Sommets Vol. XX No 1 - Été 2007 DOSSIER LEADERSHIP |
Apprendre à être leader DÉMOCRATISER LE LEADERSHIP Le leadership n'est pas un attribut personnel ou une qualité innée. Mais peut-on apprendre et devenir leader? Par SOPHIE PAYEUR Certainement, répond Édith Luc, auteure, chercheure et coach en leadership. Le leadership se développe de la même manière que la forme physique s'améliore. Nous avons tous un capital de leadership, même s'il est différent d'une personne à l'autre. Nous pouvons l'améliorer de façon importante.» Le spécialiste en entrepreneurship Jacques Baronet abonde dans le même sens. «Nous avons tous un capital de leadership, mais tous n'ont pas le même. Certains peuvent le tuer par leur attitude, leur comportement.» Comment, alors, faire en sorte que ce comportement stimule notre leadership? «Il faut nous mettre en position d'exercer notre leadership : nous impliquer dans des conseils d'administration, apprendre à faire confiance à nos idées et à les faire valoir. Il faut plonger, aller sur le terrain. Observer ceux qui nous apparaissent être des leaders et agir comme si nous en étions un.» Le titulaire de la Chaire d'études en organisation du travail, Mario Roy, apporte une perspective quelque peu différente. «On peut certainement apprendre à être leader, mais pas dans un sens “universel”. Le leadership est le résultat d'un échange entre les partisans et la personne qui veut se voir conférer volontairement le pouvoir de mener le groupe. Pour devenir leader, il faut donc connaître les besoins et les aspirations du groupe.» Une fois ces besoins et ces aspirations identifiés, il faut déterminer si l'on possède les ressources requises pour y répondre. Si oui, on peut travailler de manière à les développer et à les mettre en évidence pour se voir éventuellement attribuer du leadership. «Ce qui s'enseigne, c'est la promotion des compétences valorisées par une organisation, par un groupe particulier.» Pour le politicologue Jean-Herman Guay, la route qui mène à l'exercice du leadership se compose d'un tiers de qualités personnelles, d'un tiers d'apprentissage et d'un autre tiers qui relève du contexte. «On peut apprendre et développer les qualités qui font de nous un leader, mais il faut aussi se trouver au bon endroit au bon moment. Prendre conscience d'un besoin ou d'une opportunité. Savoir tirer profit de la conjoncture et combler les attentes.» Vers un leadership partagé «L'un des premiers leviers de développement du leadership est de s'ancrer dans un but que l'on cherche à atteindre pour et avec un groupe de personnes», affirme quant à elle Édith Luc. Cette psychologue sociale est membre d'un comité de réflexion sur le leadership d'avenir au sein de Cirano, le Centre interuniversitaire de recherche, de liaison et de transfert des savoirs en analyse des organisations. Depuis quelques années déjà, elle s'emploie à promouvoir une autre conception du leadership : celle d'un exercice partagé, pratiqué par plusieurs personnes à différents moments, et non par un individu unique projeté à l'avant-scène. «Il faut de plus en plus aborder la complexité de nos enjeux de société et de nos organisations par l'exercice du leadership partagé ou coopératif. La complexité des problèmes auxquels nous faisons face ne peut être résolue que par la contribution du capital intellectuel de plusieurs. Et ce leadership partagé s'apprend! Il s'exerce sur la base d'une confiance mutuelle, de l'intégrité, de la transparence, de la maturité affective et de l'engagement des partenaires autour de valeurs et d'un but communs.» Inspiré de multiples rencontres avec des leaders confirmés, son ouvrage Le leadership partagé se présente tel un voyage au coeur de la nature humaine, qui sait parfois déployer des stratégies de mise en oeuvre du leadership. Ce sont ces stratégies, au nombre de sept, qu'Édith Luc propose aux apprenants leaders (voir encadré). «Ce que j'y décris, c'est une attitude générale de volonté extrême à vivre ses aspirations, sans peur. Prenez Coco Chanel : ses tantes lui répétaient sans cesse qu'elle était un cas sans espoir. Elle a révolutionné l'industrie de la mode alors que les femmes avaient peu de droits et n'avaient aucun accès à un financement initial pour se lancer en affaires.» La vision d'un leadership partagé et coopératif d'Édith Luc prend racine dans le potentiel de chacun. «Si chaque personne prend ses responsabilités et s'implique dans son domaine, notre société aura plus de leaders, des leaders d'une grande qualité.» À ses yeux, l'Université de Sherbrooke peut jouer un rôle stratégique dans le déploiement de ce type de leadership. «Le Québec est une des sociétés occidentales où les organisations sont les moins investies par les relations d'autorité. Et dans ce paysage, l'Université de Sherbrooke se démarque. L'audace, l'histoire, les membres et le fonctionnement particulier de cette institution qui accentue sa capacité d'innover en font un modèle de leadership partagé et coopératif. Sa connaissance des relations coopératives et son ouverture sur le monde peuvent stimuler significativement la mise en place d'un leadership partagé qui agit dans l'intérêt d'une communauté et non dans celui d'un simple individu.» Édith Luc caresse le projet d'un Institut de développement du leadership de coopération implanté à l'Université de Sherbrooke dont la mission serait de comprendre et de développer ce type de leadership. «La complexité des problèmes auxquels nous faisons face ne peut être résolue que par la contribution du capital intellectuel de plusieurs.»
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