Sommets Vol. XVII No 1 - Hiver 2004

Congrès sur la santé mentale et le vieillissement

Êtes-vous prêt pour le géronto-boom?

par Héloïse Bernier Leduc

«Les intervenants du monde médical sont-ils prêts pour le géronto-boom?» a demandé avec humour Jacques Languirand, parrain d'honneur du Congrès sur la santé mentale et le vieillissement qui réunissait plus de 500 spécialistes en novembre 2003. «Non», a répondu Jacques Allard. Et vous, êtes-vous prêt?

 


Jacques Allard
Directeur du Centre d'expertise de l'IUGS
Médecine 1971

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le système de santé actuel n'est pas prêt pour le vieillissement de la population», soutient Jacques Allard, directeur général du Centre d'expertise de l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke (IUGS) qui organisait ce congrès. «Même si les solutions médicales existent, il reste beaucoup à faire du point de vue éthique.»

Pour informer davantage

Comment reconnaître les symptômes de dépression chez la personne âgée? Quels médicaments faut-il lui prescrire? Comment intervenir auprès d'une personne âgée ayant des idées suicidaires? Voilà quelques-unes des questions soulevées lors de ce congrès scientifique qui visait à donner une vue d'ensemble des troubles de santé mentale autres que la maladie d'Alzheimer. Trente-sept conférenciers issus de tous les secteurs de la gériatrie et de la gérontologie ont animé autant d'ateliers et de conférences. Les participants – des géronto-psychiatres, des psychiatres, des chercheurs en psychologie, des infirmiers, des psychologues et des travailleurs sociaux – ont pu apprendre une foule de trucs pratiques et connaître les résultats des plus récentes recherches cliniques.

«Les intervenants en milieu gériatrique sont avides d'information sur la santé mentale et le vieillissement. Notre congrès a permis de les informer davantage et de les sensibiliser aux problématiques de santé mentale», souligne Jacques Allard. Selon lui, même si les problèmes de santé mentale sont de plus en plus étudiés et les traitements de plus en plus efficaces, l'information demeure encore très peu diffusée.

Le grand nombre de participants et le succès de l'événement démontrent bien la nécessité de tenir une telle rencontre. Il faut dire que l'expertise sherbrookoise en santé mentale gériatrique est l'une des plus avancées à l'échelle internationale. «Aucun congrès semblable n'existe en Europe ou ailleurs au Canada. Ce congrès a été le plus gros depuis que la discipline a vu le jour», précise Jacques Allard.

Pour se questionner encore et encore

Sujet toujours très controversé, le questionnement éthique sous-tendait plusieurs conférences tenues lors du congrès. Pour Jacques Allard, les moments forts portaient d'ailleurs sur ce sujet. Dès le début, la conférence d'ouverture du directeur du Service de psychiatrie gériatrique au centre hospitalier St. Mary de Montréal, François Primeau, a donné le ton en traitant des préjugés sur la maladie mentale et sur la vieillesse. Puis, l'assemblée plénière sur l'utilisation des antipsychotiques en gériatrie, qu'a animée Paule Hottin, a soulevé bien des débats. Et enfin, la table ronde sur le désir de mourir des personnes âgées, qu'il soit légitime ou non, a marqué le congrès par de nombreuses interrogations sur la qualité de vie et la vie elle-même.

D'ici 20 ans, 25 % des gens auront plus de 65 ans. Le vieillissement de la population annonce une véritable révolution, touchant bien des secteurs (médecine, logement, vêtement, finance, gestion). Au dire de Jacques Allard, il faudra développer une expertise dans le domaine de la vieillesse, diffuser de l'information sur le sujet et se poser des questions d'ordre éthique pour bien se préparer aux bouleversements à venir.

Professeur titulaire à la Faculté de médecine, Jacques Allard s'intéresse particulièrement à l'éthique dans le comportement médical par rapport au vieillissement. Ses recherches l'ont amené à souligner l'importance de réhabiliter la question éthique dans la pratique médicale. «La mort est encore un sujet tabou, dit-il. Avec le vieillissement de la population, les médecins devront se demander : la vie, oui, mais à quel prix?»

Pour agir ici, maintenant

Des études récentes ont démontré qu'en 1990 chaque personne âgée recevait en moyenne 33 ordonnances par an, alors qu'en 2000 chaque personne âgée en recevait 55, une hausse qui fait peur à Jacques Allard. Une telle consommation de médicaments entraîne une augmentation du coût des soins de santé. À ce rythme, il ne croit pas que le système de santé québécois puisse tenir le coup.

Il ajoute que les centres d'accueil pour personnes âgées ne sont pas adaptés aux besoins de la prochaine génération vieillissante. En ce qui a trait au rôle des familles, de plus en plus petites, Jacques Allard affirme qu'elles en font déjà beaucoup. Mais dans un avenir rapproché, les familles ainsi que les intervenants seront débordés et ne pourront plus agir comme ils le font présentement.

«Il faut penser autrement. Nous ne pouvons pas intervenir sur toute la société, nous devons commencer par des actions locales», déclare celui qui considère qu'il est plus facile d'entreprendre d'abord ces actions pour ensuite les appliquer ailleurs. Diffuser de l'information et promouvoir la formation en gériatrie figurent parmi les moyens qu'il compte prendre pour préparer les professionnels du secteur de la santé à faire face au vieillissement et au géronto-boom.

 

VOX POP

Avez-vous peur de vieillir?

Non. Mon expérience en gériatrie m'a permis depuis longtemps d'accepter que le vieillissement soit tout simplement une réalité de la vie.

J. Allard

 

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