pour déclencher son leadership. Comment y arriver?
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