Sommets Vol. XIX No 1 - Hiver 2006


Passionnément?
À la folie!

par Sylvie Couture

Dire que René Villemure se passionne pour l’éthique serait un euphémisme… Il aime ça à la folie! Il a d’ailleurs tout abandonné pour étudier la philosophie et créer, en 1998, l’Institut québécois d’éthique appliquée, en collaboration avec l’Université de Sherbrooke. «Une idée saugrenue – ridicule et étrange», insiste-t-il. Depuis, il répand sa folie dans les grandes organisations, expliquant à qui veut bien l’entendre que l’éthique est un outil essentiel à toute personne qui se demande quoi faire pour bien faire. Et tout le monde l’écoute.
 

Photo de René Villemure
René Villemure
Président de l’Institut québécois d’éthique appliquée
  Il n’est pas étonnant que René Villemure se retrouve sur toutes les tribunes, dans les journaux, à la télévision ou à la radio. Le philosophe a son franc-parler; il utilise un langage coloré, imagé, pour parler d’un sujet plutôt abstrait, l’éthique, qu’il réussit à rendre concret autant par l’intensité que par la justesse de ses propos. «Généralement, une organisation fait appel à mes services à la suite d’un problème grave ou même d’un scandale, précise-t-il. Je dois être sûr que le message passe bien; c’est pour ça qu’on me paie!»

Pour le président de l’Institut québécois d’éthique appliquée, il y a quatre types d’organisations. Celles qui ignorent l’éthique, environ 35 %; elles ont un travail à faire et elles le font sans se poser de questions. Celles qui pratiquent l’éthique vitrine, environ 30 %; elles se préoccupent d’éthique seulement lorsqu’il est nécessaire de faire bonne figure. «Comme le Parti libéral après la sortie du rapport Gomery», illustre-t-il, pour être sûr qu’il se fait bien comprendre. Puis, il y a celles qui se sont donné des règles déontologiques, environ 30 %; leurs règles tentent de parer à la plupart des situations normales. «Et c’est très bien ainsi. Ces organisations peuvent fonctionner parfaitement tant qu’il n’y a pas de situations anormales. Mais quand il y en a, seules les organisations éthiques, soit 5 %, ont les outils pour prendre des décisions éclairées.»

Quoi faire pour bien faire

Dans une organisation, il serait impossible de se donner des règles pour toutes les situations potentielles. «Cependant, il serait totalement contre-productif de recourir à un processus éthique dans toutes les situations, soutient René Villemure. Si la situation est normale, on applique la règle, tout simplement. S’il n’y a pas de règles, ou qu’elles ne s’appliquent pas, ou qu’elles sont en contradiction, il faut savoir reconnaître que la situation est anormale.»

Cette première étape franchie, les gens se tournent vers leurs valeurs pour prendre des décisions. Ils se demandent quoi faire pour bien faire et pourquoi certaines décisions sont meilleures que d’autres, pour enfin être en mesure de décider avec justesse dans l’incertitude. En permettant à ses membres de prendre des décisions, une organisation éthique accepte aussi de vivre dans l’incertitude; elle leur fait confiance tout en reconnaissant qu’ils peuvent se tromper.

Dans une telle organisation, il importe de se donner des valeurs claires, praticables et partagées. «Trop d’organisations dressent une liste de règles plutôt que de définir leurs valeurs. Ces règles définissent le "comment ?", alors que les valeurs doivent répondre au "pourquoi?". Pour assurer une cohérence, les valeurs de l’organisation doivent éclairer les décideurs.»

La cour des miracles?

Avec tous les abus et les scandales qui font les manchettes, peut-on vraiment s’appuyer sur l’éthique pour rehausser la confiance du public envers les organisations? «L’éthique, ce n’est pas la cour des miracles! Il y aura toujours des irréductibles, soutient René Villemure. L’éthique demeure néanmoins un outil essentiel pour faire face à des problématiques de plus en plus complexes.»

René Villemure considère d’ailleurs que, de plus en plus, les organisations devront faire appel à l’éthique pour contrer la disparition des cadres de référence, comme la religion catholique, la famille traditionnelle ou l’éducation. Elle sera essentielle pour s’adapter à la mutation de l’autorité dans les organisations avec l’arrivée de nouvelles générations. Elle sera aussi primordiale étant donné la mondialisation, la vitesse des changements technologiques et les conséquences irréversibles des décisions à prendre.

L’éthique deviendra indispensable à toute organisation qui se respecte, ce qui amène notre éthicien à réaliser «une autre idée saugrenue» : un nouveau site Internet qui réunit bulletins d’information, conseils pratiques, méthodes d’apprentissage, etc. Partagez sa folie au www.ethique.net.

 

Vox pop

L'éthique est-elle une responsabilité sociale ou individuelle?

L’éthique est avant tout une affaire de choix. À l’heure des choix, les individus qui composent la société seront guidés par leur vision du monde.

R. Villemure

 

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